L’idée d’une rencontre entre historiens des spectacles et magiciens est née sous l’impulsion de Stéphane Tralongo, Anne-Marie Quévrain et Fréderic Tabet, lors du 3ème colloque consacré à l’œuvre de Georges Méliès en 2011 au CCIC.
Au final, les trois directeurs Frank Kessler, Jean-Marc Larrue et Giusy Pisano ont réussi à réunir 70 chercheurs, historiens, universitaires, praticiens et collectionneurs venant de 7 pays différents, pendant une semaine sur le thème de l’art magique. Un colloque salutaire qui a permis de confronter des points de vues, favoriser des échanges, provoquer des discussions et des débats dans le lieu exceptionnel du château de Cerisy en Normandie.
Les 37 interventions (communications et tables rondes) ont abordé la dimension intermédiale, spectaculaire, théorique, historique, technologique, pratique et esthétique de la magie. Ce vaste champ de recherche a marqué une étape historique dans la reconnaissance de la magie comme objet de recherche universitaire.
Argument
Les magiciens — de Robert-Houdin et Georges Méliès à Harry Houdini et Howard Thurston suivis par Abdul Alafrez, David Copperfield, Jim Steinmeyer, Marco Tempest et bien d’autres — ont questionné les processus de production de l’illusion au rythme des innovations en matière d’optique, d’acoustique, d’électricité et plus récemment d’informatique et de numérique. Or, toute technologie qui se joue de nos sens, tant qu’elle ne dévoile pas tous ses secrets, tant que les techniques qu’elle recèle ne sont pas maîtrisées, tant qu’elle n’est pas récupérée et formalisée par un média, reste à un stade que l’on peut définir comme un moment magique.
Machines et Magie partagent, en effet, le secret, la métamorphose, le double, la participation, la médiation. Ce parti pris se fonde sur l’hypothèse avancée par Arthur C. Clarke : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie » (1984, p. 36). L’émergence même des médias peut être analysée en termes d’incarnation de la pensée magique, « patron-modèle » (Edgar Morin, 1956) de la forme première de l’entendement individuel (Marcel Mauss, 1950). De facto, depuis les fantasmagories du XVIIIe siècle jusqu’aux arts numériques les plus actuels, en passant par le théâtre, la lanterne magique, la photographie, le Théâtrophone, le phonographe, la radio, la télévision et le cinéma, l’histoire des machineries spectaculaires croise celle de la magie et les expérimentations de ses praticiens, à l’affût de toute nouveauté permettant de réactualiser les effets magiques par la mécanisation des performances.
C’est par l’étude des techniques d’illusion propres à chaque média, dont les principes récurrents ont été mis au jour par les études intermédiales et l’archéologie des médias, que la rencontre avec l’art magique s’est imposée. Ce colloque propose d’en analyser leur cycle technologique: le moment magique (croyance et émerveillement), le mode magique (rhétorique), la sécularisation (banalisation de la dimension magique).
Ce cycle est analysé dans sa transversalité afin d’en souligner les dimensions intermédiales. Les communications sont ainsi regroupées en sept sections: L’art magique; Magie et esthétiques de l’étonnement ; Magie, télévision et vidéo ; Les merveilles de la science ; Magie de l’image, l’image et la magie ; Magie du son, son et magie ; Du tableau vivant au mimétisme numérique. La première met en dialogue historiens et praticiens de la magie et présente un état des archives sur le sujet. Les six sections suivantes font état des corrélations: magie/médias et médias/magie.
Ce colloque intermédial constitue l’une des étapes du projet les Arts trompeurs. Machines, Magie, Médias (Labex Arts-H2H/ ENS Louis-Lumière/CRILCQ). Il bénéficie d’une aide de l’ANR au titre du programme Investissements d’avenir (ANR-10-LABX-80-01) ainsi que des laboratoires et institutions suivants: IRCAV, LISAA, CEISME, HAR, LIRA, GRAFICS, CRialt, UPL Université Paris Lumières, Cinémathèque Méliès, Bibliothèque nationale de France, Cinémathèque française, Musée des Arts Forains, Festival l’Europe autour de l’Europe et bien sûr du Centre Culturel International de Cerisy.
