Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Pour cette question, je ne vais pas prendre le joker originalité ! Comme un certain nombre de mes confrères, mes parents m’ont offert à Noël une boite de magie, celle de Gérard Majax. Je m’en souviens d’autant mieux, qu’elle était fort bien conçue : il y avait même une nappe fournie permettant de transformer la boite en table de représentation ! J’ai toujours gardé cette approche pleine de fraicheur d’ailleurs, même quand je connais « le truc », quand je vois d’autres confrères réaliser un tour. En se sens, l’illusionnisme est synonyme pour moi de réveiller l’âme d’enfant que certains adultes ont enfoui au plus profond d’eux-mêmes.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Après cette entrée en matière que constitue la boite de magie, je me suis rapidement plongé dans les livres disponibles à l’époque, ainsi que les vidéos. Il faut se remémorer que voilà trente ans, les tutos sur Internet n’existaient pas. Je commandais des tours sur le catalogue Magix, où je me rendais à la boutique Mayette Magie Moderne quand j’étais sur Paris. Il fallait être sacrément motivé pour pouvoir se former ! Un jour, mes parents m’ont emmené dans une boutique nommée Agility, basée à Pierre Bénite, qui vendait des accessoires de jonglage, et de magie. Le vendeur m’a conseillé et orienté vers les techniques de la cartomagie. C’est ainsi que je suis reparti avec la cassette VHS de Bernard Bilis, La magie des cartes. Je me souviens mon empressement à la visionner. Mais j’ai dû prendre mon mal en patience, car je devais partir en camp de jeunes, tout le week-end !
Par la suite, j’ai rencontré Yves Doumergue, quelques semaines avant qu’il n’ouvre sa première boutique de magie à Lyon, Magic Boutique. J’y ai effectué un stage, quand j’avais 14 ans. J’ai ensuite suivi des études de journalisme, avant d’exercer ce métier de 2001 à 2016, essentiellement à la radio, sur Europe 2, Virgin Radio ou encore RFM.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
J’ai commencé mon activité de magicien semi- professionnel parallèlement à ma carrière de journaliste en 2007. Pendant une décennie, grâce au statut d’auto entrepreneur, j’ai ainsi fait mes premières armes, en animant des mariages, des repas d’entreprise et des anniversaires, dans la région lyonnaise et mâconnaise. Mais en tant que journaliste professionnel je n’imaginais pas quitter mon travail principal pour vivre de ma passion. Pourtant, à la suite d’une profonde remise en question, j’ai franchi le pas en 2016. Je n’aurais jamais pensé exercer ce métier à temps plein et c’est un bonheur de tous les instants, car je m’enrichis, de nombreuses rencontres aussi bien auprès de mes clients, qu’au sein de la profession. Certains confrères sont d’ailleurs devenus des amis. Les échanges avec ces derniers sont constructifs, les conseils précieux.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Curieux de nature, j’ai envie d’essayer de nombreuses choses, j’exerce mon métier aussi bien en magie rapprochée que sur scène, même si le close-up reste ma spécialité. Je propose mes services pour des entreprises (team building, séminaires…) ou des particuliers (mariages, anniversaires…). Je peux intervenir aussi bien au cours d’un cocktail que d’un repas.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Lors de mon enfance, je suivais attentivement toutes les émissions de Michel Drucker, pour y voir Sylvain Mirouf. Au-delà de sa médiatisation, c’est un magicien très inventif et créatif. Impossible non plus de ne pas citer Dominique Duvivier, précurseur pour son univers singulier et son grain de folie.
J’adore également, le répertoire d’Etienne Pradier que je juge parfaitement approprié pour les contextes d’utilisations de la magie rapprochée. Bon nombre de ses effets emploient des objets présents sur une table, à savoir un verre, une bouteille ou même des fourchettes. On sent vraiment chez lui la volonté de développer des effets forts, immédiats et adaptés à la situation, au lieu, c’est à dire aux conditions réelles. Une magie que les spectateurs pourraient qualifier d’« impromptue ». Ce n’est pas un hasard si son répertoire est devenu un classique du genre, comme le prouve l’Anthologie Etienne Pradier qu’a publié Marchand de Trucs récemment.
