Critique par Philippe du Vignal
L’illusionniste québécois bien connu reprend son spectacle qu’il avait présenté l’an passé au Casino de Paris.
Entre science et illusion dans un laboratoire inspiré de l’univers de Jules Verne, il est aujourd’hui une des meilleures références du spectacle de magie, une belle poésie en plus. Il fait appel à quelques spectateurs au cours du spectacle, ce qui établit une belle connivence avec le public. En première partie, quelques numéros de mentaliste effectués par Viktor Vincent qui en réalise un, entre autres, où il multiplie de vive voix 8541 par 8541… Résultat exact : 72 948 681 qu’il annonce quelques minutes après, et qu’il fait évidemment vérifier par les spectateurs sur la calculette de leur portable. Stupéfiant.
Luc Langevin, lui, est un jeune magicien d’une trentaine d’années très connu au Québec. Le début du spectacle où il joue avec un double de lui-même grâce à une technologie virtuelle qui, malheureusement est loin d’être au point, a du mal à démarrer. Mais, très vite, avec son léger accent québécois et sa gentillesse, il sait gagner la confiance du public. Il raconte avec beaucoup de simplicité ses envies et ses rêves d’enfant : devenir magicien. Une ambition, dit-il, qui s’est ensuite concrétisée, quand il a réussi une audition, alors qu’il était encore étudiant en sciences à l’université Laval du Québec où il a obtenu une licence en génie physique et une maîtrise en optique. Bien utile quand on veut créer des tours de magie…
Puis il commence à réaliser quelques tours de cartes, et ensuite inscrit un ensemble de dates de naissance recueilli auprès du public, sur un tableau pour arriver au nombre unique de 71, que les chiffres soient placés, à la verticale, à l’horizontale, en carrés ou dans les deux diagonales. Numéro connu, qui ne doit, bien entendu, rien à la magie et tout à la logique mais qui reste bluffant, quand il est, comme ici, vite et bien réalisé.
Tout aussi bluffant, un des meilleurs numéros de ce spectacle : un classique du close-up, maintenant rendu possible même dans de grandes salles, grâce à une caméra qui le retransmet sur grand écran. Mais ici très poétique et que Luc Langevin réalise impeccablement et, comme tous les autres numéros sans exception, avec une grande intelligence.
A la fin, le spectateur peut ainsi retrouver un ou plusieurs petits objets que le magicien lui a empruntés et qui ont pourtant disparu et/ou ont été coupés en deux devant nous, ce qui s’oppose aux lois les plus élémentaires de la physique… Luc Langevin invite ainsi un spectateur à venir déposer un trousseau de clés, un billet de vingt euros, et son téléphone. Sur une petite table, il prélève la plus petite clé du trousseau, celle d’une boîte à lettres, déchire un des côtés du billet et garde le téléphone…
Grâce à une retransmission sur grand écran, on voit parfaitement, enfin presque, toute la manipulation. Langevin place alors une grosse boule blanche en polystyrène expansé sur la petite table. C’est là où tout se passe et où on est censé tout voir (mais où bien entendu, on ne comprend rien de rien ou presque de ce festival de trucage et de manipulation !) puis il confie la grosse boule à l’amie du spectateur, avec la consigne de la garder soigneusement sur ses genoux…
A la fin du numéro, Luc Langevin l’ouvre sur la petite table : le spectateur y retrouve son billet intact, son téléphone et la petite clé à l’intérieur d’une ampoule électrique que Langevin casse devant nous pour la récupérer… Tonnerre d’applaudissements bien mérités.
Il y a aussi un beau numéro d’équilibre d’objets, avec une chaise un cadre, une échelle, un perroquet pour vêtements. Et, avec l’aide de César, un tout mignon spectateur de six ans, Luc Langevin présente un merveilleux numéro plein de poésie où des dizaines de balles en mousse, rouges et bleues, disparaissent, réapparaissent, se multiplient dans les mains de Luc Langevin, ou sortent en rafale de sa bouche, ou mieux dans les petites mains d’un César absolument émerveillé.
Et, à la toute fin, un numéro exceptionnel, dit de téléportation, où Luc Langevin, debout en costume noir, passe d’une grande boîte verticale à une autre absolument identique, les deux étant pourtant séparées d’un mètre ! Sans doute, grâce à une combinaison de miroirs pourtant invisible mais qu’importe, le résultat est là, tout aussi bluffant.
