Tu n’as plus d’illusions à perdre ? Tant pis pour toi : c’est que tu n’as plus de vérités à découvrir. Il est deux façons de mourir à l’illusion : la prolonger, la purifier jusqu’à Dieu ou la dissoudre dans le néant. Le rêve est une gestation qui aboutit soit à un avortement qui stérilise, soit à la naissance à un autre monde, qui délivre. Le jour où, sous le choc de la douleur et des déceptions, on s’aperçoit que cette vie est absurde et que rien de vrai ni de pur ne peut fleurir ici-bas, deux chemins s’ouvrent à l’homme : ou bien suspendre son espérance purifiée au bien absolu qui réside hors de ce monde, ou bien s’enliser dans les petits plaisirs et les petits devoirs quotidiens, devenir sceptique, terre à terre. Malheur à celui qui prend la deuxième voie ! Car, sous la coque du rêve, il tue en lui le germe de Dieu.
L’homme dont le désir n’est plus tendu vers l’impossible ne touchera jamais Dieu : il est rivé à la terre ferme et explorée, il n’a plus en lui l’élan nécessaire pour sauter dans l’inconnu. Qu’il s’agisse d’un amant gorgé d’illusions, d’un révolutionnaire utopiste, voire d’un débauché (car la débauche est encore un rêve et une tentative d’effraction de l’impossible), le retour à Dieu est concevable à travers toutes les formes du rêve. Mais il ne l’est pas à travers le goût du confort, des honneurs et de tous les biens précis et tangibles qui remplissent une existence que le rêve a désertée.
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