Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Tout dépend de quelle magie nous parlons. Au début, c’est plutôt le monde du mystère qui m’a attiré : ces choses qui pouvaient se produire sans que les explications rationnelles puissent réellement les éclaircir. J’ai décrit un de ces épisodes dans le livre Voyage en grande saltimbanquie. Cela se passe durant mon enfance, j’ai environ neuf ou dix ans. Je suis à Paris, attendant le bus, et le temps me semble long. Soudain, j’aperçois un ticket de métro au sol. Par défi, je décide de me concentrer et de tenter de le faire bouger. Et, je ne sais comment, le ticket se retourne. De retour chez moi, j’essaie de reproduire cette expérience, mais sans succès. Je pense que cela représente une de mes premières rencontres avec la magie, qui m’amènera peu à peu vers la prestidigitation. Mon but était de pouvoir reproduire cet effet, cette fois-ci avec le recours de la dextérité ou de quelques trucs et ficelles. On peut dire que la prestidigitation a été la solution face à ma frustration devant la magie inexpliquée.

Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Comme beaucoup d’enfants, j’ai appris quelques tours de magie très tôt. Cependant, mon véritable premier pas dans cet art s’est produit après avoir observé des magiciens de rue à Beaubourg et des arnaqueurs jouant au « bonneteau » à Saint-Ouen. En les regardant, j’ai compris que leurs numéros dépassent la simple énigme. Ils s’inscrivent dans une histoire plus vaste, comme un symbole intemporel qui cherche à se livrer à nous. Cette prise de conscience m’a conduit vers ce qu’on pourrait appeler une « magie narrative », s’inspirant d’archétypes comme le tricheur, le pickpocket, le faiseur de miracles ou le bateleur du tarot de Marseille. Cette approche repose sur l’utilisation d’accessoires simples et requiert une grande dextérité. Je me suis donc orienté vers la manipulation d’objets et la jonglerie, que j’ai rapidement combinées avec la prestidigitation. Ce type de numéro nécessitant un entraînement intensif, j’ai longtemps pratiqué en autodidacte, multipliant les essais et les répétitions pour perfectionner mon art.

Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un événement vous a-t-il freiné ?
En tant qu’autodidacte, mon apprentissage était solitaire. J’ai puisé l’inspiration dans de nombreux spectacles, notamment ceux de la compagnie Philippe Genty, avec Sigmund folies en tête. Mais ces expériences ne constituaient pas de véritables rencontres. La rencontre décisive s’est faite dans une petite boutique de magie à Avignon. Son propriétaire, Frédéric Dautigny, surnommé Lucas à l’époque, était un magicien brocanteur. Il maîtrisait l’histoire de la magie sur le bout des doigts et connaissait tous les articles du domaine. Fred m’a été d’une aide précieuse. Sans guide, on se perd vite dans le dédale des boutiques de magie. Il m’a fait gagner un temps considérable dans l’apprentissage des secrets magiques et m’a évité bien des achats superflus. Nos échanges sur les techniques de manipulation ont été enrichissants, nos approches différentes se révélant complémentaires. Quant aux obstacles potentiels, ils se situaient plutôt du côté de la « magie de scène ». Je voulais proposer des spectacles à un large public, mais les exemples vus dans divers festivals avaient tendance à me décourager. Les grandes illusions, par exemple, ne m’attiraient ni dans leur forme ni dans leur présentation. J’ai finalement compris qu’il était possible de présenter une magie dite « de salon » à un grand public, à condition d’y mettre la conviction nécessaire.

Quels sont vos domaines de compétence (magie, tarot, cirque, écriture…) ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Mon parcours créatif a touché de nombreux domaines. J’ai débuté dans le spectacle à vingt-et-un ans et j’en ai cinquante-six aujourd’hui. Un fil conducteur relie toutes mes activités : la magie, la jonglerie, la mise en scène, l’écriture et le tarot. Ce fil, c’est mon amour pour raconter des histoires, seul ou avec d’autres.


Je travaille en duo avec ma compagne depuis le début. Nous formons une équipe créative efficace. Notre processus commence toujours par l’écriture de l’histoire. Même dans ma pratique actuelle du tarot, l’histoire reste primordiale. Elle se construit à partir des cartes et de la question du « consultant ». C’est une mise en scène où le consultant est à la fois spectateur, acteur et co-créateur. Pour nos spectacles, j’utilisais aussi le tarot comme conseiller. Il m’aidait à voir des aspects que je n’aurais pas imaginés, trop concentré sur le sujet principal. Le tarot offre un recul précieux dans la création.