PROGRAMME MACHINES, MAGIE, MÉDIAS
L’ART MAGIQUE (Sources et ressources)
– Matthew SOLOMON: Incoherent Illusionism
– Archives de l’illusion: quels partages possibles ? Table ronde animée par Leslie VILLIAUME, avec Sébastien BAZOU (L’association ARTEFAKE), Jacques MALTHÊTE et Didier MORAX (Collectionner et transmettre dans le domaine de la magie)
– [Lise JANKOVIC: Quand la comédie de magie par science magique accomplit des prodiges. Transferts transpectaculaires
->http://www.artefake.com/LA-COMEDIE-DE-MAGIE-ESPAGNOLE.html]
– Jacques AYROLES & Giusy PISANO: De la prestidigitation au « Magic Big Show » d’Howard Thurston
– Rencontre avec les praticiens. Table ronde animée par Véronique PERRUCHON, avec Sébastien BAZOU, Paul HOURON et Gérard SOUCHET
– Démonstration d’art magique, avec Gérard SOUCHET
De la prestidigitation au « Magic Big Show » d’Howard Thurston.
L’ART MAGIQUE (Formes et techniques)
– Véronique PERRUCHON: Du visible au visuel, pouvoir du noir dans la Magie nouvelle
– Claire BAUDET: Incarner une créature magique: l’exemple des mermaid performers
Du visible au visuel, pouvoir du noir dans la Magie nouvelle (copyright : Clément Debailleul).
MAGIE ET ESTHÉTIQUES DE L’ÉTONNEMENT (Théâtre, féeries, panorama, mermaid performance)
– Frank KESSLER & Sabine LENK: Magie spectaculaire: pour une esthétique de l’émerveillement
– Patrick DÉSILE: Le théâtre magique de Jean-Pierre Alaux
– Adélaïde JACQUEMARD-TRUC: Techniques d’illusion, révélation du réel: projets dramatiques et mise en scène dans les Carnets de Maurice Maeterlinck
– Ciné-concert Méliès, présenté par Anne-Marie QUÉVRAIN, direction musicale par Martin LALIBERTÉ
Magie spectaculaire: pour une esthétique de l’émerveillement.
MAGIE, TÉLÉVISION ET VIDÉO (Au-delà de la performance)
– Marie-France CHAMBAT-HOUILLON: De la magie télévisée à la magie télévisuelle
– Thibaut RIOULT: Performance sans performance. La magie entre art et technique
– Mathieu PIERRE: Magie et sérialité
– Clémence de MONTGOLFIER: L’artiste en magicien à la télévision
– Alain CAROU& Sylwia FRACH: Les archives de Michel Jaffrennou — Échange avec Michel Jaffrennou
– Michel JAFFRENNOU: Des Toto-logiques (1979) à Vidéopérette (1989)
Performance sans performance. La magie entre art et technique.
LES MERVEILLES DE LA SCIENCE
– Kurt VANHOUTTE & Nele WYNANTS: From Theatre to Science and Back: Trajectories at Play in the Scientific Theatre of Paris Modernity
– Leslie VILLIAUME: De la physique amusante aux grandes illusions: évolution et diversification des procédés techniques au service des spectacles de magie au XIXe siècle
– Mireille BERTON: Le médium spirite ou la magie d’un corps hypermédiatique à l’ère de la modernité
– Paul HOURON: Illusions & Techniques. Un survol des techniques employées de l’Eidophusikon de P.-J. de Loutherbourg à « Virtualia » de J.-P. Favand
Le médium spirite ou la magie d’un corps hypermédiatique à l’ère de la modernité.
