L’exposition de Beaubourg explore, pour la première fois en France, les premières années du travail plastique d’Alexander Calder (1898-1976), un des plus grands sculpteurs du XXème siècle. Cet artiste / ingénieur américain arrivé à Paris en 1926 va révolutionner la sculpture alors cantonnée dans sa forme classique. Avec Calder, la sculpture devient « dessin dans l’espace ». De figurative elle devient abstraite. En parallèle de ses recherches sur les volumes, l’artiste élabore un ensemble de figurines miniatures qu’il fait évoluer dans le cadre d’un cirque. C’est le fameux « cirque Calder », un ensemble constitué d’une centaine de figurines réalisées à partir de matériaux de récupération et animées par des mécanismes rudimentaires. A la fin des années 20, il élabore sa première sculpture en fil de fer, vide, linéaire et mobile qui l’amènera à concevoir ses fameuses sculptures cinétiques aux formes géométriques et aux couleurs primaires. 1933 marque la naissance de ses célèbres « mobiles » suspendus qui respirent dans l’espace et qui offre à l’artiste un statut de renommé mondiale. Calder était un révolutionnaire. Il est le premier à avoir fait bouger la sculpture. Cela n’existait pas avant lui.
Les débuts
Originaire de Pennsylvanie, l’étudiant Calder décroche un diplôme en génie mécanique. Puis en 1923, il décide de se consacrer entièrement à l’art et étudie la peinture et le dessin à New York. Il travaille ensuite comme illustrateur dans des revues new-yorkaises jusqu’en 1926, date de son arrivée à Paris. Commence alors une période d’une remarquable effervescence artistique.
Calder’s Circus
De 1926 à 1931, Calder va développer une pièce essentielle de son œuvre, une matrice, un laboratoire fait de petites expériences qui seront un tremplin vers ses chefs-d’œuvre à venir : « Son cirque ». Celui-ci va permettre à l’artiste de se distinguer, de fréquenter les ateliers et les cafés parisiens. Il va ainsi rencontrer des artistes emblématiques de l’art moderne. Parmi ceux qui auront une influence sur ses futurs travaux citons Mondrian, Léger, Miro et Duchamp. C’est en 1917 avec le ballet Parade, que Jean Cocteau et Erik Satie lancent la mode du cirque. Le tout Paris des années folles court au cirque Medrano et courtise les frères Fratellini.
Calder, à son tour, s’imprègne de « la poésie artisanale » des gens du voyage pour fabriquer son petit monde.
« J’ai toujours aimé le cirque, j’ai donc décidé d’en fabriquer un, juste pour le plaisir. » A.Calder
Les éléments et les figurines du « cirque Calder » sont constitués de fil de fer, de bois, de bouchons de liège, de morceaux de cuir et de tissus cousus à la main. Chaque pièce est unique et animée par un système fait de ressorts et de ficelles que l’artiste actionne en direct.
« Mon but c’est de faire quelque chose qui soit comme un chien ou comme des flammes. Quelque chose qui ait une vie en soi. » A.Calder
Calder fabrique des jouets / sculptures interactifs emprunts d’une grande force poétique. Il fabrique également en parallèle des jouets animés pour « s’amuser ».
Ses personnages sont incroyablement expressifs. Ses talents de dessinateur et caricaturiste sont à l’œuvre dans la composition de ses figurines qui ont le « trait juste », la linéarité d’un dessin dans l’espace. Trapézistes, acrobates, haltérophiles, funambules, clowns, animaux de ménagerie, tous semblent vivants et prêts à investir « la piste aux étoiles ».
« Je veux faire des choses qui soient amusantes à regarder. Avant tout l’art doit être joyeux et jamais lugubre.» A.Calder
Une fois l’ensemble réunit, Calder donne des représentations de son cirque en alliant le geste à la parole, manipulateur et bonimenteur. Dans ses représentations proches de la performance, le geste de l’artiste s’associe à la miniature pour donner vie à un petit théâtre de figurines improvisé proche du happening et du théâtre de marionnettes.
Le fil de fer
Allant à l’encontre de la sculpture traditionnelle qui utilise des matériaux nobles comme le marbre ou le bronze par exemple, Alexander Calder va prendre possession et dompter le fil de fer pour créer des figures légères et aériennes débarrassées des contraintes terrestres.