Le spectacle, superbement maîtrisé sur le plan technique, traîne parfois et ces deux heures manquent un peu de rythme, surtout au début ; bref, il mériterait une mise en scène plus rigoureuse. Mais cela vaut le coup d’y aller, surtout si vous avez gardé une âme d’enfant et si la magie et l’illusion vous séduisent. C’est aussi, après tout, une belle leçon de philosophie et de réflexion sur le réel.
– Source : Le Théâtre du Blog.
Critique par Sébastien Bazou
C’est la deuxième saison en France pour ce magicien québécois qui a déjà testé son spectacle il y a un an au même Casino de Paris du 10 au 21 février 2016. Le succès étant au rendez-vous et après différents passages promotionnels à la télévision, il reprend ses quartiers dans la salle parisienne, suivi d’une tournée dans toute la France.
Le personnage est d’amblée sympathique, point commun à tous nos amis du Québec qui viennent tenter leur change en France et conquérir un nouveau public. Les chanteurs ont les premiers introduits le marché français, Robert Charlebois en tête et le très populaire Garou. Ce dernier participant à une très belle expérience de close-up filmée avec Luc Langevin. L’excellent magicien québécois Alain Choquette avait déjà investi les théâtres parisiens dès 2012.
Première partie
Surprise inattendue pour un spectacle de magie, une première partie comme pour un concert ! C’est plutôt un invité qu’un jeune talent en devenir essuyant les plâtres des planches ! Et quel invité de marque en la personne de Viktor Vincent, tout simplement l’un des meilleurs mentalistes au monde à l’heure actuelle, qui nous revient avec un nouveau look crâne rasé et moustache 1900.
Pendant une demi-heure, il va réaliser trois expériences magistrales de mentalisme extraites de ses précédents spectacles et de ses passages à la télévision. Le but : « nous connecter les uns aux autres » pour nous préparer au spectacle de Luc Langevin.
Il commence par le tour éculé du Twisting hands de Meir Yedid, marque de fabrique de Copperfield, mais qui est ici présenté d’une manière nouvelle de par la répétition des mouvements, sa justification mentale (« votre esprit a loupé une étape ! ») et sa fausse explication finale.
Première expérience : Le dessin. Le public est invité à fermer les yeux et à imaginer sur un grand écran blanc un dessin. Le mentaliste demande aux personnes ayant pensé à un arbre, une maison, une voiture, une fleur, de baisser la main. Des choses trop évidentes pour être devinées. Il choisit une spectatrice au hasard et l’a fait monter sur scène. Il la questionne sur la chose qu’elle a en tête et cette dernière doit répondre par oui ou par non mentalement. Viktor Vincent fait alors un dessin sur un carnet, demande à la spectatrice de nommer la chose à laquelle elle pensait et le dessin correspond.
Deuxième expérience : Le billet. « Pensez-vous être maître de votre destin ? » Sur cette question, Viktor Vincent tient en main 5 enveloppes scellées. L’une d’elle contient un billet de 100 euros. 4 chaises sont disposées sur scène et attendent les spectateurs qui vont être choisis avec la technique du « frisbee ». 4 disques envoyés, n’importe où, dans la salle par le mentaliste. Les personnes désignées montent sur scène et choisissent de s’asseoir où elles veulent.
Le mentaliste se tient derrière les chaises et demande à chaque spectateur de lui nommer une enveloppe parmi les 5. « 1, 2, 3, 4 ou 5 ? », Viktor Vincent essayant d’influencer leur choix par différentes techniques visibles (ton de la voix, toucher, etc.). Au final, 4 enveloppes sont distribuées librement aux spectateurs assis.
C’est le moment de la révélation. Le mentaliste ouvre la dernière enveloppe qu’il tient dans sa main. Celle-ci ne contient pas 100 euros… mais 500 euros ! Il a été prévoyant ! C’est au tour des 4 autres enveloppes d’être ouverte. On découvre dans chacune un papier de couleur différente avec un smiley la bouche à l’envers. Les spectateurs se lèvent de leurs chaises qui sont repliées et laissent apercevoir la même couleur que leur papier respectif au même emplacement !