J’aime beaucoup la réflexion de certains magiciens comme Guillaume Botta ou Blake Eduardo qui développent un univers singulier, poussent la réflexion plus loin, insufflent leur personnalité, leurs passions dans leurs tours. On sent vraiment chez eux leur influence, qu’elle soit d’ordre littéraire ou cinématographique. C’est le propre des grands artistes.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’adore le close-up, qui reste mon cœur de métier. En effet, il permet une interaction réelle avec le public, un échange qui correspond à mon caractère empathique. Pour moi un tour de magie est un moyen d’échange et permet de faire passer un bon moment aux spectateurs. Je suis d’ailleurs très attentif aux réactions de ces derniers et j’apprécie particulièrement l’interaction et la notion de connivence qui s’instaure. La magie est un art formidable qui connecte les gens et invite au dialogue.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Dans mon esprit, il existe deux grands types de magie rapprochée :
– Celle qui fait appel à l’intellect : une construction de tours élaborés, ou la psychologie est poussée très loin, ponctuée par de nombreuses subtilités. J’adore la réflexion brillante de Juan Tamariz ou dans le domaine du mentalisme, celle de Luke Jermay.
– Celle qui fait appel aux émotions: souvent d’influences américaines ou anglo-saxonne. Je citerai parmi les magiciens : Greg Wilson, Joshua Jay, Dave Bonsall, Richard Sanders ou Etienne Pradier. Il y a chez les américains des réactions parfois disproportionnées, certes, mais un côté enfantin, immédiat et réjouissant.
Ma tendance naturelle, de par l’exercice de mon métier dans le cadre évènementiel, me porte davantage vers ce type de magie dont je me sens plus proche. On ne cherche pas à tourner autour du pot mais plutôt l’efficacité avec un résultat rapide, visible déclenchant des réactions spontanées et immédiates. Je parle bien sûr de la magie rapprochée de close-up qui demeure un exercice particulier dans le cadre événementiel. La situation est tout à fait différente dans un spectacle scénique ou l’artiste a davantage le temps d’instaurer un univers, de plonger le public dans une ambiance. On constate d’ailleurs que pour renforcer cette proximité avec les spectateurs, même dans le cadre du grand spectacle comme celui de Luc Langevin ou The illusionnists, une partie est dédiée à des tours de magie rapprochée retransmis sur grand écran.
Enfin, j’ai beaucoup d’admiration pour le travail de Bond Lee, Éric Chien et Shin Lim. Je trouve que ces illusionnistes asiatiques ont une longueur d’avance en ce qui concerne la transmission de l’émotion que ce soit par les gestes et/ou la musique qui viennent accentuer leurs effets spectaculaires.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Je dirais : laissez-vous guider par votre passion… Tant que la flamme est là, l’essentiel est préservé !
Les livres et les vidéos vous permettrons de vous construire une culture magique et permettrons d’affuter votre esprit critique. Magic Dream, Marchand de Trucs et C.C. Editions font un formidable travail d’édition, pour permettre au plus grand nombre de parcourir des ouvrages passionnants, où la psychologie est poussée parfois très loin.
L’entrainement est indispensable pour renforcer les bases acquises et vous permettra d’être plus à l’aise lors de la découverte d’autres techniques, ou pour tester d’autres styles de magie que celui que vous pratiquez. Le but étant de trouver VOTRE voie : celle qui vous fait le plus vibrer.
Rendez-vous dans une véritable boutique de magie, vous serez accueilli par des professionnels : des vendeurs réels et non virtuels qui au-delà de leurs conseils, seront vraiment vous aiguiller. Enfin, les conseils d’autres magiciens sont précieux : l’échange est enrichissant et constructif et l’expérience quant à elle, une véritable source de motivation et d’inspiration.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Tout a changé ou presque depuis trois décennies. Pour ma part, j’ai débuté la magie au temps du Minitel. Autant dire que l’accès aux vidéos, et aux livres était plus difficile qu’aujourd’hui (car essentiellement produits aux États-Unis). Internet a vraiment fait changer les choses.