Côté pratique, nous réalisions tout nous-mêmes : décors, costumes, accessoires, musique, éclairages et dispositifs scéniques. Nous avons joué dans des yourtes, des chapiteaux et des roulottes que nous avions conçus, parfois avec l’aide d’amis techniciens. Notre but était de créer un univers visuel riche avec une forte identité, liée à notre vision marginale de l’art et du spectacle. Une approche presque utopique, comme un idéal à offrir. Je dis « nous » car ce travail se faisait souvent avec ma compagne. Nous avons même créé un numéro de jonglerie à quatre mains, comme un personnage à quatre mains ou des siamois jonglant ensemble. Nous mêlions souvent magie et jonglerie pour ajouter du mystère au spectacle. Nous avons également conçu un spectacle intitulé Le village forain. Les spectateurs y déambulaient librement entre divers « entresorts » . Ma compagne présentait un numéro où elle donnait naissance à une enfant spéciale : une marionnette aux dons de mentalisme. Quant à moi, je proposais un « entresort » inspiré des arnaques foraines, mettant en vedette la prestidigitation.
Vous êtes le créateur du Cirque les Kalderas. Quand, comment et pourquoi est née cette aventure ?
Comme évoqué précédemment, la compagnie Les Kalderas est née de ma rencontre avec ma compagne (Johana Bertet) et de notre désir de vivre une expérience forte ensemble. Créée en 1992 et dissoute en 2018, elle a produit des spectacles allant de deux à dix-sept personnes, selon les exigences de l’histoire, avec quatorze créations en tout. Aux débuts de la compagnie, c’était l’âge d’or du théâtre de rue, offrant une grande liberté créative pour ce qu’on pourrait appeler le « théâtre forain » ou « théâtre saltimbanque ». Malheureusement, cette forme a progressivement perdu sa légitimité dans un monde du spectacle devenu, à mon sens, plus consumériste que créatif, avec une tendance à la labellisation. Le nom « Kalderas » provient d’une ethnie tzigane connue pour être des étameurs et rétameurs chaudronniers, capables de créer du neuf avec de l’ancien. Cette tradition s’est également perdue avec le temps. Étymologiquement, le mot est lié à « caldera » en espagnol, signifiant la cheminée du volcan, en référence au feu utilisé par les étameurs et que nous avons souvent intégré dans nos spectacles.


Parlez-nous du Tarot créatif, votre lieu situé à Avignon. Pourquoi, quand et comment est né ce projet ?
En racontant des histoires, j’ai toujours cherché à créer un lien authentique avec mon public. J’ai progressivement délaissé les spectacles grand public pour explorer des formes plus intimes, ce qui m’a conduit à la lecture de tarot. Je pratique cette activité en tête-à-tête ou en groupe. J’ai nommé mon approche « tarot créatif » pour la distinguer de la voyance traditionnelle. Cette dernière, trop prédictive à mon goût, prive le consultant de son libre arbitre. Ayant observé ma mère pratiquer la voyance, j’ai choisi une voie différente. Bien que je lise le tarot en privé depuis 1999, j’ai voulu créer un espace visible dans le centre d’Avignon. Mon but est de rendre le tarot accessible, loin des aspects hermétiques ou trop spécialisés des librairies ésotériques. Le Tarot créatif, ouvert depuis 2018, est un lieu d’échange. J’y propose des soirées thématiques, des formations et des « soirées magiques » pour faire découvrir la magie sous toutes ses formes. Il y a également un aspect boutique, avec des jeux de tarot assez rares, dont le tarot d’Avignon que j’ai pu restaurer et éditer avec l’aide de ma compagne. Nous proposons aussi des estampes faites à la main, des bougies que nous créons nous-mêmes et d’autres éléments issus de notre créativité, toujours en rapport avec la magie et le tarot.




Vous proposez des lectures de cartes et de tarot, en quoi cela consiste ? Quelle est votre méthode ?
La lecture des cartes du tarot c’est toujours et encore une histoire qui se raconte. À partir d’une question, d’un thème, d’un projet ou d’une préoccupation. Une personne tire des cartes que j’interprète ensuite. Dans mon approche créative de la lecture du tarot, il est primordial qu’un contact s’établisse avec la personne. Au début, le plus important est que celui ou celle qui interroge le tarot comprenne d’abord « ce qu’il sait » et qu’il sache « ce qu’il veut ». Ensuite, il peut tirer les cartes, car à ce moment-là, les propositions seront vraiment utiles pour lui. La personne comprendra le sens de ce voyage. Un horizon va s’éclairer, mais il ne se présente pas comme une fatalité, plutôt comme une possibilité. Bien sûr, d’autres éléments apparaîtront : ce qui est caché sous le tapis, l’obstacle à affronter, la passerelle à franchir. Tout cela permettra au consultant de bien ressentir que cela lui parle. Le côté créatif se situe aussi dans l’après-lecture. On ne reste pas passif à attendre que cela nous tombe dessus comme dans une voyance prédictive, mais on comprend le sens. Il y a donc des choses à mettre en place, et c’est cela qui est satisfaisant. La personne se sent porteuse de quelque chose à accomplir, ce qui redonne souvent du sens à la vie.