MAGIE DE L’IMAGE, L’IMAGE ET LA MAGIE
– Clément BODET: L’image naturelle: aux fondements du lien entre photographie et « magie »
– Maxime SCHEINFEIGEL: La pensée magique et le cinéma
– Sophie RABOUH: L’astronome, magicien des temps modernes: machination du ciel étoilé dans le cinéma des premiers temps
– Jean-Pierre SIROIS-TRAHAN: « Une illusion frappante de réalité ». Surgissement et merveilleux scientifique dans L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat
– Réjane HAMUS-VALLÉE: Le trucage truqué: les effets spéciaux des scènes de prestidigitation au cinéma
– Caroline RENOUARD: Techniques d’illusion, entre transparence et opacité. Le cas du musical hollywoodien
– Daniel BILOUS: Anciens et nouveaux mécanomates
La pensée magique et le cinéma.
MAGIE DU SON, SON ET MAGIE (Magie et performativité de la voix médiatisée et Déformations et illusions auditives)
– Libera PISANO: Sémiotique magique: le passage à la voix, pour une forme radicale de performativité
– Jean-Marc LARRUE: La « théorie des déformateurs » du théâtre aux spectacles de magie
– Serge CARDINAL: L’impossible (médiatique) dans ce monde-ci: magie radiophonique (du cinéma)
– Martin LALIBERTÉ: Musiques électroacoustiques et fascinations magiques: le cas des musiques mixtes à l’IMEB
– Azadeh NILCHIANI: De la spatialisation de la musique électroacoustique à la magie nouvelle
– Transformation de l’écoute et mutation technologique: l’esthétique de l’IMEB, table ronde avec Geneviève MATHON, Sylvain SAMSON et Grégoire TOSSER
– Installation d’Azadeh NILCHIANI
DU TABLEAU VIVANT AU MIMÉTISME NUMÉRIQUE
– Erkki HUHTAMO: Between Kaleidoscomania and Pokemon Go Mania: Media Archeology as Topos Study
– Carole HALIMI: La « sensation magique » du tableau vivant ou la recherche d’une image active
– Martin BARNIER: Pepper’s Ghost et « hologrammes » en mouvement
– Miguel ALMIRON: Corps magiques, corps numériques
– Renée BOURASSA: Corps numériques: le design de figures de synthèse dans les dispositifs médiatiques contemporains
– Florent DI BARTOLO: La dimension magique du design d’interaction
Pepper’s Ghost et « hologrammes » en mouvement.
RETOUR SUR LA MAGIE D’HIER À AUJOURD’HUI
– Katharina REIN: From Robert-Houdin to P. T. Selbit. Media in mental magic
– Joe CULPEPPER: The Circus Card Trick, Performative Language, Interpretative Communities and Ethics of Deception
From Robert-Houdin to P. T. Selbit. Media in mental magic.
Le Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle
Chaque année, d’avril à octobre, le CCIC réunit des artistes, chercheurs, enseignants, étudiants, acteurs économiques et sociaux, ainsi qu’un vaste public intéressé par les échanges culturels et scientifiques, au sein duquel figure une forte proportion d’étrangers attirés par la culture française.
Le château
Construit entre 1613 et 1625, après l’Edit de Nantes, par une famille de la noblesse protestante, les Richier, le château, entre place forte et demeure de plaisance, adopte le plan bastionné des manoirs de la fin du XVIe siècle. Le corps de logis est flanqué de quatre pavillons d’angle, trois côtés étant protégés par des douves sèches. L’alignement de la façade nord et les ponts datent de 1756. D’un style grave et noble, les éléments décoratifs se limitent aux lucarnes des pavillons, aux bandeaux horizontaux et à la polychromie des matériaux (grès rouge et granit).
À l’intérieur, on note l’escalier monumental, les cheminées en granit, l’ancienne salle basse avec son plafond peint Louis XIII, ainsi que le salon de boiserie, le grand salon, l’ancienne cuisine, les combles. La ferme, contemporaine, avec quelques éléments antérieurs, adopte un plan en L, tandis que d’autres bâtiments (les écuries, l’orangerie, les serres) sont postérieurs.
À l’ouest et au nord, les ruines du manoir précédent avec une échauguette, ainsi qu’un platane bicentenaire dominent un étang remplaçant d’anciens viviers et ayant servi de déversoir au moulin.