The Brass family (1929).
Calder suit un courant qui redéfinit la sculpture par le dessin comme un geste dans l’espace. Avant lui, Duchamp avait remis en cause la notion même de sculpture avec ses « ready-made » et Vladimir Tatline expérimenté des formes sculpturales suspendues dès 1915 avec Contre-relief d’angle. Lorsqu’à son tour, Calder s’affranchit des lois de la pesanteur, il supprime dès lors le traditionnel « socle », cette « pièce rapportée » soutenant la statuaire classique. Les sculptures de Calder sont vides et légères jouant sur la présence et sur l’absence des formes. Le spectateur est captivé devant une forme inachevée en mutation constante. Il doit reconnecter les volumes dans l’espace et ainsi reconstituer la forme originale. En effet, ce n’est pas tant la matière présente qui est importante ici, mais plutôt le vide et l’espace autour de la sculpture qui font vivre la forme dans un mouvement continu. Ce n’est pas la matière physique qui est sculptée par l’artiste, mais bien « l’air ». Car au-delà du volume sculpté c’est tout l’espace qui interagit puisque la sculpture est par nature « suspendue » ou plus précisément « flottante ». Jouant avec la lumière et les ombres portées, la sculpture devient une fascinante forme en constante métamorphose.
« Je crois que j’avais le chic pour dessiner d’un seul trait. » A.Calder
Les sculptures en fil de fer représentent des personnalités connues, des types sociaux, des sportifs et des animaux. Ses portraits constituent un ensemble remarquable de trognes légèrement caricaturées. On reste stupéfait par ses sculptures réalisées à main levée, ou la feuille et le crayon sont remplacés par une bobine de fil de fer et une paire de pinces !
Dans un petit film, on voit Calder en action en train « de tirer le portrait » de Kiki en 1929 dans une rapidité d’exécution normalement réservé au dessin. Le fil devient un substitut au trait crayonné et au dessin préparatoire.
Vers les « mobiles »
En 1930, Calder se convertit définitivement à l’abstraction. Ses sculptures abandonnent le figuratif pour composer des formes géométriques mêlées à des aplats de couleurs primaires, le tout mécanisé. Grâce à ses expérimentations incessantes et à l’énorme influence de la peinture abstraite de Piet Mondrian, Alexander Calder va développer ce qui restera ses œuvres maîtresses : « les mobiles ». L’association de l’abstraction et du mouvement.
« Pourquoi l’art doit-il être statique ? La prochaine étape c’est l’art en mouvement. » A.Calder
En s’affranchissant de la masse sculpturale, Calder fait du mouvement un matériau à part entière. De retour aux Etats-Unis en 1933, l’artiste se lancera dans la forme définitive de ses célèbres « mobiles », qui évolueront ensuite en « stabile » à l’échelle imposante.
QUEL CIRQUE !
Parallèlement à l’exposition Calder, les enfants peuvent profiter de l’exposition sous la forme d’ateliers pédagogiques. En effet, « la galerie des enfants » du centre Georges Pompidou, toujours très active, propose un espace ludique et interactif pour découvrir en famille au travers d’ateliers / jeux, les grands thèmes travaillés par l’artiste. A partir de la manipulation de formes colorées, de matériaux du quotidien, et à partir de mouvements mécaniques simples, les enfants abordent les notions d’équilibre, de mouvement, de composition et de dessin dans l’espace.
Au programme : Jouer avec l’équilibre des formes pour découvrir les notions d’équilibre grâce à des jeux corporels comme ceux des acrobates et des funambules. Dessiner dans l’espace en expérimentant le passage de la deuxième à la troisième dimension et en dessinant sans lever le crayon. «Tous en piste » en inventant une figurine à partir de divers matériaux.
A voir :
– Les expositions « Calder, les années parisiennes, 1926-1933 » et « Quel cirque ! » se sont déroulées du 18 mars au 20 juillet 2009 au centre G. Pompidou à Paris.
– DVD « La magie Calder ».
– DVD Le grand cirque de Calder de Jean Painlevé.
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