Parlez-nous de vos différents ateliers et formations sur le tarot de Marseille, le tarot créatif et les triomphes club
Je propose des ateliers individuels et des formations collectives pour transmettre mes connaissances. La formation est une expérience immersive où chaque triomphe (arcane majeur) prend vie. Au-delà d’un simple apprentissage symbolique, elle invite à explorer les cartes avec le corps, l’esprit et l’imagination, en s’appuyant sur « Le Mur Détective ». Imaginez un mur blanc qui se transforme en une œuvre vivante. Les vingt-deux triomphes y sont accrochés, reliés par des fils colorés et des petites portes secrètes. Ce n’est pas un simple tableau, mais un écosystème sensible où tout fait sens. Des matières variées (textiles, bois, pierres, plumes, ossements) rappellent la dimension organique du tarot. Des magnets-puzzles permettent de recomposer les symboles de chaque carte. Des portes secrètes cachent des textes, dessins, objets et indices littéraires. Le mur devient un labyrinthe vivant, une carte en constante évolution que chaque participant façonne à sa manière. Au pied du mur, une bibliothèque regroupe des livres liés au tarot : récits initiatiques, poèmes, traités d’alchimie ou journaux intimes d’écrivains. Chaque triomphe a son livre-totem, dont le titre reste à deviner. Cette formation se vie comme un grand jeu dans lequel il y a vingt-deux portes à traverser. Pour ce qui est du club cela s’adresse à des gens qui ont déjà participé aux ateliers ou formation et à qui je propose une approche encore plus expérimentale du tarot, ou chaque triomphe est un rituel ou une performance à incarner ; exemple Le Bateleur : improviser un spectacle dans la rue, ressentir la frontière entre soi et les autres.

Vous organisez également des expositions thématiques, des événements et des expériences comme des visites commentées ou l’initiation à l’escapologie. Pouvez-vous nous en parler ?
J’organise des soirées magiques, retraçant l’évolution de la magie à travers les âges avec des thématiques variées à chaque rencontre. Par exemple : Qui sont les cagots et les Drabarnis ? Quel lien existe-t-il entre les compagnons bâtisseurs et les gitans ? Entre la Vierge Noire et l’art gothique ? Ou encore : Comment l’invisible se manifeste-t-il dans le monde des humains ? Peut-on visiter un lieu invisible ? Peut-on concevoir des rituels joyeux avec les défunts ? Les zombies sont-ils réellement des monstres ? L’invisible est-il nécessairement magique ? Les fées sont-elles apparentées aux fantômes ? Ou avec un aspect plus démonstratif que j’annonce sur les réseaux sociaux avec un visuel : Le Bateleur, Le Bonneteur, Le Trickster. Trois façons d’aborder la magie dans un but bien différent. Je vais vous faire la démonstration de ces trois numéros et vous en révéler les trucs et ficelles.