Troisième expérience : Calcul mental. Dans la pure tradition des calculateurs prodiges comme Inaudi, Viktor Vincent va réaliser une expérience bluffante. « Luc est un vrai scientifique et un amoureux des mathématiques. Il m’a demandé de faire une mise à niveau de la salle… ». Le mentaliste demande un nombre à quatre chiffres à un spectateur (pas de date d’anniversaire ou de mariage). Celui-ci monte sur scène, vérifie une calculatrice, la remet à zéro. Il tape ensuite le numéro de quatre chiffres et le multiplie par ce même nombre. Sa racine carrée donne un résultat que Viktor Vincent va essayer de calculer mentalement. Posant les opérations à haute voix, étapes par étapes, il arrive au résultat indiqué sur la calculatrice.
Fin de cette première partie où, une nouvelle fois, Viktor Vincent a époustouflé le public par sa remarquable maîtrise verbale, sa diction parfaite et son sens de la dramaturgie.
Introduction
« Le monde est régi par les mathématiques… ». Une voix off accompagne l’animation d’un écran vidéo encadré comme un tableau sur un énorme chevalet. L’image d’un magicien avec une boule de cristal fait place à une échelle d’où apparaît Luc Langevin, qui vient dessiner une poignée en spirale qui ouvre l’écran comme une porte (montrant l’intérieur vide) puis se referme.
Le magicien virtuel dessine alors une corde qui fait monter le cadre, tire le vrai voile extérieur qui s’engouffre dans l’écran et le transforme en balle blanche ; Le cadre pivote ensuite à l’horizontal et le magicien apparaît en vrai au-dessus de celui-ci. Il sort du cadre et se présente aux spectateurs.
Cette séquence d’introduction n’est pas vraiment calée et un peu longuette ; dommage.
Ecran animé
« Mes expériences ont longtemps été des idées abstraites dans ma tête et elles deviennent ici réalité. » C’est sur ces paroles que Langevin commence à interagir avec l’écran/tableau en produisant une molécule blanche, en forme de balle, arrachée à l’image. Puis c’est au tour d’éventails de cartes d’apparaitrent et de disparaitrent entre le virtuel et le réel.
Des poissons stylisés font leur apparition sur l’écran et se retrouvent projetés sur le décor du fond de scène, pour ensuite disparaître et réapparaitre dans un bécher grâce à un drap blanc du décor.
Luc Langevin ouvre ensuite une malle de laquelle sort une échelle (celle apparue dans la vidéo du début). Une projection de croquis « magiques » apparaît en fond de scène.
La carte choisie
Luc Langevin raconte sa rencontre avec la magie à l’âge de 6/7 ans quand il a vu un magicien à la télévision faire léviter une boule. Il s’agissait de Michel Cailloux (1931-2012), écrivain, scénariste et prestidigitateur moustachu interprétant Michel le magicien dans La Boîte à surprise, émission de télé phare pour enfants, diffusée de 1956 à 1972, puis dans la série Bobino de 1957 à 1985. Luc Langevin a ensuite commencé à rédiger son « grimoire » et a étudier l’optique et la science.
Il se propose de réaliser une expérience « qui réussit à 77% » en choisissant au hasard différents spectateurs dans la salle grâce à une grosse balle en mousse, lancée plusieurs fois. Le premier spectateur est invité à séparer les couleurs noires et rouges d’un jeu de carte invisible et de choisir une carte de la couleur qu’il veut. Un deuxième spectateur est invité à « décoller » la carte imaginaire de la balle et de choisir entre les deux familles de la couleur. Un troisième spectateur récupère la balle et choisit s’il s’agit d’une figure ou d’une carte à points. Un quatrième spectateur vient sur scène et nomme librement une carte en correspondance avec les trois choix précédents dont il déchire mentalement un coin.
Le magicien dit aux spectateurs qu’ils ont été influencés à choisir cette carte depuis le départ. Influence verbale par les mots choisis par le magicien et influences visuelles par certains éléments du décor que Luc Langevin nous révèle un à un.
