Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Quand j’étais enfant, on m’a offert des kits de magie pour lesquels j’ai toujours eu un intérêt particulier. Mon premier tour était probablement une routine de gobelets que mon père m’avait achetés au magasin Magic Masters à Atlanta, en Géorgie. Je ne me suis sérieusement lancé dans la magie qu’à l’âge de dix-neuf ans. J’étais un jongleur très sérieux au lycée et à l’université, et je travaillais sur scène tous les soirs dans un théâtre appelé The Comedy Barn à Pigeon Forge dans le Tennessee. Le théâtre avait des stands de souvenirs dans le hall, dont un magasin de magie. Le propriétaire des lieux a supposé que je devais connaître la magie puisque j’étais jongleur et m’a gardé derrière le comptoir. Un ventriloque travaillait également là et m’a appris mes premières techniques de cartes. Je suis alors tombé amoureux des cartes et depuis, j’ai un jeu de cartes en main tous les jours. Je joue toujours aux gobelets dans mes spectacles de bar et lors de concerts occasionnels en close-up, mais les cartes sont mon véritable amour.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Je pense que la première étape a été d’étudier la routine du jeu Svengali, puisque mon premier baptême du feu en tant que magicien s’est déroulé dans un magasin de magie où l’on vendait des tours pour débutants. J’ai dû apprendre à manipuler le jeu avec compétence, mais aussi comprendre quelles parties étaient étonnantes et trompeuses. À partir de là, il a fallu passer des gimmicks à la manipulation. J’ai eu l’avantage de pouvoir me produire devant des gens tous les soirs pendant environ une heure avant le spectacle, et j’ai appris à attirer le public avec des tours, puis à vendre des articles par la suite. C’était donc un bon booster de confiance.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir compter sur l’aide de nombreuses personnes au fil des années. Mon premier professeur de magie, Steven Knowles, m’a présenté non seulement de grands magiciens comme Steve Bargatze et Kevin King, mais aussi un homme très influent, Tom Vorjahan, qui allait cimenter ma relation avec IBM. Plus tard, au fur et à mesure que j’ai grandi en compétences et en confiance, des gens comme Jon Armstrong, Shawn Farqhuar, Joan Ceasar et Juliana Chen m’ont tous, à plusieurs reprises, pris à part et m’ont prodigué des conseils clés qui me permettraient non seulement d’aspirer à des niveaux plus élevés de compétences et de prendre des mesures audacieuses comme participer à la FISM. J’ai aussi eu beaucoup de chance de rencontrer des centaines de magiciens au fil des années qui sont devenus amis, ont partagé des morceaux de magie et m’ont dit des choses très gentilles. Mon conseiller Michael Feldman, Cate Osborn et Carisa Hendrix sont devenus de précieux co-conspirateurs dans un certain nombre de manigances à la fois magiques et créatives dont je ne pourrais pas me passer aujourd’hui. Les deux personnes les plus influentes pour moi sont ma partenaire amoureuse Leslie et mon partenaire créatif et commercial Nick Locapo. C’est Leslie qui m’a poussé à faire de la magie un métier et pas seulement un passe-temps. Utiliser les compétences que j’ai développées en tant que comédien et écrivain et transformer celles-ci d’une passion en une carrière magique réussie. Nick Locapo m’a appris tout ce que je sais pour être un bon « intendant » de la magie pour la communauté et comment enseigner la magie par le biais de la vidéo. Sans lui, je n’aurais pas pu apporter ma contribution à la conversation sur la magie que j’ai.