À la Révolution, le dernier des Richier a émigré et le château a été déclaré « bien national ». Acheté en 1819 par Joseph Savary, né à Notre-Dame-de-Cenilly, ancêtre des propriétaires actuels, il accueille depuis 1952 le Centre Culturel International. Le site est classé Monument Historique « en raison de la qualité architecturale et de la grande cohérence de l’ensemble, en tant que haut lieu de la culture et de l’histoire, y compris celle de la pensée moderne ».
L’aventure culturelle
Une aventure familiale désormais séculaire.
– De 1910 à 1939, Paul Desjardins organise à l’abbaye de Pontigny, en Bourgogne, les Décades, demeurées célèbres, qui ont réuni les plus éminentes personnalités de l’époque pour débattre de thèmes artistiques, littéraires, philosophiques, politiques et sociaux.
– En 1952, Anne Heurgon-Desjardins, sa fille, crée le Centre culturel de Cerisy, remet le château, les bâtiments annexes en état et, grâce au soutien des Amis de Pontigny-Cerisy, poursuit l’œuvre de son père en lui donnant une impulsion nouvelle.
– De 1977 à 2006, ses petites-filles, Edith Heurgon et Catherine Peyrou, reprennent le flambeau et donnent une nouvelle ampleur aux activités du Centre. Les sujets des colloques se diversifient, et les installations se modernisent.
– Accueillir dans un cadre agréable, pendant une période assez longue (une semaine, voire dix jours), des personnes partageant un même intérêt pour le débat, afin, et en toute indépendance, de « penser avec ensemble »;
– Offrir, outre l’intérêt du thème choisi, une grande qualité de l’accueil et une heureuse convivialité des rencontres.
L’AAPC (Association des Amis de Pontigny-Cerisy), créée en 1952, reconnue d’utilité publique en 1972, a pour mission unique de favoriser les échanges culturels et scientifiques. Actuellement présidé par Jean-Baptiste de Foucauld.
Le CCIC (Centre Culturel International de Cerisy), principal moyen d’action de l’Association, a deux activités : l’organisation, la publication des Colloques de Cerisy ; et, subsidiairement, l’accueil des Entretiens de la Laiterie. – Il propose, au château et dans les bâtiments annexes, des lieux de travail, d’hébergement, de restauration, de détente.
Les Colloques de Cerisy prolongent, depuis 1952, les décades de Pontigny. Les quelque 700 colloques déjà organisés abordent aussi bien les œuvres et la pensée d’autrefois que les mouvements intellectuels et les pratiques artistiques les plus actuels. Ils se caractérisent par leur durée (une semaine en résidentiel), la qualité de l’accueil et l’ampleur des discussions. Les Entretiens de la Laiterie permettent d’accueillir, dans une salle de conférences aménagée dans l’ancienne laiterie, les « partenaires » désireux d’y tenir des journées d’échanges dans le domaine de la culture, de l’éducation, de la recherche et de la prospective.
Plus de 700 colloques (20 par an en moyenne) se sont tenus à ce jour dans le château de Cerisy, avec la publication de plus de 500 ouvrages. Organisés autour de problématiques telles que Genèse et structure (1959), Une nouvelle littérature : Tel Quel (1963), Le Nouveau Roman (1971), Vers une révolution culturelle : Artaud, Bataille (1972), ou encore autour de personnalités intellectuelles comme Martin Heidegger (1955), Giuseppe Ungaretti (1960), Raymond Queneau (1960), Claude Simon (1974), Alain Robbe-Grillet (1975), Roland Barthes (1977), Yves Bonnefoy (1983), Edgar Morin (1986), Cornelius Castoriadis (1990), Vladimir Jankélévitch (2003), Walter Benjamin (2005) ou Michel Deguy (2006), ils contribuent à faire du Centre culturel international de Cerisy-la-Salle une institution culturelle unique en son genre et un haut lieu de réflexion au rayonnement international.
A visiter :
– Le site du Centre Culturel International de Cerisy.
A lire :
– Les Arts Trompeurs, bilan et cycle 2 (2015-2022).
– Les actes du colloque de Cerisy Machines. Magie. Médias de Frank Kessler, Jean-Marc Larrue et Giusy Pisano (Editions Septentrion, presses universitaires, septembre 2018).
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