Pour terminer en beauté, la grosse balle du début (lancée à mainte reprises dans la salle) est ouverte en deux et on y découvre un jeu de cartes avec à l’intérieur une seule carte retournée face en l’air qui correspond à la carte choisie. Sur cette carte, il manque un morceau à dos bleu qui correspond à la déchirure. C’est la seule carte déchirée du jeu. Les autre cartes nous sont révélées toutes blanches !
Ce tour est remarquablement construit au niveau de sa progression dramatique et sur l’impossibilité aux spectateurs de remonter le processus. Encore une belle démonstration de ce qu’on peut tirer d’un tour classique et vendu dans certaines mallettes de magie (ici Brainwave) en le revisitant comme le fait également Alain Choquette.
L’agenda
Luc Langevin fait la transition en nous parlant du jeu de cartes, des 52 cartes qui peuvent être utilisées comme calendrier. Les quatre familles correspondant aux 4 saisons, les douze figures aux 12 mois de l’année, les cinquante-deux cartes aux 52 semaines de l’année et le total de la valeur des cartes aux 365 jours de l’année.
Le magicien nous présente un jeu de cartes dont les cartes à jouer ont été remplacées par une sorte d’agenda et de carnet d’identité avec des inscriptions abstraites sur un côté et des lettres et des chiffres de l’autre.
Dans un bécher transparent, il tire au hasard des papiers de spectateurs qui les ont remplis avant le spectacle dans le hall du Casino. Ces papiers renseignent sur le nom, le prénom et le siège de la personne que le magicien va essayer de faire apparaître en toute lettre avec ses cartes.
L’expérience est concluante avec deux personnes. Leurs prénoms et noms apparaissent grâce aux cartes, disposées une à une en rubans, après plusieurs mélanges.
Pour la troisième personne, la révélation de son nom se fait carrément sur la tranche du jeu, progressivement, grâce à un bel effet optique.
Un beau tour qui utilise les cartes de façon originales et détournées, avec une belle maîtrise technique et de la mémoire pour sortir les bonnes cartes au bon moment !
Ombromagie
« La science a des allure de magie. Nous pouvons par exemple interagir avec les particules de lumière appelées photons… »
Sur ces bonnes paroles, Luc Langevin va réaliser une belle séquence poétique et mystérieuse d’ombromagie, où les objets, en ombres portées, se mettent à léviter magiquement, se superposent pour engendrer d’autres formes et créer d’autres images.
Un porte manteau perroquet est éclairé violemment par un projecteur, ce qui produit une ombre en fond de scène. Un livre est ouvert d’où apparaît un petit oiseau en papier, style origami, qui se met à léviter tout seul à distance sous l’action du magicien qui « manipule son ombre ». Luc Langevin prend ensuite un cintre qu’il modèle pour former un carré et le fait léviter entre le porte manteau et le projecteur. La superposition des ombres dessine une cage dans laquelle l’oiseau vient s’enfermer. Ce dernier se transforme en colombe dans un éclaire de feu.
Close-up
Le magicien chercheur, passionné par les phénomènes de la lumière nous propose un voyage dans le temps à sa façon. Un rendez-vous dans son laboratoire, quand il était encore jeune étudiant en sciences. Une façon détournée de faire voyager trois objets empruntés en les faisant tour à tour disparaître et réapparaitre à deux endroits différents. L’expérience est retransmise en vidéo sur le fond de scène.
Il demande à une personne possédant un téléphone portable, un billet de 20€ et un porte-clés de se lever dans la salle. Il choisit ensuite un spectateur pour l’expérience qui le rejoint sur scène. Sur le siège du spectateur est posée une grosse balle blanche entourée d’élastiques qui servira à la fin du tour.
Le spectateur pose ses trois objets sur la table. Le magicien sort une clé du porte-clés et la dispose sur la table. Langevin commence à raconter son histoire de laboratoire où on découvre dans la narration les trois objets habillement placés. Un premier objet (la clé) est choisi librement par le spectateur et disparaît dans les mains vides du magicien. C’est ensuite au tour du billet, après avoir été déchiré en deux, (un bout est confié au spectateur) de disparaître à son tour. Pour finir le téléphone se volatilise sous un mouchoir (Luc parle du coup de téléphone qui a changé sa vie en 2007 avec l’engagement à l’émission de télé Comme par magie, qui l’a fait quitter ses études en sciences pour se consacrer à la magie à plein temps). En souvenir de cet appel, il a gardé son vieil appareil sur lequel il a reçu la bonne nouvelle.
