Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
De nature curieuse, je crois avoir toujours été intrigué par la magie. Petit, je m’étais fait offrir une boîte de magie avec 150 ou peut être 250 ou… non 500 heu non, on va plutôt dire 250 tours de magie…bref, je crois que s’il y en avaient deux de réalisables, j’y mettais tout mon optimisme ! J’ai donc laissé de côté la magie, j’ai fait un peu de jonglerie puis le virus est revenu beaucoup plus tard vers l’âge de 13 ans (attention je vais raconter ma vie, peut être pouvez- vous, passer directement au paragraphe suivant…).
C’est drôle, quand j’y repense, à l’époque, j’avais une image assez stéréotypée des magiciens et du milieu magique. Pour moi, un magicien c’était soit : les « boi-boites » à paillettes, le lapin et le chapeau ; soit les magiciens que je voyais à la télé, comme l’un d’entre eux, un certain Copperfield qui faisait disparaître un wagon en lévitation… J’imaginais un milieu très fermé dans lequel les secrets ne se transmettent que de père en fils ou ne se vendent qu’entre grands magiciens…
A 13 ans donc, j’étais en vacances dans le Sud et un soir en me promenant sur le port parmi plusieurs « stands à touristes », j’ai vu un magicien d’un nouveau genre pour moi, il avait un chapeau rigolo et présentait, avec un style bien à lui, des tours bluffants qu’il vendait ! …comme le « Dynamik-coin » par exemple ! Pour moi c’étaient de « vrais » tours de magie ! J’étais émerveillé ! J’y suis retourné le soir suivant, celui d’après et encore celui d’après ! L’occasion était inespérée, j’ai craqué. Je lui ai acheté mes premiers « vrais » tours !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
C’est depuis ces vacances que la passion ne m’a pas quitté. A mon retour, j’ai cherché, dans ma région, les fameux jeux de carte « bicycle ». On m’a recommandé un magasin de jeux à St Etienne. Qu’elle ne fut pas ma surprise d’y voir non seulement, tous les tours que j’avais déjà vus mais aussi beaucoup d’autres. J’achète alors mon premier livre de magie : celui de Patrick Page ! J’ai le sentiment d’avoir de l’or entre les mains ! Par la suite, j’y rencontre un magicien qui me fait découvrir qu’il existe un club de magie dans cette même ville ! Je ne pensais pas avoir accès à un lieu magique si près de chez moi ! Je rentre alors à l’Amicale des Magiciens de la Loire. Les rencontres, les conférences et enfin le fait de préparer un examen d’entrée m’ont énormément fait progresser.
Je voulais monter un numéro de scène. L’examen d’entrée était une parfaite occasion ! C’est dingue comme le fait d’avoir une échéance peut booster ! (Même remarque pour la préparation des concours !).
Je n’imaginais pas monter sur scène sans prendre de cours de théâtre. Dans un premier temps, en cours particulier, j’ai travaillé sur mon numéro (qui n’avait rien à voir avec Just Imagine) puis par la suite j’ai continué le théâtre mais cette fois en jouant des pièces (sans Bobo). J’ai également fait un stage (trop court !) à l’école du Mime Marceau.
Parallèlement naissait une autre passion : celle des éclairages de spectacles.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-il freiné ?
Aie ! La liste est trop longue ! Les premières personnes à m’avoir aidé étaient les magiciens de l’Amicale de Saint-Etienne. Je ne connaissais personne et comme le veut la coutume, un magicien : Jean-Guy André, s’est porté volontaire pour être mon parrain magique. Je ne connaissais rien au milieu magique et à son fonctionnement, il m’a beaucoup apporté !
J’encourage vraiment le travail en équipe. Il n’y a rien de mieux pour avancer que d’avoir du recul sur son travail à travers d’autres regards. Mais je reste convaincu que cela doit se faire en petits comités.
Après avoir vu sur scène Jean Paul Renard et Nicole (magiciens, organisateurs, programmateurs de nombreux galas internationaux de magie et conseillers artistiques pour un certain nombres de galas et de numéros de magie entre autres) je les invite à un de mes spectacles pour avoir un avis.
