Artiste franco suisse, qui depuis près de trente ans conçoit une œuvre située à la frontière de la création picturale, Varini développe son travail et sa peinture en dehors du tableau (en renoncent au cadre traditionnel). Les paysages urbains et les espaces fermés, avec les éléments architecturaux en présence, constituent le terrain d’action où il réalise sa peinture. La peinture de Varini est donc une exploration de l’espace architectural. Ses interventions, qui ont fasciné les observateurs du monde entier transforment l’acte de voir en une expérience vécue. C’est l’œil qui construit l’œuvre. C’est à partir d’un point de vue que le spectateur est amené à trouver des formes peintes qui se révèlent. Mais si celui-ci s’écarte de ces coordonnées invisibles, l’ordonnance des choses à nouveau se disloque pour lui donner à voir l’éclatement des formes dans l’espace.
Le sujet :
Le sujet de la peinture, ce qu’elle cherche à représenter, n’est rien d’autre que l’architecture elle-même, c’est-à-dire le support sur lequel la peinture est représentée. Varini attire l’attention non pas sur la peinture (c’est le fragment qui fait de lui un peintre) mais sur l’architecture et sur la ville ; c’est le contenu de son œuvre.
L’anamorphose :
elle peut se définir comme la projection de formes en dehors de leurs limites visibles, formes qui ne peuvent être reconnues que si elles sont vues depuis un point de vue bien précis. L’étymologie du mot « anamorphose » désigne bien un artifice optique reposant sur la perspective où l’esprit et l’œil participent à une révélation extraordinaire qui a pour sujet la mort et la résurrection de la forme.
Le miroir :
Varini utilise quelque fois le miroir comme cadre qu’il situe dans un processus visuel qui permet l’illusion. Au Moyen Age, les miroirs étaient utilisés contre les démons, de même que certaines figures géométriques comme le cercle et le pentagone. Ce n’est peut-être pas un hasard si Varini utilise ces mêmes miroirs pour souligner la réalité et mettre en évidence la vacuité des illusions. L’observateur qui fait face au miroir convexe se retrouve alors à l’intérieur de la composition picturale reflétée par le miroir.
L’Artifice :
L’anamorphose, l’illusionnisme, les formes géométriques, les couleurs primaire, tous les artifices qui forment le répertoire de Varini ne sont que des modalités d’application d’un projet plus vaste que l’on pourrait appeler « Pan-Optique ». « C’est mon œil qui fait l’œuvre », qui donne un sens aux lignes assemblées en une figure et, rétroactivement, à chacune de ses parties. L’indice commun qui permet de les assembler, c’est tout d’abord la couleur. L’emploi des couleurs primaires est pertinent, puisqu’il s’agit de couleurs artificielles appartenant au monde de l’artefact. La monochromie crée une unité optique accentuant la séparation de la figure du fond et permettant la perception simultanée de tous les plans. Varini nous fait croire que la figure apparaît sur un seul plan. Il tente d’annuler la profondeur en élargissant les lignes au fur et à mesure qu’elles fuient vers l’arrière. La vue binoculaire permet la synthèse des informations fournies par les deux yeux, et notamment la perception de la profondeur. En regardant la figure reconstituée, nous n’avons aucun moyen de définir à quelle distance elle se trouve.
Le spectateur :
Dans » le théâtre varinien », le public est formé d’un seul spectateur vers lequel tout converge. Spectateur qui se découvre peu à peu dans le rôle de l’acteur principal qui se prend, à son insu, à chercher un cadre. Ce n’est pas l’œuvre en tant que telle qui nous intéresse, mais plutôt le chemin vers l’œuvre, notre cheminement vers le point de vue (le point de vue idéal est aussi le point de vue privilégié, qui ne peut être occupé simultanément par une autre personne). Dans ce parcours, l’aspect ludique est indéniable. La personne qui a trouvé le point de vue, qui a compris le fonctionnement du dispositif, éprouve du plaisir. Ce plaisir ludique se transforme également en plaisir intellectuel.
A lire :
– Felice VARINI, Points de vue de Fabiola Lopez-Duran. Monographie aux éditions Lars Muller.
A voir :
– Pour plus de photos, visitez le site de l’artiste.
– DVD présentant l’artiste au travail.
Crédits photos – Copyrights avec l’aimable autorisation de l’artiste : Felice Varini. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant droits, et dans ce cas seraient retirés.