Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’étais tout petit, j’avais 7 ans. J’ai reçu une boite de magie « Kassagi Magie 2000 » comme cadeau de Noël. Et l’année suivante, j’ai eu une mallette à outils pour enfants, offerte par un de mes oncles. Les deux associés sont probablement à l’origine de mon activité actuelle.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Ce fut vers 9 ou 10 ans alors que j’étais en CM1/CM2. Sur mon initiative, j’ai présenté avec quelques camarades un petit spectacle pour l’ensemble de l’école. Puis, j’ai appris grâce aux livres (Internet n’existant pas) et bien plus tard, dans les années 80 avec des vidéos cassettes.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Les personnes et les opportunités se sont présentées bien plus tard, à partir du moment où j’ai décidé d’en faire un métier, vers 25/26 ans. Les personnes qui m’ont aidé à transformer ce passe-temps en activité professionnelle sont Georges Proust, Henry Mayol et Dominique Duvivier pour les Français.
Un évènement m’a un peu refroidi, vers l’âge de 15 ans quand j’ai voulu entrer dans le club de magie AFAP de Bordeaux. J’ai dû me soumettre à une espèce d’interrogatoire (concours d’entrée) pour accéder à ce cercle qui était composé d’une dizaine de personnes à l’époque. Je n’y ai trouvé que vanité et surtout médiocrité technique et artistique. En faisant des tours face à ces personnes, je me suis aperçu que mon niveau était supérieur au leur. Je n’y ai jamais remis les pieds.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Actuellement, je travaille dans des conditions assez peu confortables liées au fait qu’il est aujourd’hui difficile en France de développer, de façon conséquente, une activité professionnelle comme la mienne. Embaucher est désormais extrêmement couteux et s’avère particulièrement « dangereux » : c’est devenu aussi impliquant qu’un mariage ! Par ailleurs, les frais courants ont explosé depuis ces 10 dernières années.
Parlez-nous de votre entreprise Magikdata et de la magie technologique.
Que dire ? Je ne suis pas d’une nature à trop papoter à propos de l’entreprise que je dirige. Je préfère être dans l’action que le blabla. Ma principale motivation est de créer des choses nouvelles, essayé de mixer les technologies que nous connaissons dans notre vie quotidienne avec notre art plusieurs fois centenaire. Magikdata vient à la suite d’une longue liste de statuts et d’entreprises diverses et variées depuis bientôt 20 ans. Ce qui importe c’est le bonhomme qui est à la tête de ça. En l’occurrence, Bibi.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Il y a peu de prestations de magiciens qui m’ont marqué. Je pense que celui qui a su faire la synthèse parfaite entre technique, art, divertissement et mystification reste David Copperfield pour la magie de scène. J’avoue que ma culture n’est pas trop baignée par les magiciens ou les illusionnistes. C’est une partie de ce que je peux aimer mais ce n’est certainement pas l’essentiel de mon univers culturel.
Les prestations d’artistes qui me marquent le plus sont au delà : comme James Thierrée, Arturo Brachetti, les tous premiers spectacles du Cirque du Soleil sous la houlette du génial Franco Dragone, les spectacles dans la veine de Blue Man Group… Les magiciens en général ne me font pas particulièrement rêver.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Pour moi ce n’est pas une question de style mais avant tout de contenu, d’ambiance et de personnalités. Je serais davantage attiré par un artiste qui m’offre une histoire qui me nourrisse, qui m’interpelle, qui me fasse réfléchir avec à l’intérieur, pourquoi pas, des instants magiques. Et on peut faire naître beaucoup d’instants magiques sans pour autant recourir à l’illusionnisme.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Elles sont très nombreuses : cinématographiques, musicales, littéraires, picturales, architecturales, etc. Ce qui est absolument essentiel c’est de se nourrir le plus possible culturellement, artistiquement et intellectuellement. C’est la clé de voute pour posséder une personnalité riche et variée. Si vous voulez intéresser les gens, il faut que vous soyez… intéressant !
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Je crois que les conseils ne servent à rien. Ils n’impliquent que ceux qui les donnent. Donc sans pour autant conseiller, il me semble que le plus important est de bien se construire intellectuellement, émotionnellement et culturellement. C’est aussi très important de connaître l’histoire de la discipline dans laquelle on veut exceller. Il faut savoir d’où on vient pour mieux comprendre où on va. Je vois beaucoup de magiciens qui pensent avoir créé des choses qui sont en fait déjà existantes depuis des siècles ! Je crois à l’apprentissage par la pratique, d’une façon concrète. De plus, je pense que seule l’individualisation, la particularisation dans la création compte. Il faut rompre avec l’idée du magicien strictement interprète. Je crois qu’un magicien se doit d’être avant tout AUTEUR et interprète de ses propres créations plutôt qu’une simple photocopieuse, fut-elle même laser et couleur.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Ca recoupe tout ce que je viens de dire. A mon avis, la magie actuelle est divisée en deux camps : les Anciens et les Modernes. Les Anciens sont largement majoritaires, disséminés sur toute la planète, anesthésiant tout. Les rares Modernes sont essentiellement concentrés dans quelques poches de résistance telles l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, dans certaines villes américaines. Les Modernes sont des artistes pensant théâtre ou parfois « art global », mais qui ne sont pas forcément ouverts à des techniques contemporaines voire d’avant-garde. La modernité reste marginale même chez les Modernes. Beaucoup reste à faire en fait !
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
L’importance de la culture dans la magie est essentielle, comme dans toute forme artistique. C’est ce qui fait que vous vous particularisez, que vous sortez d’une masse pour devenir unique. Je crois qu’un être devient unique par la combinaison de ses choix et de ses goûts culturels dès l’enfance. Il y a une infinité de sources culturelles : tous les autres arts, les voyages, les rencontres, les expériences vécues… Tout cela forme pour moi une culture, une individualité. Et le but d’un artiste c’est qu’il soit fondamentalement unique au monde, afin qu’il attire l’intérêt, la curiosité chez ses consommateurs. Un artiste, s’il veut devenir abouti, est condamné à devenir unique et cela passe par son vécu personnel, son background, sa culture. Devenir artiste ou créateur, c’est accepter d’être le fruit d’une synthèse improbable et unique.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’ai beaucoup de hobbies, qui me permettraient de passer professionnellement de la magie à beaucoup d’autres domaines. La magie n’est qu’une partie minoritaire de mon univers. Niveau hobbies pratiqués, il y a la photographie, la réalisation (courts métrages, documentaires), l’écriture, les voyages, le commerce…
Ensuite il y a des centres d’intérêts comme le cinéma, la lecture, l’architecture, la poésie, la comédie musicale anglo-saxonne, etc. J’aime les rencontres, les coïncidences, j’ai besoin de me repenser sans cesse. Je crois qu’il n’y a rien de pire que de rester en terrain connu. Car c’est à ce moment là qu’on commence à mourir. Il faut se réinventer, avoir l’esprit le plus ouvert, le plus curieux et le plus avide possible de connaissances. Pour moi, la gourmandise est une clé fondamentale pour une vie réussie.
– Interview réalisée en avril 2014.
A visiter :
– Le site de Fabrice Delauré.