Le Diavol avait lieu quelques semaines plus tard et avec mes partenaires Astrid et Manon nous hésitions à y aller. C’était au tout début avec les prémices de Just Imagine. Ils nous ont encouragés à tenter l’aventure. Cela a été une super expérience, je pense que c’est le genre de concours qui est parfait pour débuter. L’ambiance est assez familiale et de ce fait on aborde sereinement la chose.
Par la suite nous avons participé à deux concours FFAP, celui de Strasbourg en 2005 et celui d’Arcachon en 2006. Chacun d’entre eux a été une véritable étape. Ils nous ont permis d’avancer et de progresser. Mes partenaires et moi-même, avons ainsi travaillé avec Jean Paul Renard et Nicole sur toutes les améliorations à apporter, en particulier au niveau de la mise en scène et du jeu d’acteur.
Travailler avec des partenaires (acteurs à part entière du numéro !) n’est pas toujours aisé. En effet, il n’est parfois pas facile d’accorder les avis et les emplois du temps de chacun. A ce propos, en guise de vacances je travaille aussi sur un numéro solo !
L’intérêt principal d’un concours est de recueillir un grand nombre d’avis, de tout écouter, de faire le tri et de garder ce qui nous convient et surtout ce qui correspond à notre numéro. Merci encore à Peter Din, Thierry Schanen ainsi que Pierre et Géraldine Fleury, Jean Philippe Loupi, Jérôme Helfenstein, Alice, Damien Oszadsuc … pour leur nombreux conseils pour avoir pris du temps au téléphone ou par mails…mais aussi aux nombreuses personnes qui sont venus nous voir dans les couloirs des congrès. Enfin, les concours ont aussi l’avantage de faire connaître son numéro.
Petite note perso : Je trouve anormal que les concurrents payent pour faire un concours ! Monter un numéro prend du temps et coûte cher. Les concours font partie du spectacle, les concurrents sont sélectionnés sur vidéos et bien sûr ne touchent pas de cachets. Je trouve qu’il serait normal qu’ils aient, en retour, leur congrès offert. Je pense que le budget peut être reste un frein pour certains, surtout en grandes illusions où l’on a souvent des partenaires (ce qui multiplie le nombre d’inscriptions) et beaucoup de matériel à transporter.
Suite au concours d’Arcachon, nous avons eu la chance inouïe de travailler avec Sergueï Zamorev que nous avons rencontré dans le cadre d’un festival de théâtre. Ce professeur d’art dramatique à l’université d’état de Saint-Petersbourg enseigne, entre autres, les techniques et la philosophie du théâtre de Stanislavski. Sergueï m’a autorisé à filmer notre rencontre. En sortant, j’avais le sentiment de repartir avec un trésor inestimable dans mon sac !
Un évènement m’a-t-il freiné ? Monter un numéro c’est toute une aventure, on tâtonne, on essaie des choses, on fabrique, on détruit, on investit, on met de côté certaines choses qui, pourtant, avaient pris beaucoup de temps !! Toutes ces étapes pourraient être à première vue des freins ; même si de temps à autre on peut ressentir du découragement, je dirais quand même que celles-ci m’ont plutôt boosté et permis d’avancer !
Dans quelles conditions travaillez vous ?
Au début dans le salon de mes parents, mais avec un numéro de grandes illusions cela devient vite exigu ! Par la suite, j’ai obtenu la Salle des Fêtes de ma commune un dimanche par mois, cela nous a permis, à chaque fois, de fixer des échéances pour les répétitions suivantes et, surtout, de travailler dans des conditions réelles avec un espace scénique confortable, des éclairages et une sonorisation de qualité.
Quelles sont les prestations de magiciens qui vous ont marquées ?