Le spectateur est invité à appeler avec son propre téléphone (disparu plus tôt). On entend alors la sonnerie retentir depuis la grosse balle placée sur son siège dans la salle. La balle est amenée sur scène et ouverte devant le public médusé. A l’intérieur, on retrouve le téléphone du spectateur, le billet déchiré (où le deuxième bout coïncide) et une ampoule avec à l’intérieur la clé du trousseau. Le billet est reconstitué et les objets sont rendus à son propriétaire.
Un excellent tour de close-up emporté par une singulière histoire qui justifie tous les objets empruntés.
Equilibre impossible
« La science fait partie de ma vie. Enfant j’empilais mes jouets de façon impossible… »
Une règle en bois, deux cintres, une tige métallique et deux jeux de cartes sont assemblés de manière à constituer un mobile qui est placé en équilibre sur un bécher et qui tourne comme une sculpture d’Alexander Calder. Le magicien appelle cela la tenségrité (tensegrity), un concept développé en 1949 par l’architecte Richard Buckminster Fuller.
Luc Langevin va ensuite répéter l’opération avec des objets beaucoup plus gros en plaçant une chaise sur une table et en l’assemblant avec le porte manteau, le chevalet et le cadre en bois. Il monte alors sur une petite caisse pour placer une échelle puis retire le grand chevalet et toute l’installation reste en place dans un équilibre impossible. Le magicien soulève le cadre, le fait pivoter et reste en lévitation sur une jambe avec l’ensemble, lorsque la chaise sur laquelle il est assis est retirée.
Une très belle idée de concept mise en application dans une progression qui va crescendo, même si la séquence est un peu longue.
Carré magique
« Tout est régit par les mathématiques. »
Le magicien présente un tableau sur lequel sont cachés ses 6 nombres préférés dans des cases.
Le magicien demande une date de naissance dans la salle et la note dans deux cases libres (le jour et le mois). Un deuxième et troisième spectateur lui donnent des autres dates au hasard, notées également sur le tableau qui est alors rempli.
Quatre cases restent à remplir. Un dernier spectateur vient sur scène, mélange un jeu de cartes et choisit, au stop, une carte qui va servir à déterminer les autres nombres du tableau.
Les 6 nombres du début sont révélés et le magicien commence à calculer les différentes rangées (horizontales et verticales) qui donnent toutes le même nombre : 44, comme l’âge du spectateur qui est sur scène ! Cela marche également avec les diagonales, les 4 coins, les carrés extérieurs et intérieurs du tableau.
Illusion d’optique
« Nous avons une perception différente sur ce qui nous entoure, mais sur certain aspect, nous avons les même choix. »
Une boîte sur roulette est placée en avant-scène avec à l’intérieur des mini objets représentant les différents éléments du décor : une échelle, un porte manteau, une chaise et un chevalet.
Le tout est retransmis en vidéo grâce à une caméra fixe placée devant la boîte.
Luc Langevin demande au public de choisir mentalement un objet, puis « d’avancer » de 5 dans n’importe quel sens, puis de se déplacer de nouveau de 5. Les spectateurs sont invités à retenir l’objet sur lequel ils sont tombés. Le magicien enlève alors un objet et le révèle déstructuré comme une anamorphose. Il demande aux spectateurs de se déplacer de 3. Enlève un deuxième et troisième objet qui sont aussi des anamorphoses en 3D. Il reste un seul objet, le choix de tous les spectateurs, qui est bien réel celui-ci.
Pour terminer, Luc Langevin montre que l’intérieur de la boîte était un trompe-l’œil (une image aplatie du sol). La boîte est alors fermée puis ré-ouverte instantanément pour laisser apparaitre des centaines de balles bleues et rouges, comme les particules du début du spectacle.
Balles éponge
Cette apparition de particules en forme de balles éponge va permettre de faire la transition avec la séquence qui suit et justifier l’éparpillement des balles au sol pour les routines à venir.
« Y a-t-il un enfant qui voudrait devenir magicien ? »
Luc Langevin fait venir un enfant sur scène et lui propose de jouer à un jeu : « Ou se trouve la balle ? ». Il fait disparaître les balles une à une de sa main façon Boulettes de Slydini. La subtilité est que le sol est déjà jonché de centaine de balles.