Bien entendu, de nombreuses autres thématiques ont été abordées. Je propose également la visite du lieu, comprenant une partie exposition à l’étage où je narre une histoire à partir de chaque élément de la collection. Quant à l’atelier d’escapologie, il trouve son origine dans une lecture de tarot où la carte du Pendu, évoquant Harry Houdini, a joué un rôle crucial. En résumé : une personne me consultait pour tenter de soulager son asthme. C’est alors que la carte du Pendu m’a inspiré cette solution, me rappelant que Harry Houdini, dans certains de ses numéros, se mettait en situation de manquer d’oxygène. Il était primordial pour lui de savoir crocheter la serrure qui allait le libérer. J’ai donc demandé à cette personne si elle connaissait cette technique. Ne maîtrisant pas le lock picking, je lui ai expliqué que cela pourrait devenir une technique méditative à pratiquer en cas de crise, et qu’au moment de l’ouverture du cadenas, cela la libérerait et lui permettrait de respirer correctement. Je lui ai enseigné ces techniques, qui se sont avérées efficaces. J’ai donc conservé cet atelier que je propose désormais parmi les différents outils du tarot créatif.
Avec Frédéric Dautigny, vous avez participé à l’exposition « Provence Mystérieuse » dans la chapelle des Pénitents blancs en Avignon. Quelles expériences et rituels avez-vous proposé ?
Le lieu « Tarot créatif » est une annexe de la chapelle des Pénitents Blancs. C’est un espace historique qui servait apparemment de chambre aux pénitents. Sa structure s’apparente à une tour sur quatre niveaux, surmontée d’un clocher. Il est situé au 26 rue des Fourbisseurs à Avignon. L’exposition La Provence mystérieuse, réalisée en collaboration avec Fred, rend également hommage à Jean-Paul Clébert, auteur du livre éponyme, que j’ai eu l’occasion de rencontrer peu avant son décès. Notre exposition établit des liens entre les pièces de la collection et divers événements provençaux, tels que la disparition de la Vierge Noire dans la cathédrale Notre-Dame des Doms près du Palais des Papes, ou encore la venue de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume, devenu depuis un lieu de pèlerinage. Nous possédons également une Tarasque véritable animal mythologique de la ville de Tarascon. La collection comprend notamment d’anciennes pipes rituelles, probablement utilisées par des bergers provençaux, ainsi qu’une boîte semblable à un petit autel, ayant appartenu à un prêtre exorciste local. La liste des objets est longue et variée. Une grande partie de ces pièces rares a été dénichée par Fred, surnommé « Le grand collectionneur » de raretés magiques.

Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Ce que j’apprécie le plus chez un artiste, c’est sa capacité à fusionner avec son personnage. J’aime avoir l’impression que son récit est authentique, soutenu par des anecdotes, des accessoires et un costume qui incarnent parfaitement son rôle. La performance de Léo Bassi, ce clown provocateur de rue, m’a particulièrement marqué. Dans un même spectacle, il parvient à susciter des émotions contradictoires : on le déteste, puis on l’adore, avant de le détester à nouveau. À la fin, on ne sait plus quoi penser. C’est un véritable manipulateur de foule. Côté magie, Ricky Jay m’impressionne. Au-delà de sa technique, son charisme et son personnage sont vraiment convaincants. Dans ma jeunesse, j’ai eu la chance de voir Philippe Petit sur la place Saint-Michel. Son numéro de mime-magicien-funambule a été une véritable leçon pour moi.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je suis particulièrement attiré par la magie qui requiert de l’adresse et de la manipulation, plutôt que par les grandes illusions scéniques ou les tours automatiques. J’apprécie également lorsque la magie plus intime, dite « de salon », est transposée sur scène. On peut observer cette tendance aujourd’hui avec des compagnies qui intègrent la magie à la danse, comme la compagnie 14:20, ou avec le magicien Yann Frisch qui a rejoint la compagnie de cirque Octobre Rouge, adaptant son numéro de close-up au centre de la piste. Je suis ouvert à toutes formes de magie, à condition qu’elles soient en cohérence avec le personnage. Étant passionné de jonglerie, j’apprécie particulièrement la fusion de ces deux disciplines, qui apporte une dimension inexpliquée au mouvement des balles, par exemple. Et bien sûr, je suis très friand de tout ce qui s’apparente à « l’arnaque », à la triche, à la combine, avec des tours comme « le bonneteau », « les coquilles de noix », le pickpocketisme, « le piquet de la jarretière », etc.

Quelles sont vos influences artistiques ?
Même si je ne suis plus dans le monde du spectacle, la création reste au cœur de ma vie. Mes sources d’inspiration sont illimitées, et ce n’est pas une simple expression : tout m’inspire vraiment. Bien sûr, les domaines artistiques comme la musique, la littérature, le cinéma, la peinture et l’art en général sont des sources évidentes. Mais l’inspiration peut aussi venir de choses apparemment sans rapport : une conversation entendue au hasard ou un paysage soudain traversé par un élément poétique peuvent faire naître des idées riches et créatives comme par exemple la lune qui éclaire une toile d’araignée. Je pourrais citer des milliers d’exemples, car sincèrement, tout est source d’inspiration pour moi. C’est d’ailleurs cette capacité à puiser l’inspiration partout qui me permet aujourd’hui de lire les cartes de tarot de façon créative. Les images qui se combinent entre elles nourrissent des histoires en devenir.
Quels chemins conseiller à un magicien et tarologue débutant ?
D’abord, plongez-vous dans un maximum de ressources inspirantes. Ensuite, essayez de condenser ces connaissances en un élément minuscule, comme une petite boule. Répétez ce processus pour créer un ensemble de boules. Enfin, assemblez-les pour former « un tout » cohérent. Ce « tout » deviendra une source où le spectateur pourra puiser à son tour, s’enrichissant de votre expérience et de votre savoir. Je pense que l’idéal au départ serait de se comporter comme le Bateleur de la carte du tarot. C’est un magicien après tout : il a travaillé son numéro, mais il a surtout compris sa singularité, sa spécificité artistique. Il est convaincu qu’il a réellement quelque chose à offrir à son public. C’est d’ailleurs pour cela que, alors qu’il n’était attendu par personne, un cercle se formera autour de lui, car il a ce que j’appelle « le point minimal de construction ». C’est vraiment ça que je conseille à un magicien débutant : trouver son point minimal de construction et le travailler jusqu’à obtenir quelque chose qu’il estime « beau ». Il ne faut pas penser que ce que vous allez présenter est beau, il faut en être convaincu. Vous devez aimer sincèrement chaque élément de votre routine. Si jamais le public n’en voulait pas, ayez la modestie de vous remettre en question, mais n’abandonnez pas les choses auxquelles vous tenez. Modifiez-les pour mieux les faire accepter. Presque tout est présentable, mais pas de n’importe quelle manière.

