Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Quand j’avais sept/huit ans, mes parents m’ont emmené au Grand Cirque de Budapest. Là, j’ai vu Paul Potassy jouer son numéro (je m’en souviens encore parfaitement). Depuis cet événement, j’ai attrapé le virus de la magie ! Et plus tard, j’y ai observé Rodolfo. Au cours de ma cinquième année d’école, je me suis lié d’amitié avec Kálmán Latabár dont le père Árpád était une star de cinéma. Son père possédait trois tours que Kálmán pouvait utiliser : Les Bâtons Chinois, Le Sac à Change et Les Trois Dés (les trois dés sont empilés les uns sur les autres et celui du milieu disparaît). Kálmán et moi voulions faire des spectacles et utiliser ce matériel, ce que nous avons fait !
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Quelques années plus tard, j’ai fabriqué mon premier jeu de Bâtons chinois. Avec Kálmán nous avons continué à jouer occasionnellement partout où nous pouvions, mêlant magie et sketches comiques (écrits par son père). Ces spectacles ont duré jusqu’à la Révolution hongroise d’octobre 1956. À ce moment-là, il est devenu évident pour ma famille d’émigrer (légalement) au Royaume-Uni, où nous avions déjà de la famille. J’ai alors contacté Rodolfo pour m’apprendre les bases de l’art magique. J’ai pris huit leçons d’une heure avec lui. En plus d’apprendre les tours, j’ai travaillé à devenir un magicien professionnel.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Je suis arrivé en Angleterre le 8 mai 1957. Dès ma première semaine dans ce pays, on m’a emmené à Oxford Street et Tottenham Court Road où se trouvaient deux magasins de magie. Pour moi, c’était un miracle ! Dans un magasin il y avait Patrick Page et dans l’autre Ali Bongo. L’un d’eux m’a conseillé de rejoindre la London Society of Magicians, ce que j’ai fait. Instantanément, je me suis retrouvé parmi des gens partageant le même intérêt. Là, j’ai appris beaucoup de tours, de présentations, etc. Peu de temps après, j’ai monté un numéro et j’ai commencé à apparaître dans certains spectacles des Magic Societies. J’ai assisté à ma première convention de magie en septembre 1959, à Buxton. J’ai fait la première partie de cette convention et j’ai ensuite intégré le Magic Circle (je n’ai pas eu à passer l’examen car j’avais déjà participé à certains de leurs spectacles).
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Avec toutes sortes de coups de main, et notamment l’enseignement de Rodolfo, je suis devenu un bon magicien. J’ai monté un numéro de scène de douze minutes avec quelques nouveaux tours et j’ai joué dans des théâtres de variétés et plus tard dans des clubs de Manchester. Après mon mariage, j’ai commencé à faire des spectacles au théâtre. Billy McComb, qui était devenu mon ami, m’a donné toutes ses illusions et me les a enseignés. Cela m’a permis de construire tout un spectacle théâtral familial avec sept grandes illusions (j’en avais davantage pour pouvoir les modifier si nécessaire). Ma femme Susan est devenue mon assistante, ainsi qu’une danseuse appelée Angela. Plus tard, mes enfants Eve et George Jr. sont également devenus mes assistants. George Jr. s’est spécialisé dans l’escapologie et a joué deux numéros dans mon spectacle.
J’ai construit certaines de mes illusions comme Dizzy Limits, Sawing in Half, Head Turning, 60 Knives through the body, The Assistants Revenge, etc. Tout ce que j’ai réalisé possédait une amélioration par rapport à ce que l’on pouvait acheter chez un revendeur. En parallèle, je suis devenu marchand de trucs. J’ai assisté à la plupart des congrès en Europe et aux États-Unis où je vendais des tours que je fabriquais moi-même.
Concernant mes spectacles, j’ai parfois dû jouer dans des circonstances difficiles. Lors d’une représentation à Noël au Canada en 1977 (Toronto, Ottawa, Hamilton), j’ai dû réaliser mes illusions devant le rideau de scène. Une idée m’est alors venue à l’esprit en adaptation le tabouret à lévitation de Yogano (il aurait été trop lourd à transporter sur scène et en dehors à cause de sa grande base). J’ai donc supprimé cette base et le tabouret pouvait, sans problème, être facilement transportable. Quand j’ai vu mon ami Yogano, je lui ai raconté ce que j’avais fait. Il a immédiatement réalisé que c’était une bonne chose et l’a décrit dans son livre La magie de Yogano (2002). Il m’a également offert un exemplaire de sa création.
Pourquoi ne vous voit-on plus sur scène ?
En 2003, je faisais un spectacle pour Terry Seabrooke avec mon fils. À la fin de mon numéro j’ai eu un accident vasculaire cérébral et j’ai failli mourir ! On a dit à ma femme que si je restais stable pendant les trois prochains jours, je pourrais survivre à cette attaque. Heureusement, j’ai récupéré 98% de mes capacités en trois ans, mais j’ai perdu mon endurance et j’ai dû arrêter de jouer sur scène. Depuis, j’ai continué à fabriquer et à vendre quatre-vingts tours différents et certaines de mes dernières inventions sont si abouties que j’aurais aimé les utiliser moi-même…
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Mes idoles sont Paul Potassy, Rodolfo, Ram Das, Maskar et John Calvert. Tous ont accompli des miracles et ont agi comme le public l’attend d’un magicien.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Le style qui retient l’attention du public et le divertit avec un miracle.
Quelles sont vos influences artistiques ?
La magie divertissante où il n’y a pas de temps mort et pas de démonstration de matériels.
Quels conseils et quels chemins conseiller à un magicien débutant ?
Pour devenir magicien professionnel, il est essentiel de sentir que c’est la seule chose que vous voulez être ! De plus, cela aide si vous apprenez à devenir acteur (pour parler clairement) et suivez des cours de danse, de gestuelle et une formation au mime. Dans votre numéro magique, chaque tour que vous choisissez doit être le meilleur type de cet effet, car si vous ne le faites pas, vous lésez votre public. N’optez pas pour le plan B juste pour être différent des autres magiciens.
Il y a des années, lors d’une soirée au théâtre à Southport (près de Liverpool), un groupe de magiciens est venu me voir et après le spectacle nous avons discuté pendant un moment. Un jeune homme m’a sérieusement demandé ce qui est le plus important pour un magicien professionnel ? J’ai immédiatement répondu « les contrats ».
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Beaucoup de choses ont changé au cours des vingt dernières années, depuis que j’ai arrêté de jouer sur scène. Récemment, de plus en plus de magiciens effectuent des tours de lecture de pensée et du mentalisme. Il y a aussi une « magie numérique » avec les nouveaux gadgets électroniques, par exemple le téléphone portable et les applications, ils sont si légers à transporter ! Cela semble être la tendance du moment… Mais je crois aussi que le bon divertissement visuel survivra toujours !
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’aime regarder les matchs de boxe professionnelle. Mon père, quand il était jeune à Budapest, était un bon boxeur. Il m’emmenait voir des tournois. Depuis, j’ai maintenu un intérêt pour ce sport. J’ai vu László Papp en direct et j’ai aimé regarder Mohamed Ali ! J’ai aussi des regrets : les spectacles et les conventions magiques me manquent (je ne vais qu’à Blackpool maintenant). J’ai d’excellentes conférences mais je ne les vends pas ! Et depuis la mort de mon fils, j’aimerais transmettre ma compréhension et mes connaissances à un autre magicien qui a la même philosophie et vision de l’art magique que moi.
– Interview réalisée en septembre 2023.
À visiter :
Crédit photos : George Kovari. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.