Extrait de la revue L’Illusionniste, N°93 de septembre 1909
Joseph Velle, fils d’un négociant de Budapest, né dans cette ville en 1837, laissa à tous ceux qui le connurent le souvenir d’un artiste de premier ordre et d’un excellent camarade. Dès son jeune âge, il montra une grande passion pour la magie et son père, qui goûtait fort ce genre de spectacle, ne manquait jamais de le mener aux représentations des prestidigitateurs de passage. Il n’avait pas douze ans quand, en 1848, il perdit son père et peu après sa mère. Resté seul, il assuma noblement la tâche de nourrir ses frères et sœurs ; le voici parcourant les campagnes autour de Budapest et montrant ses tours aux paysans. Sa renommée s’étendit rapidement de village en village et, en même temps, il augmentait le champ de son activité. Les paysans le payaient avec du lard, du riz, de la farine, des pommes de terre, etc. Il en revendait une partie et, par ce moyen, faisait vivre toute la nichée.
A 17 ans, il rencontra Bosco, alors à l’apogée de la gloire. Sur les conseils du célèbre escamoteur, qui avait été témoin de ses tours, Velle embrassa définitivement la carrière de prestidigitateur et se mit à parcourir le monde sous le titre de « Professeur Velle ». A peu de temps de là, comme il accomplissait son service militaire, le major, le voyant revêtu du costume sous lequel il donnait habituellement ses séances, l’appela et lui dit :
– « Eh bien ! « Herr Professor », puisque vous voilà dans ce costume, n’allez-vous pas nous faire quelques tours ? »
– « Oui, Major, si vous voulez avoir la bonté de me confier quelques pièces d’argent. »
On lui mit en mains douze thalers et, à l’ébahissement de l’assistance, il les fit disparaître d’un seul coup. Le major lui fit cadeau des douze thalers grâce auxquels Velle procura quelques bons moments à ses camarades. Cette anecdote, rapidement répandue en ville, accrut davantage encore la renommée du jeune magicien. Son service militaire terminé, Velle voyagea en Allemagne, Angleterre, Russie, Italie, etc. Il vint aussi en France, où beaucoup des spectateurs de ses séances se souviennent encore de lui, car il avait un genre bien personnel : paraissant en public vêtu d’une blouse de velours noir, il déployait une grande dextérité et ne faisait qu’un usage très discret des appareils. Il était surtout remarquable par son brio et son inaltérable gaîté.
Présentation de la femme à trois têtes au Théâtre Robert-Houdin en 1874, sous la direction d’Edouard Brunnet.
On le vit au Théâtre Robert-Houdin, où il montrait, au foyer, la femme à trois têtes ; au Cirque d’Hiver, au Cirque d’Eté, aux Folies Bergère et à l’Eden-Théâtre, où il produisait, dans la Magie noire, l’escamotage d’un cheval vivant.
L’escamotage d’un cheval vivant présenté à l’Eden-Théâtre en 1887.
Il avait fondé, dans le passage Jouffroy, un petit théâtre magique qui n’eut qu’une durée éphémère. Velle était un polyglotte remarquable, il parlait couramment onze langues ; c’était aussi un grand philanthrope, il versa des sommes considérables pour les œuvres charitables. Son fils Gaston, qui a abandonné la prestidigitation pour le cinématographe, possède un livre d’or rempli de lettres de remerciements signées de noms illustres. Son tombeau est à Pérouse, en Italie, où il mourut en 1887.
J. G.
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