Quel est votre rôle dans la fabrication de cette bande dessinée ?
Nous sommes les scénaristes de l’histoire, mais nous avons eu aussi un rôle actif dans le découpage ainsi que dans tous les choix éditoriaux. Nous tenions fortement à superviser l’ensemble.
Avec qui travaillez-vous ?
Nous travaillons avec un éditeur, Jungle, mais surtout avec le talentueux Weldohnson au dessin et la merveilleuse Ester Chahian à la couleur. Nous sommes d’ailleurs devenus une équipe et nous espérons faire d’autres projets ensembles.
Comment vous êtes-vous intéressés au monde de la magie et de l’illusion ?
En 2011 nous avons été contactés pour écrire le scénario d’un film TV spécial, Little Houdini, porté par le studio d’animation Dandelooo et le réalisateur Cédric Babouche. Nous ne connaissions rien à l’illusion et nous avons formé notre culture tout au long de la production, notamment grâce à des sites comme Artefake et à l’apport d’un conseiller magie : Benoit Grenier. Le film est sorti en 2014 et depuis nous n’avons cessé de nous passionner pour l’art de la prestidigitation.
Revenons à la bande dessinée Harry Houdini : La clé de la magie qui raconte une toute nouvelle histoire. Comment avez-vous construit votre scénario ?
La bande dessinée nous permettait d’allier un roman d’apprentissage avec une grande quête pleine d’aventure, et aussi d’explorer un univers bien plus vaste que celui du film. Nous avons donc décidé de repartir sur de nouvelles bases. Pour construire le scénario autour d’une enquête à énigmes à l’instar du Da Vinci Code, il nous fallait un « Léonard de Vinci de la magie. » Nous avons immédiatement pensé à Jean-Eugène Robert-Houdin. Le fait qu’Harry Houdini l’ait pris comme référence pour son nom de scène portait en lui le canevas de notre histoire. Nous allions raconter comment, autour d’une grande quête orchestrée par Houdin, le petit Harry allait devenir le grand Houdini.
Nous retrouvons dans cette BD des personnages comme Tesla et Robert-Houdin qui prennent certaines libertés avec la réalité des faits. Comment avez-vous procédé pour vos recherches historiques ?
Nous voulions tenir un équilibre entre la réalité des faits et la fiction nécessaire à notre récit. Le réel et la fiction se croisent : Tesla a bien fait des spectacles électrifiés comme on le voit dans notre BD, Harry est bien venu à New-York très jeune, mais avec sa famille… Concernant Robert-Houdin, sa quête, qui est inventée, nous permettra au fil des tomes d’explorer les lieux et les tours qui ont fait sa légende. Car il y a une volonté qui sous-tend tout le récit, celle de faire redécouvrir Robert-Houdin au jeune public. C’est l’un des personnages les plus illustres de notre histoire culturelle et il est souvent confondu avec Harry Houdini. Nous avons voulu retisser le lien entre les deux.
Le langage de la bande dessinée vous permet-il de développer des effets fictionnels et illusoires particuliers, impossibles à réaliser dans la vraie vie ? De jouer sur les fantasmes et les stéréotypes de la magie ?
Un des grands défis de parler d’illusion dans une bande dessinée est que contrairement au réel, on peut tout faire ! Pour faire disparaitre quelque chose, il suffit de ne pas le dessiner. Nous devions donc passer un contrat tacite avec le lecteur. Nous sommes dans un monde où il y aura des anachronismes, des faits alternatifs, mais concernant l’illusion nous faisons attention à ce que tout soit crédible. Suivant l’exemple de grands magiciens comme Penn & Teller, nous avons décidé d’utiliser le débinage. Un tour est expliqué en début de tome, puis réutilisé avec une variante à la fin, cette fois sans explications.
Est-ce que la divulgation de certains tours « numérotés » correspond à une volonté de faire entrer le lecteur dans l’histoire comme avec ces insertions de petites caricatures hilarantes qui expriment la pensée profonde des personnages ?
Tout à fait. Nous voulions assurément une BD avec de l’aventure, de l’émotion et de l’humour, avec le décalage crée par les petites caricatures. Mais nous voulions avant tout une BD didactique. L’univers de l’illusion, comme beaucoup d’autre, ne devient passionnant que si on parvient à en comprendre quelques codes. Chaque tome est donc le moyen d’apprendre des petits tours mais aussi de comprendre certains des grands principes de la magie. Dans ce premier tome nous avons voulu répondre à cette grande question : « comment se crée la magie pour le spectateur ? »
La clef de la magie est donc le début d’une série en plusieurs tomes. Avez-vous déjà écrit (et dessiné) la suite ?
Nous avons déjà écrit la suite, mais l’éditeur attend de savoir si le premier tome rencontre son public avant de lancer le deuxième. La promesse de ce deuxième tome est que nos héros vont explorer Paris et le fameux théâtre Robert-Houdin. Ils rencontreront un célèbre personnage bien connu pour son apport au cinéma : Georges Méliès. Il se trouve que ce dernier avait racheté le théâtre en 1888, exactement la période de notre récit. Cette situation historique est une aubaine pour en apprendre un peu plus sur celui qui, avant d’être un des pères du cinéma était un véritable illusionniste, féru de Robert-Houdin, comme notre héro Houdini.
Est-ce qu’une traduction en anglais est prévue pour le marché anglophone, comme avec le dessin animé ? Avez-vous le projet de décliner le personnage de « Little Harry » dans d’autres médias ?
Nous n’avons pas vraiment la main sur l’aspect commercial ; évidemment nous rêvons que cette histoire soit partagée au plus grand monde. L’univers que nous développons aurait toute sa place dans une série animée et même dans un jeu vidéo d’aventure et ludique. Quoi qu’il en soit on fera tout pour développer au mieux notre univers !
A lire :
– Comment Harry est devenu Houdini – Tome 1 – La clef de la magie. Scénario : Francis Launay & François Turquety. Dessins : Weldohnson. Couleur : Esther Chahian. BD aux éditions Jungle (octobre 2021).
A voir :
– Houdini de Cédric Babouche (Studio Dandelooo, 2014).
Interview réalisée en février 2022. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : François Turquety et Francis Launay. Illustrations : Weldohnson et Chahian. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.