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Je suppose que si je devais faire une véritable auto-évaluation de mes compétences, ce serait ma volonté de faire des tours difficiles et exotiques avec des cartes dans des conditions difficiles. Il y a de nombreuses années, j’ai pris la décision personnelle de présenter mon spectacle non pas comme de la magie, mais comme une démonstration de savoir-faire pour laquelle le public n’a aucune explication. Cela m’a libéré des limites de la présentation des choses et m’a donné l’occasion de faire des erreurs. Quand quelque chose ne fonctionne pas, ce n’est pas parce que ce n’est pas magique, c’est parce que je suis humain et que je fais des choses d’intéressantes qui comportent des risques. Cela crée des enjeux dans lesquels le public peut s’investir à tout moment. Je pense que je suis aussi beaucoup plus étroitement « scénarisé » que de nombreux magiciens ne le pensent. Lorsque j’étudiais l’écriture comique à l’université, j’ai appris un concept appelé « spontanéité apparente ». C’est l’art de donner l’impression que quelque chose vous arrive pour la première fois. C’est ce qui rend les acteurs si convaincants, et les « comiques de stand-up » semblent raconter une blague pour la première fois. Dans ma magie, j’ai travaillé très dur pour donner l’impression que ce que je fais est spontané et me vient à l’esprit sur le moment. J’ai été pour cela félicité par les magiciens et les critiques pour mes capacités d’improvisation. Ce que je n’ai pas vraiment « fait » témoigne de la façon dont j’ai travaillé dur sur mon apparente spontanéité. En ce qui concerne mes spectacles. J’ai une formule close-up d’une heure utilisant un seul jeu de cartes, des caméras et du matériel de projection afin que je puisse la présenter devant un théâtre d’environ cinq cents personnes. J’ai également un numéro de salon dans le style « comédie stand-up » avec lequel je tourne régulièrement. Il est également fortement basé sur des cartes et il y a un canard menaçant qui fume une cigarette.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Il est impossible de mentionner mes travaux sans y voir l’influence évidente de Lennart Green. Son apparition dans World’s Greatest Magic IV a eu une profonde impression sur mon travail cartomagique. Simon Lovell a également été une de mes premières influences, tout comme Jon Armstrong et Slydini. Sur scène, je suis tombé amoureux des œuvres d’incroyables manipulateurs comme Juliana Chen, JunWoo Park, Artem Shchukin, Lance Burton et Farrell Dillon. Même si je ne fais pas de manipulation, j’y pense beaucoup et j’essaie de la laisser influencer certaines des méthodes de mon spectacle de stand-up. En dehors de la magie, mon travail de comédien est fortement influencé par Eddie Izzard, Dylan Moran, Patton, Oswalt, Lewis Black et un large éventail de comédiens politiques et satiristes qui m’ont donné le goût de jouer avec le langage.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
La cartomagie a toujours été mon véritable amour. J’aime travailler des effets classiques et les associer à des concepts fascinants qui font que le public les perçoit comme un tour différent. Ma routine The Mandella Effect mixte une routine de cartes voyageuses avec un effet d’huile et l’eau comme pour un résultat multidimensionnel hallucinatoire. J’adore aussi regarder des manipulations de cartes et je suis un fan inconditionnel de la magie des colombes. Pas à cause de mon amour des animaux. C’est parce que lorsque vous voyez une colombe apparaitre, vous savez qu’il y a un humain debout sur scène avec une douzaine d’oiseaux supplémentaires dans son pantalon et cette pensée me rend hilare !
Quelles sont vos influences artistiques ?
