Extrait de la revue L’Illusionniste, N°73 de janvier 1908
Marius, de son vrai nom Jules David, restera toujours dans le souvenir de ceux qui l’ont vu au Théâtre Robert-Houdin comme le modèle du servant de scène. Nous ne pourrions dire combien d’années le virent collaborer à l’exécution des prestiges présentés sur la scène du boulevard des Italiens. Lorsqu’il débuta, il était certainement un tout jeune enfant puisqu’il était engagé pour apparaître dans le carton inépuisable de Robert-Houdin. Depuis, il figura dans tous les grands trucs qui parurent au programme : Nain-Jaune, Valet de Trèfle, Stroubaïka, Auberge du Diable, etc. Mais c’est surtout dans la première partie du spectacle lorsque, sous la livrée du servant, il prêtait son assistance intelligente et attentive à l’opérateur en scène, que sa personnalité se révélait.
Marius vers 1888 au Théâtre Robert-Houdin dans une pièce spirite.
Chacun des artistes qui se sont succédés boulevard des Italiens, se plaît a reconnaître le propos, plein de tact, avec lequel Marius savait parer à un accident et apporter un dénouement d’allure toujours magique aux tours qui ne pouvaient suivre leur marche normale. Sa tenue en scène peut être considérée comme un modèle pour tous les servants à venir. Ce n’était pas le pitre qui lève les bras au ciel avec un air ahuri a chaque exploit du magicien, attitude que le public ne peut accepter puisqu’il n’ignore pas que l’aide du prestidigitateur est le témoin journalier des tours qu’on lui présente. Ce n’était pas non plus ce servant qui regarde l’auditoire d’un air de compassion, semblant lui dire : « Vous êtes étonnés mais Moi ! je connais tout cela !»
Marius, assistant d’Harmington vers 1890 au Théâtre Robert-Houdin (photo à double exposition).
Marius avait magnifiquement campé son personnage : il semblait regarder l’opérateur comme étant capable d’accomplir les actions les plus merveilleuses et si Celui-ci lui avait dit : Marius je vais faire, venir le Panthéon ici, sur cette scène… » il aurait répondu tout simplement : « Bien ! » qui était la laconique réponse avec laquelle il accueillait toutes les propositions d’expériences. Cette impassibilité avait tourné au comique et c’est sans se départir de son habituelle froideur qu’il répondait à toutes les interpellations. En voici un exemple :
– HARMINGTON : « Marius avez-vous acheté les pêches que je vous avais demandées ? »
– MARIUS : « Non Monsieur. »
– HARMINGTON : « Et pourquoi cela, s’il vous plaît ? »
– MARIUS : « Parce qu’elles coûtaient 2 francs pièce. »
– HARMINGTON : « Eh bien, qu’est-ce que cela fait ? Ne savez-vous pas que je ne lésine jamais quand il s’agit de réaliser mes expériences. »
– MARIUS : « Mais vous ne m’avez donné que quatre sous ! »
Tous les opérateurs du Théâtre Robert-Houdin ont eu avec Marius des dialogues de ce genre qui mettaient le public en grande gaîté. Des directeurs de théâtre ayant entendu parler de cet artiste comique lui firent des propositions avantageuses. Marius se laissa tenter et parut sur le théâtre des Bouffes du Nord (1) . Mais… il n’était plus dans son cadre, et dut vite renoncer à la carrière dramatique. Il abandonna aussi la baguette magique qu’il avait tenue un instant pour son propre compte après cet infructueux essai et trouva, dit-on, la fortune dans un commerce de vins, en Algérie.
J. C.
Note de Didier Morax :
(1) Marius quitta le Théâtre Robert-Houdin en 1911 après 20 ans de présence et se produisit au Théâtre POMPADOUR Situé au 11 bd des Italiens. Il n’a jamais travaillé aux Bouffes du Nord.
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