Comme bien d’autres domaines, l’illusionnisme n’échappe pas au progrès. Sans surprise, on assiste à la marchandisation de l’ensemble de ce secteur d’activité, notamment par le développement massif de nouveaux produits. Certains sont très vite dépassés, démodés, ne tiennent pas la route ou ne contribuent pas à enrichir l’art magique. Car la magie est avant tout un art au même titre que la peinture ou le cinéma.
On a vu apparaître également de nouvelles boutiques de magie exclusivement en ligne comme bigmagie.com ou Marchand de Trucs, alors que dans les années 1980/90 il n’y avait que Mayette Magie Moderne ou encore Magix qui avait pignon sur rue.
Les réseaux sociaux ont également changé la donne, puisque les illusionnistes veillent à véhiculer une bonne image auprès du plus grand nombre. Certains tours ont même été développés uniquement pour être publiés sur Instagram ou Facebook.
On ne peut que se réjouir de l’exposition de plus en plus importante de la magie à la télévision. Je me souviens des grands temps forts qui ont marqué l’histoire du petit écran, à savoir la présence de Gérard Majax, Sylvain Mirouf ou encore l’émission Attention Magie portée par Gilles Arthur et présenté par Vincent Perrot, où j’ai découvert des pointures, comme Dominique Duvivier.
Le retour en vogue de la magie via le petit écran s’est accompagné de l’émergence de nouveaux talents comme Viktor Vincent ou Gus.
Car pour les plus observateurs, Caroline Marx était déjà présente sur M6 dans Magiciens, leurs plus grands secrets. Sans compter qu’avant de remporter La France a un incroyable talent, Antonio était un illusionniste reconnu dans le milieu pour la qualité de ses prestations et son professionnalisme. Les émissions comme Diversion sont extrêmement bien produites. Je les regarde à la fois en tant que journaliste et passionné par les médias, mais aussi en tant que magicien.
L’ensemble demeure très léché, de qualité, et fait honneur à notre discipline.
Au-delà du petit écran, il faut également s’enthousiasmer pour tous les lieux qui accueillent des spectacles vivants et de magie. Je trouve formidable par exemple que le Double Fond, qui était un pari osé lors de son ouverture en 1988, continue à accueillir les adeptes d’illusionnisme depuis près de trois décennies. Tout ceci contribue à un élan pour toute la profession, qui doit se sentir portée par cet intérêt des entreprises et du grand public pour la magie.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture, qu’elle soit populaire ou élitiste, enrichi nettement la magie. À mon sens, il faut se confronter à d’autres disciplines, afin d’enrichir son répertoire. On n’en tire toujours quelque chose, même si ce n’est pas dans l’immédiat. Les arts, les lettres, les sciences sont de véritables sources d’inspirations car elles permettent d’ouvrir l’esprit, de découvrir de nouveaux horizons, de développer notre imagination. C’est pour cela que j’adore me rendre dans des musées, écouter des émissions à la radio, lire…
Les voyages invitent aussi à la découverte d’autres cultures, d’autres traditions, modes de vie et peuvent nous influencer dans la manière d’exercer notre métier par le langage ou la gestuelle.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’ai de nombreux autres centres d’intérêt que la magie. A commencer par la lecture. Je me rends toutes les semaines à la médiathèque de mon quartier pour faire le plein de revues, romans, ouvrages historiques, films car je suis également un vrai cinéphile.
Je n’ai pas entièrement renoncé au journalisme puisque j’ai eu le plaisir de créer plusieurs sites dédiés à la culture, comme 7alyon.com et sortiramacon.com. C’est très stimulant ! Je pratique également une activité sportive régulière : sport en salle, natation pour entretenir la forme du mieux que je le peux. Enfin, je prends le temps d’accomplir pleinement mon rôle de papa.
– Interview réalisée en septembre 2019.
A visiter :
– Le site d’Hervé Troccaz.
– Magic Time application.
Crédit photos : Hervé Troccaz. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.