Le magicien continue par une disparition et réapparition de balles dans la main de l’enfant (routine classique de balles éponge). Luc Langevin produit de sa bouche des balles à répétition, finit par une production d’une grosse balle et produit des mains de l’enfant une multitude de balles, qui apparaissent également sous ses fesses, dans un seau.
Téléportation
L’enfant tourne la manivelle du seau sur lequel il était assis, ce qui a pour effet de transformer le fond de scène en une structure semi transparente.
Luc Langevin prend un ballon rouge en avant-scène (son ballon quand il était enfant) et propose aux spectateurs de le téléporter.
La structure, constituée de deux panneaux transparents est ouverte pour voir le fond.
« Dans les année 1930, le phénomène quantique est découvert. Nous allons essayer de reproduire ce phénomène. Un jour on pourra se téléporter grâce à cette implication… »
La structure se sépare alors en deux et un panneau muni d’un tissu à ouverture est placé au centre. Le magicien entre dans la première structure, le ballon passe dans le tissu et réapparaît dans la deuxième structure ; puis c’est au corps tout entier de passer à travers et de se téléporter. L’effet est saisissant et poétique. Une très belle variation de l’illusion Osmosis de Jim Steinmeyer sur le principe de base de David Devant.
Luc Langevin finit son spectacle en disparaissant dans les nuages grâce à l’échelle du début sur l’écran vidéo. Il revient ensuite saluer et termine par cette phrase un peu bateau et souvent utilisée par d’autres magiciens : « Si vos plus grands rêves vous semblent inatteignables, croyez-moi ce n’est qu’une illusion »
Conclusion
Luc Langevin a trouvé un angle d’approche très personnel à l’illusionnisme. Sa formation scientifique est une vraie plus-value dans les expériences qu’il propose aux spectateurs. Le magicien québécois ne se contente pas de revisiter des classiques du close-up, il signe aussi de beaux tableaux faisant intervenir les nouvelles technologies (écran numérique) et le charme intemporel des arts annexes (ombromanie).
Il y a surtout une utilisation remarquable du décor et des accessoires qui prennent une signification différente à chaque saynète. Leur utilisation multiple provoque l’étonnement jusqu’à la merveilleuse transformation finale de l’écran du fond de scène en double armoire !
Seul ombre au tableau de ce spectacle très réussi, la problématique du « point de vue ». Fait malheureusement très récurant dans les spectacles de magie où l’artiste et ses assistants ne contrôlent pas assez les « angles dangereux » pour que les illusions soient réussites et le procédé technique ou la manipulation invisible. Ces « angles dangereux » sont toujours les mêmes et se situent sur les côtés, devant (les premiers rangs, la proximité et la légère contre plongé) et au-dessus (à l’étage ou en corbeille) de la scène. Combien de « flash » (quand on voit un trucage ou une manipulation qui a bavé) repérés par des spectateurs attentifs ? Beaucoup, si les malheureux sont positionnés à ces endroits souvent « maudits ».
Certaines saynètes de Luc Langevin n’échappent pas à cette règle. Dans le tour des objets empruntés à une spectatrice, le change du billet déchiré final en billet entier n’est pas net et la retransmission sur un écran géant, avec une plongée trop prononcée, flash le gimmick. La lévitation sur une jambe, après avoir construit sa structure en équilibre, est dévoilée à cause d’un assistant « opérant » à la base de la table. Enfin, la grande illusion finale de téléportation est gâchée dès le début de l’effet par un « manque de ressemblance » évident…
Le résultat de tous ces « flashs » est un sentiment de gâchis, surtout quand le spectacle est bon. Tout comme le jongleur redoute « la chute » de ces objets, l’illusionniste à peur de dévoiler, par accident ou par manque de travail, les procédés de ses illusions. Ces erreurs provoquent irrémédiablement la suspicion et l’harmonie générale du spectacle est définitivement brisée.
La solution est toute simple pour l’artiste illusionniste : s’assurer que chaque illusion est à l’épreuve de ces « points de vue » en plaçant dans la salle des assistants qui vont contrôler la netteté des effets. Ainsi plus de mauvaise surprise et de désillusion pour les spectateurs.
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