Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Un jour, un voisin m’a fait un tour de magie et m’a laissé toute une semaine sans explications. Au cours de cette semaine, ma tête a travaillé et a ressenti le secret, l’impossible, ainsi qu’une nouvelle réalité. Quand mon voisin m’a expliqué le secret, j’en suis ressorti plus intelligent et j’ai découvert la merveilleuse vie intérieure de la magie. À ce moment-là, je voulais être un magicien. Tout m’attirait dans cet art : l’expérience, l’impossible, l’effet…
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Je ne connaissais personne dans ce domaine et je ne savais pas comment avoir accès à des livres spécialisés. J’étais très jeune et il n’y avait pas d’Internet à cette époque.
J’ai donc commencé à travailler avec mes propres techniques. Quelques mois plus tard, j’ai participé à une émission de télévision avec Juan Tamariz.
Par la suite, j’ai vu un livre dans une librairie expliquant où il y avait un magasin et une association de magie. Un an et demi plus tard, je rencontrais Ascanio chaque jeudi et le lundi avec Tamariz et de nombreux magiciens, tout au long de la semaine. Je suis né dans un berceau doré !
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Je ne pense pas que quelqu’un m’a arrêté, sauf moi. De nombreux magiciens m’ont aidé. Tous les maîtres espagnols m’ont toujours ouvert leur porte et m’ont enseigné leur connaissance. J’ai aussi été conseillé par des magiciens étrangers. La magie reste encore un domaine où les gens s’aident les uns les autres et nous pouvons percevoir la magie comme faisant partie de la culture de ce monde.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai du mal à travailler dans des salles de théâtre pour quarante ou cinquante personnes. Je travaille plutôt à une table et le public paie une entrée pour me voir. Ce sont mes conditions idéales. Cependant, je travaille aussi différemment pour des festivals, de la magie familiale, en close-up… Je suis professionnel, je m’adapte et j’aime profiter de toutes les conditions possibles.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Ah, la réponse est très longue. J’ai été marqué et je continue à être influencé par de nombreux magiciens. J’admire la créativité, l’énergie et la vie de nombreux magiciens. En tout premier lieu, Tamariz, Ascanio, Gabi, Aparicio, Pepe Carroll, Miguel Gómez… beaucoup de magiciens espagnols qui, à mes débuts, m’ont aidé à me construire comme magicien.
Mais, dans le monde entier il y en a des centaines comme Gaëtan Bloom, Norbert Ferré, Pit Hartling, de nombreux magiciens américains… La vérité est que si je devais en choisir un, se serait Tommy Wonder. Ce fut la sensation magique qui m’a le plus touché, la première fois que je l’ai vu.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je suis attiré par tous les styles, ceux qui sont bien faits. Mais j’ai un faible pour le close-up. Mais, quand je vois des grandes illusions avec un style propre et original, je suis excité parce qu’il est très rare de voir cela. Quand un manipulateur fait quelque chose de parfait comme les magiciens coréens, c’est un délice. Quand je vois le numéro de colombes du finlandais Marko Karvo, je me dis que la vraie magie existe.
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’ai étudié la photographie, j’allais devenir photographe et j’admirais Chema Madoz. J’ai aussi étudié le théâtre, le mime comme Marcel Marceau, la comédie, le clown… Mes influences sont nombreuses et le défi pour moi n’est pas de choisir ces influences et de les intégrer à la magie, mais plutôt de réévaluer l’art.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Apprenez la base de l’art, les basiques de la magie et maîtrisez les. À partir de ce moment, vous êtes libre de créer sans limites.
Je pense que le problème actuel est que tout va très vite pour récolter la gloire et de l’argent. Ce n’est pas grave d’avoir de l’argent et de la renommée, mais le problème est qu’ils cachent souvent un déficit en connaissances.
Ce qui importe vraiment, est de savoir ce que l’on veut sincèrement, sans idées préconçues, la vérité, et suivre son chemin sans perdre de temps.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je pense que nous vivons une période très intéressante. Plusieurs générations sont représentées avec des visions différentes de ce qu’est la magie. La mondialisation a pour résultat de mélanger toutes les écoles de magie, mais l’identité culturelle risque d’être perdue. Il y a beaucoup plus de magiciens, ainsi, il y a des magiciens pour tout : pour la théorie, pour la créativité, pour la scène, pour la télévision… c’est un moment charnière et je suis curieux de voir comment la magie va évoluer, comment grandiront ceux qui ont maintenant quinze ans et qui ont déjà vécu une magie totalement différente de la façon dont nous l’a vivons aujourd’hui.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Il y a deux réponses à cette question : la culture comme savoir et la culture comme l’identité d’un pays.
Pour la culture comme savoir, j’ai un conflit personnel. Jean Dubuffet, a défendu une peinture sans connaissances techniques. De cette manière, il pouvait peindre la réalité par rapport à sa conception, et sa créativité était « gratuite » sans influences.
J’aime cette conception, mais je suis rationaliste et j’aime que les connaissances puissent être créées en fonction du passé. En fait, à ce stade de ma vie, je crois sans savoir et j’acquière cette connaissance pour affiner mes créations.
Pour la culture comme l’identité d’un pays, je me désole pour la mondialisation et la perte d’identité culturelle. J’aime les différences, pour les villes, les gens… J’aime un monde riche en variété, et je déteste l’homogénéité.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Ma profession est la magie, mon hobby est la magie et ma passion est la magie. Je n’ai pas beaucoup de temps pour d’autres hobbies. Cependant, j’aime beaucoup de choses dans la vie. Ce que je fais parfois, c’est de les relier à la magie et donc d’apprécier les deux. Par exemple, j’aime le cinéma, alors j’étudie les structures cinématographiques et je les applique à la magie. Ainsi, ce que j’aime, je le fais avec une seconde intention dédiée à la magie.
– Interview réalisée en septembre 2017.
A visiter :
– Le site de Miguel Angel Géa.
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