D’après Marc-Antoine Mathieu. Mise en scène, dispositif visuel et sonore : Hélène Berschand et Wilfried Wendling.
Au sein de la Muse en circuit, le duo Imaginarium : Hélène Breschand, harpiste et improvisatrice, et Wilfried Wendling, compositeur de musique électronique, ont imaginé une série d’explorations oniriques sonores et visuelles. Marc-Antoine Mathieu, travaille, lui, sur la matérialité même du livre : dans son fameux Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves, l’album avec une mise en abyme des images, devient lieu et cause des péripéties du héros et de ses compagnons. Le point de fuite et la perspective disparaissent et, arrive une troisième dimension avec des labyrinthes à la Maurits Cornelis Escher. Dans Les Sous-sols du Révolu, un registre est transmis de main en main ; dans Dieu en personne, Dieu est un auteur de best-seller, L’Ascension met en scène un moine bibliothécaire et l’intrigue de Mémoire morte, se situe à la « très grande bibliothèque »…


Le Rêveur rêvé ne déroge pas à ce principe : dans un monde noir, blanc et gris, erre le personnage à chapeau, emblématique du dessinateur. Cette œuvre inédite se présente comme un jeu de quarante cartes aux sous-titres poétiques, avec lesquelles on peut composer son propre itinéraire. Une œuvre ouverte à des combinaisons à l’infini, comme les 100 000 milliards de poèmes de Raymond Queneau. Avec des élèves au Conservatoire du VIe arrondissement, Hélène Breschand et Wilfried Wendling tracent un paysage sonore : « Le nombre de cartes et de combinaisons, la durée : autant de questionnements essentiels et musicaux prolongeant les réflexions de Marc-Antoine Mathieu sans jamais renoncer à l’exigence poétique. »
En fond de scène, un mur composé de multiples têtes chapeautées, étranges, ahuries. Écoulements sonores et gargouillis créent un environnement liquide. Quand les artistes entrent en piste, les têtes s’effacent et l’écran blanc va se découper en cases où seront projetées les images du Rêveur rêvé, dans l’ordre choisi par l’Imaginarium. Et à partir du traditionnel cyclorama, des lambeaux d’écran sur le plateau sont aussi des projections déformantes. Les faisceaux vidéo sortent ainsi d’une exposition frontale dans une mise en abyme chère à Marc-Antoine Mathieu. En passant d’une carte à l’autre, la musique, contrairement à l’oeil, superpose l’ambiance sonore de plusieurs dessins. Comme avec les images : des personnages surgissent et se démultiplient sur ces écrans, des voix se fondent dans les accords de harpe, soutenus par le continuum électronique de Wilfried Wendling.


Ce jeu de cartes onirique rappelle les aventures de Little Nemo in Slumberland de Winsor McKay : la harpe devient le personnage principal et un balayage de laser tourbillonne sur scène et se décompose en ombres chinoises sur les écrans, avec d’autres ombres. Cette dernière séquence avec jeux de lumière et d’éblouissants éclairs blancs, nous a moins convaincus, que les ombres initiales. Mais l’ensemble reste d’une grande maîtrise et l’on sort comme d’un rêve éveillé de ce concert visuel et psychédélique, à la croisée des musiques hybrides, des arts numériques, du collage littéraire et de la performance filmique. Imaginarium travaille avec Marc-Antoine Mathieu à un futur spectacle autour de Franz Kafka.
– Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog.
Crédit photos : Lysiane Louis, Christophe Raynaud de Lage et Rudy Étienne. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.