Pour un tarologue débutant, la situation est différente. Il est important d’avoir vécu des expériences riches sur le plan humain, créatif et émotionnel, en prenant des risques et en osant changer de direction. La lecture de tarot, et plus particulièrement la position du lecteur, n’est pas une question de morale. Il faut donc faire preuve d’une grande ouverture d’esprit pour aborder tous types de sujets, y compris les plus délicats. Mon conseil pour commencer serait de vivre avec un jeu de tarot à portée de main. Mettez-le en relation avec votre vie quotidienne. Peu à peu, une connexion s’établira naturellement.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je pense que la magie a toujours existé et a toujours été « actuelle ». Notre besoin d’émerveillement et de réenchantement est intemporel. Bien que j’aie mentionné quelques magiciens contemporains, leurs performances reposent sur des concepts ancestraux. Nous avons tendance à utiliser une terminologie moderne pour décrire des pratiques anciennes, mais l’objectif demeure le même : offrir une expérience magique. Le mentalisme, par exemple, existe depuis longtemps. Je m’interroge sur la tendance actuelle de certains mentalistes ou hypnotiseurs de scène à prétendre posséder des pouvoirs surnaturels, alors qu’ils utilisent simplement des techniques éprouvées. Cette quête de pouvoir reflète également notre époque mais a certainement elle aussi toujours existé. En conclusion, je dirais que si une performance me touche, c‘est que pour moi elle est actuelle.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Dans mon approche de la création et de la magie, j’adopte une perspective d’anthropologue. Je cherche sans cesse à établir des liens entre divers domaines : sociologie, culture, comportements des peuples, botanique, biologie, poésie et contes du monde entier. Ces disciplines sont toutes intimement liées à la création et à la magie. À Avignon, dans mon espace dédié, je parle souvent de « théâtre de l’intime » pour décrire la magie. Cette expression souligne que la magie est une mise en scène, un acte rituel qui nous aide à dépasser nos limites et à nous émanciper. C’est une façon de renouer avec le sacré, au sens de la beauté plutôt que de l’interdit. Par exemple, en Afrique, j’ai vu un conteur utiliser des cauris (petits coquillages) pour narrer son histoire. Sa manipulation dégageait une magie intense. En revanche, au Maroc, sur la place Jemaa el-Fna à Marrakech, j’ai observé quelqu’un se présenter comme magicien. Sa performance n’avait rien de magique, mais il était perçu culturellement comme un mage. C’était très intéressant de comprendre cela. Je pense que la culture joue un rôle crucial dans notre perception de la magie. Les deux sont intimement liées et on ne peut pas vraiment les séparer.


Vos hobbies en dehors de la magie et du tarot ?
Je suis curieux et j’ai de nombreux centres d’intérêt. Au-delà de ce que vous pouvez deviner, j’aime discuter de la nature humaine avec ma compagne, devenue psychanalyste. Avec ma fille, nous explorons l’urbex, ces lieux abandonnés transformés par la nature. Depuis deux ans, je me suis passionné pour le piano. La compréhension de l’harmonisation m’ouvre des possibilités infinies d’improvisation en combinant accords et modes. C’est fascinant ! Nous avons gardé un camion aménagé de nos anciens véhicules. J’adore y voyager en famille. Bien sûr, la lecture reste un plaisir incontournable. Mes autres activités incluent l’écoute de podcasts, le ping-pong, les parties d’échecs avec ma fille, faire du thé à la menthe et imaginer, rêver, créer, vivre…
Interview réalisée en mars 2025. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Franck Battig / Tarot créatif / Les Kaldéras. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.