Mise en scène : Arthur JUGNOT. Avec : Sébastien MOSSIERE, Julien LABIGNE, Jean-Luc BERTRAND.
Ce spectacle se place d’emblée dans le dynamitage de l’image stéréotypée de la prestidigitation, et sous la responsabilité de chacun (public) à être maître ou non de ses faits et gestes. Le slogan : « Tout est écrit », d’avance. La force première du spectacle c’est son trio de magiciens contrasté et complémentaire, drôle et envoûtant. Ils ont la distance nécessaire à leur rôle et une autodérision bien venue (notamment la vie privée de Sébastien Mossière et de son lapin). L’autre point fort est le scénario. On voit l’importance de travailler avec un metteur en scène. Celui-ci canalise et synthétise la force créative de ses trois compères et construit la représentation autour de leur complémentarité et non de leur individualité (qui produit souvent des rapports de forces dans la plupart des spectacles d’aujourd’hui…).
Le trio commence par une routine efficace et courte de D’light. Prit d’une ampoule (qui servira par la suite) la source de lumière est trimballée de mains en mains, d’oreilles en oreilles. S’en suit une première approche verbale avec le public sur le sujet du spectacle : sommes nous maître de nos faits et gestes ? C’est maintenant l’heure des « démonstrations » individuelles qui remettent en cause le pourquoi des actions du magicien. Ainsi Jean-Luc Bertrand produit à tour de bras des roses, Sébastien Mossière une colombe et une chandelle. Une rose fait le lien avec le prochain numéro où une spectatrice est choisie au hasard par Sébastien Mossière qui effectue une routine de bague empruntée, jetée dans la salle et qui réapparaît dans une ampoule suspendue sur scène (celle début).
Transmission de pensée : une étonnante expérience de Julien Labigne qui choisi un spectateur au hasard grâce à une boulette de papier (qui servira par la suite) lancée 3 fois dans le public. Le spectateur choisi 2 livres parmi une bonne douzaine d’ouvrages et en garde un. Dans la boulette de papier se trouve une prédiction : c’est le nom du livre choisi. Le spectateur peut garder ou prendre un autre livre. Trois personnes du public donnent librement 3 chiffres (de 1 à 10) qui vont correspondre à la page du livre. Le spectateur lit le premier mot de cette page. C’est ensuite au magicien de lire dans ses pensées et décrire la divination exacte en toutes lettres face au public. Pour finir de la plus belle manière, le spectateur dessine « ce qu’il veut » sur un papier et Le magicien le produit de ses mains!
La Guillotine : le trio présente un effet classique du début du siècle. L’effet est retardé et le truquage est remit en cause humoristiquement (vérification du système de la lame).
Fioritures : le trio effectue des fioritures à qui mieux – mieux dans un esprit de compétition, typique des magiciens qui veulent en mettre plein la vue. Tout ceci est auto dérisoire et critique la profession à travers le comportement de certains collègues. Comme dit l’un des compère : « ça c’est de la frime de magicien ».
Séquence Vidéo : Vient sur scène une petite table ampoulée composé d’un dispositif vidéo filmant en plongée le plan horizontal retransmit sur un écran télé. Le trio effectue tour à tour (mais dans la continuité) une routine de cartes avec apparition des 4 rois dans un jeu blanc, et apparition d’As d’un jeu normal. Vient ensuite une très belle séquence enregistrée à l’avance et jouée en direct par Jean-Luc Bertrand qui crée le décalage en « trichant » (par effets numérique de l’image, les cartes se retournent et le jeu disparaît). Ce procédé artisanal qui remonte aux trucages d’antan est loin des pompeux effets visuels à la mode et constitue un bel hommage à Méliès.
La carte dans la cigarette : Jean-Luc Bertrand nous présente une belle routine dans laquelle une carte déchirée (1/3 donné au spectateur) est retrouvée dans une cigarette empruntée. Entre temps la cigarette lévite, s’allume toute seule et se retrousse pour laisser apercevoir la carte enroulée à l’intérieur qui est rendue au spectateur. Le texte prend appui sur l’inventeur de la carte déchirée et raccommodée. J-L Bertrand déplace l’attente des spectateurs et retrouve finalement les 2/3 de la carte restante. Cet effet final, très fort, annule la proposition de reconstitution et est un modèle de frustration et de surprise.
Les Boulettes : Après une fausse fin sous forme de vidéo assez divertissante mais un peu répétitive, le spectacle se conclu sur une pièce de choix, où c’est le spectateur qui devient magicien. Le trio recycle avec humour l’effet de la chaise à décharge électrique justifiée par cette phrase : « Sébastien (Mossière) a besoin de quelqu’un en ce moment, c’est pas facile pour lui, si une personne peut se lever pour passer une soirée avec lui, qu’il n’hésite pas ! » Sur ce, un compère en coulisse envoie une décharge électrique et le spectateur sur scène se lève d’un seul homme. Vient la routine des boulettes de Slydini, avantageusement détournée ici. Avec la complicité du public, c’est un enchaînement d’objets de plus en plus gros qui disparaissent des mains du magicien (…appareil photo, souche d’arbre !). Pour conclure, la situation est renversée et c’est le public qui réceptionne les objets avec une surprise à la clé ! Sensations garanties !!!
« Tout est écrit » se démarque admirablement de ce que la production magique nous donne à voir d’habitude. Remarquablement construit, ce spectacle est le résultat d’un travail en équipe complémentaire où l’on sent pointer complicité et bonne humeur. C’est grâce notamment, à ce genre de production intelligente, que l’art magique peut sortir de son ghetto rempli de clichés et reconquérir le public en investissant de nouveau les théâtres.
A lire :
– l’interview de Julien Labigne.
A voir :
– L’interview de Sébastien Mossière.
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