Ma première émotion magique : Le numéro de Tina Lennert que j’avais vu dans « Attention Magie » puis ensuite le 1er spectacle de Brachetti, dernièrement le spectacle de Xavier Mortimer. Ensuite je suis un grand fan du numéro de Voronin, j’adore la magie de Jérôme Helfenstein (l’ambiance de l’infini, sa recherche dans son numéro d’ombre, Julius Frack, Jorgos Katsaros, Topas, Otto Wessely (marque indélébile !), Richard Mac Dougall pour la simplicité, bien sûr, David Copperfield pour son charisme, pour ses spectacles qu’il a su faire évoluer : son flying, sa cabine spirite, le laser… Jérôme Murat pour la pureté, Junge Junge, Gaëtan Bloom, Norbert Ferré, Michaël Szanyiel, Juan Tamariz, Nestor Hato… Arg ! Il y en a trop !! Ces numéros m’ont marqué par leur créativité, leur richesse et l’émotion qui s’en dégage.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Comme vous pouvez le remarquer je suis plutôt attiré par la scène. Cependant, tous les styles de magie m’intéressent à condition qu’il y a un univers et de l’émotion.
Citez un ou deux tours qui vous viennent à l’esprit comme les plus beaux à regarder, puis les plus beaux à pratiquer.
Pour le plus beau à regarder, le premier qui me vient à l’esprit est le « fil hindou » : simple, poétique, beau tout simplement.
J’aime bien aussi « les bols chinois », je le trouve très magique !
Un tour qui soit beau à pratiquer ce n’est pas l’important pour le public, au final ce qui compte c’est qu’il soit beau à regarder !
Quel conseil. Quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Je considère que j’ai bien peu d’expériences pour donner des conseils. Mais bon, puisque vous me le demandez, voici ce qui me semble utile : Apprendre les bases de la prestidigitation, travailler les manip’ mais STOP ! Il est inutile de savoir faire la dernière donne en second du dernier DVD de Machin… STOP à l’overdose de techniques ! Il faut savoir « se poser » sur un tour, sur un numéro. Rechercher la meilleure technique à utiliser pour un tour, sans apprendre tout le catalogue, puis surtout, travailler tout ce qu’il y a autour : c’est-à-dire « l’âme » de la prestation. Je ne suis pas le premier à le dire, le vrai travail se situe là. Je n’ai pas dit que je n’aime pas travailler la technique mais il faut se contenter de l’utile et passer à la finalité du numéro.
Pour ce travail, enrichissez-vous de vos goûts, de vos passions. Faites du théâtre, de la danse, du mime, du cirque… Allez voir des spectacles, des expos, des festivals d’arts de rue, il y a de l’or au théâtre du coin ! Dans des spectacles comme ceux de Philippe Decouflé, Philippe Genty, le Cirque Plume ou d’autres compagnies, dans ceux d’autres artistes moins connus issus de diverses disciplines, on assiste à un florilège de créativités. C’est en allant voir ce genre de spectacles que l’on s’aperçoit que la magie a un « train » de retard mais il me semble que les choses changent et c’est tant mieux !
Quel regard portez vous sur la magie actuelle ?
Je suis très heureux de voir que, de plus en plus de gens, d’horizons artistiques divers, s’intéressent à la magie qui s’enrichit, d’ailleurs, de l’apport d’autres disciplines.
Il y a eu un grand boom des informations via Internet. Il y a de plus en plus de magiciens en herbe et c’est temps mieux !
Je suis, cependant, un peu gêné par cette surinformation, ou plus précisément par l’utilisation que certains internautes en font… J’ai l’impression qu’ils deviennent boulimiques des dernières infos, des derniers DVD mais qu’ils ne prennent pas le temps de se déconnecter pour faire un vrai travail sur un numéro. S’intéresser, savoir des choses, c’est très bien mais je pense qu’il faut savoir se mettre des freins et ne pas traquer l’information au delà du nécessaire. Trop d’informations tuent la formation! Je pense, de ce fait, que cela peut être « dangereux » pour un débutant.
Quelle est l’importance de la culture dans l’approche de la magie ?
Quelle soit générale, purement magique ou artistique, elle est importante bien sûr ! C’est avec elle que l’on se crée une ouverture d’esprit, que l’on s’enrichit et que l’on façonne son propre univers.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Je suis passionné par le travail sur la lumière (dans le spectacle mais aussi en art contemporain !) et également par la scénographie.
Aller voir des spectacles (à bon ?).
Le bricolage (Magie oblige !).
Les jeux de plateaux.
– Interview réalisée en janvier 2008.