Artistiquement, je pense que je suis probablement plus influencé par la satire moderne. Les scénaristes de The Daily Show, Last Week Tonight, The Late Show avec Seth Meyrs et le bulletin d’information Weekend Update de l’émission Saturday Night Live. Ils font véritablement partie des gens les plus avant-gardistes dans ce domaine. La façon dont ils sont capables de découper l’actualité du jour, en faisant des blagues à ce sujet, et de continuer à être informatif sans déformer ce qui est important pour le rendre méconnaissable, est une écriture impressionnante.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Rejoignez un club de magie local ! Ouais, c’est peut-être plein de « vieux » qui savent tout, mais certaines choses sont primordiales ! Notre passé et notre histoire sont importants et peuvent être un outil vital pour atteindre très rapidement un niveau élevé. Les jeunes magiciens d’aujourd’hui sont bien meilleurs que les jeunes magiciens du passé parce que nous avons répété et appris à enseigner la magie de mieux en mieux. Nous nous appuyons sur les épaules de ceux qui ont travaillé avant nous. Faites attention à ces « vieux », car vous allez faire avancer leurs histoires tout comme la prochaine génération fera avancer votre histoire. Aussi, apprenez tout. N’écoutez pas les gens qui insistent sur le fait que la magie doit être pratiquée d’une manière spécifique. Chaque bon magicien a une approche spécifique qui lui convient. Qu’il s’agisse de la façon dont ils abordent la magie, traitent le public ou exécutent leurs tours. Un de mes meilleurs élèves fait des faux mélanges de manière très différente de moi, parce que nos mains ont une forme différente. Reprenez une idée de quelqu’un d’autre et adaptez-la à votre personnalité. Et surtout : jouez ! Car plus vous jouez avec votre magie, plus vous vous amusez avec, plus vous grandirez en tant que magicien et développerez de nouvelles choses.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie est plutôt bien perçue en ce moment. Je pense que le côté commercial et industriel dans lequel je travaille se trouve dans une situation étrange. Nous avons identifié et combattons le piratage qui nuit réellement aux créateurs. Malheureusement nous ne sommes pas une industrie assez grande pour y faire face aussi directement et efficacement que le sont la musique ou le cinéma, mais je pense que nous sommes en train de le comprendre. Le consommateur de magie commence également à comprendre non seulement la morale, mais aussi les impacts financiers du piratage sur ses « créateurs préférés », et l’attitude du public change. La magie créée aujourd’hui par des créateurs de premier ordre est vraiment intéressante. Certes, à un certain niveau, cela reprend d’anciens procédés, mais les rend pertinents en rendant certains effets possibles grâce à de nouveaux matériaux et procédures de fabrication qui n’avaient jamais été possibles auparavant. La publication assistée par ordinateur a permis de publier beaucoup de choses et surtout de les partager à travers le monde. Je pense qu’au moment d’écrire ces lignes, la magie commence tout juste à entrer dans une meilleure relation avec l’ère de l’information et à découvrir les nouvelles règles qu’elle doit respecter. De la même manière que la magie a dû négocier avec le fait que les VHS et les DVD soient devenus les supports privilégiés pour partager et transmettre notre art, nous devons le faire avec Internet. Je crois que nous commençons à être dans une bonne relation avec ce moyen de communication.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture est une chose fascinante à laquelle penser avec la magie. Maintenant que j’ai participé à des compétitions magiques de très haut niveau et que j’ai été confronté à certains des meilleurs magiciens du monde entier, c’est fascinant de constater par quoi différents groupes dans différents pays sont attirés. Vous pouvez voir comment une mode ou un style de magie particulier s’emparent réellement d’un groupe de magiciens d’une manière presque virale. Comment ils s’influencent mutuellement et renforcent des thèmes et des méthodes particuliers. De temps en temps, il y a une exception dans un groupe qui est fasciné par une culture différente et qui est assimilé par le groupe dans son ensemble. Voir les magiciens du monde entier s’influencer mutuellement est une chose vraiment fascinante.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Je suis un passionné de combat de robots. J’aime les regarder non seulement dans les grandes émissions comme Battle Bots, mais aussi dans des catégories de poids inférieures comme NHRL et Bristol Bot Builders. J’apprends à construire le mien ! Apprendre la science et l’ingénierie qui se cachent derrière cela est vraiment amusant. Je suis également photographe amateur avec une spécialisation en photographie animalière. Lego est aussi un compagnon constant dans ma vie. Travailler et construire des ordinateurs personnalisés est également une passion depuis un certain temps. Assembler et fabriquer des choses est très amusant pour moi. Qu’il s’agisse de rénover ma maison, de construire un meuble, de réparer un objet cassé dans ma maison ou d’apprendre à programmer les ordinateurs Rasberry Pi pour pouvoir automatiser ma maison. J’aime faire beaucoup de trucs !
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Interview réalisée en février 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Erik Tait. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.