Extraits de la revue L’Illusionniste, N°5, N°34 et N° 100 de mai 1902, d’octobre 1904 et d’avril 1910
Casino de Paris 1902
C’est au Casino de Paris que nous avons ce mois-ci été voir un Prestidigitateur, M. Imro Fox, « Conjureur comique », comme il s’intitule lui-même, nous donne un numéro composé de quelques trucs déjà vus. Ce sont : d’abord, l’inévitable double empalmage de cartes que tout prestidigitateur qui se respecte doit avoir dans son programme. Ensuite le vieux tour des pigeons à la tête coupée, exécute d’après Bosco. M. Imro Fox lui-même nous a dit que le tour est vieux comme le monde. Il prend deux pigeons, un blanc et un noir, il leur coupe la tête et place les corps chacun dans une casserole, il ordonne au servant d’y joindre les têtes, Celui-ci les confond, il met avec le, pigeon blanc la tête noire et vice-versa. Au coup de pistolet les pigeons sont ressuscites, mais chacun possède la tête de son compagnon.
Il y a ensuite un tour de lapin avec échange contre le boulet au chapeau, exécuté au moyen du Globe n° 787. Nous savons que M. Imro Fox est très amusant quand il s’exprime en anglais ou en allemand, malheureusement son peu de connaissance de la langue française ne lui permet pas de donner tout son essor à sa verve humoristique.
l’Alhambra 1904
Imro Fox commence sa séance par les bols d’eau, ou si vous préférez, bocaux de poissons sans poissons. Escamotage d’un foulard rouge qu’il retrouve dans son faux-col. Vient ensuite le tour favori de cet amusant artiste. Les deux pigeons blanc et noir décapités et ressuscites avec échange de têtes Quelques passes de cartes nouvelle école : Les boules excelsior. Apparition d’un lapin dans un chapeau disparition dans une feuille de papier de ce petit animal qui est retrouvé (si ce n’est lui, c’est donc son frère) dans la poche de derrière de l’habit.
Apparition une à une de six boules de billard (en apparence) déposées à mesure dans un support à six cases posé sur un appareil composé de plusieurs plans inclinés superposés. Un chapeau est placé en bas de cet appareil. Au coup de pistolet les six boules disparaissent du support et sont vues descendant en cascade sous les plans inclinés pour venir tomber dans le chapeau. Après la chute de la dernière boule un gros boulet, rouge comme elles, est sorti du chapeau. De boules, il ne reste plus trace. Si vous me promettiez de ne pas le répéter, je vous dirais bien qu’elles sont tombées dans le gros boulet genre du n° 296. Le baquet aux canards et pour finir les deux, grands drapeaux.
Nécrologie
Nous apprenons le décès subit à Utica (Amérique du Nord) du prestidigitateur comique Imro Fox. La Magie perd en lui un de ses représentants les plus connus. De Berlin à New- York, de Londres à Paris ; les étapes de ses longs voyages furent autant d’occasions de succès. C’est le 4 mars dernier, dans l’après midi que se sentant mal, il se retira dans sa Chambre à l’hôtel Martin à Utica; avant même qu’il ait eu le temps de se dévêtir
complètement, le mal le terrassa et le Docteur, appelé en hâte, ne put, en arrivant, que constater le décès.
Il était né à Bromberg (Allemagne) le 21 Mai 1862. Son véritable nom était : Isidor FUCHS. C’est en 1874 qu’il se rendit pour la première fois aux Etats-Unis pour y
exercer la profession de cuisinier; après avoir servi comme chef dans divers hôtels de New-York, il se trouvait en 1880 à Washington où il présidait à la direction des fourneaux de l’hôtel Lawrence fréquenté par les artistes de music-hall, lorsqu’une troupe de ceux-ci arriva justement dans la cité.
L’étoile en était un magicien plus fervent disciple de Bacchus que de « La Reine des Arts », si bien que, dès le lendemain de la première représentation, des libations trop répétées l’avaient mis hors d’état d’affronter la scène. Le directeur de cette tournée, qui était logé au « Lawrence » fit part au propriétaire de l’hôtel de l’embarras dans lequel le plongeait la défection de son sorcier, le numéro de Magie, étant annoncé comme le plus important du programme.
Le maître de l’hôtel répondit que son cuisinier était prestidigitateur et que, pour une lois, il consentirait peut-être, à tenir le rôle de l’absent. L’impresario se précipite alors dans les sous-sol de l’hôtel où il trouve Imro Fox plongé dans la lecture d’un énorme bouquin…. Ce n’était pas un livre de Magie, mais bien un dictionnaire anglais-français à l’aide duquel il élaborait le menu du diner, baptisant les plus classiques plats anglo saxons de titres empruntés à la langue de Racine.
— Le Chef, je pense ? dit poliment le manager.
— C’est moi répondit Fox.
— Vous êtes un prestidigitateur-amateur ?
— Je m’amuse quelquefois à faire des tours d’adresse.
— Vous êtes l’homme que je cherche, je suis le directeur d’une compagnie d’attractions
et mon magicien me fait défaut, se livrant à une débauche prolongée.
— Ah je vois, interrompit lmro, un fervent de la Bouteille inépuisable !
— Je vous prie de prendre sa place et de finir la semaine d’engagement ; j’arrangerai les choses avec le propriétaire de l’hôtel.
— Donner und Blitzen ! s’écria Fox, je ne suis jamais monté sur la scène de ma vie. Plutôt que de faire face au public, je préférerais me trouver devant une batterie de canons.
— Rassurez-vous ; aidez moi comme un bon camarade et il y aura de l’argent dans votre poche.
Fox se laissa convaincre et le soir même il parut devant la rampe. Depuis ce jour, il abandonna la cuillère à pot pour la baguette magique ; ses succès en Angleterre, en Amérique, en Allemagne furent nombreux et nous avons eu plusieurs fois l’occasion de l’applaudir à Paris, notamment au Casino de la rue de Clichy et à l’Alhambra. Il avait épousé, il y a 15 ans une artiste ; une des soeurs Clarke, à qui L’Illusionniste adresse ses compliments de sincères condoléances.
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