Artiste plasticien, sculpteur, photographe et vidéaste, Edouard Sautai est un adepte des illusions d’optiques et des trompe-l’œil. Son travail se développe autour de l’illusion dévoilée qui devient un jeu ludique avec l’observateur. Découvrant les ficelles de ses théâtres miniatures, le public est mit dans la confidence et devient ainsi acteur du processus de création. Sur ce point, l’artiste développe, dans l’exposition de Beaubourg, un concept d’ateliers interactifs et ultra ludiques destinés aux jeunes mais aussi aux adultes. « L’œil sur l’échelle » est l’occasion d’expérimenter par soi même, le travail que l’artiste met en place.
Théâtre optique à ciel ouvert :
Comme le vidéaste Pierrick Sorin, Edouard Sautai crée des petits théâtres d’illusion. Mais contrairement à Sorin, il ne reste pas enfermé dans un studio pour monter son décor, mais photographie ses saynètes en extérieur. Les deux artistes peuvent être comparés à deux cinéastes qui développent leur univers illusoires vers deux visions du monde différentes, l’un étant un illusionniste théâtral (du théâtre filmé) et l’autre un illusionniste réaliste, un néoréaliste faisant fusionné l’artifice et la vérité. Mettant en place un dispositif optique élaboré, Sautai poursuit les recherches des artistes de la renaissance sur la perspective. Il élabore des « tableaux » où le point de vue a une importance capitale pour créer l’illusion. Lignes de fuite, travail des plans et des échelles sont au cœur de ses travaux préparatoires et de ses workshops avec différentes écoles où il fait expérimenter à des enfants et des ados les lois de la perspective, la création d’images par le procédé de la camera obscura ainsi que la construction de décors miniatures pour servir de toile de fond à un spectacle théâtral.
Wangshimni (2003). Série Séoul 98 x 120 cm.
Influences :
Sous sa légèreté apparente, l’œuvre de Sautai convoque plusieurs mouvements artistiques passant de l’art de la miniature au Land Art. Tout d’abord, il confectionne une maquette qui prendra place, plus tard, dans un décor situé en extérieur. Cette maquette est constituée le plus souvent avec des matériaux et des objets trouvés sur les lieux même de la prise de vue. Son travail en devient conceptuel et se rattache aux grands artistes du In Situ (dans et pour le lieu) que sont Daniel Buren ou Felice Varini. Mais c’est avant tout au Land Art que les œuvres de Sautai trouvent un véritable écho. Si ce mouvement des années 1960 n’utilise que des matériaux naturels et le cadre de la nature, les œuvres deviennent éphémères et n’existent que par leur souvenir photographique comme les montages de Sautai. Le Land Art privilégie les installations monumentales comme celle de Robert Smithson. Edouard Sautai se dirige lui vers le monde miniature confronté au cadre du réel. Ainsi macrocosme et microcosme fusionnent en une seule image. Les photographies les plus représentatives de ces influences sont celles de la série « Cabanes » réalisées en noir et blanc en 2002 en pleine nature. Le plasticien garde du Land Art sa philosophie première, à savoir une véritable expérience liée au monde réel et un ancrage dans la réalité de l’instant.
Cabane 4 bord de l’aire (2002). 33x48cm.
Récupérant les éléments qui constitueront la photo finale, Edouard Sautai suit certains principes des Nouveaux réalistes. Le groupe d’artistes fondé en 1960 par le peintre Yves Klein préconisait l’utilisation d’objets prélevés dans la réalité de leur temps. Ces conceptions s’incarnaient notamment dans un art de l’assemblage et de l’accumulation d’éléments empruntés à la réalité quotidienne. Les artistes reprennent les objets de la société pour en faire des reliques, des symboles puissants de la consommation. On constate également la disparition du matériau noble. Edouard Sautai n’utilise pas de bronze, de pierre, mais des matériaux industriels et de récupération. Ses maquettes s’apparentent à des bricolages et des assemblages poétiques. Derrière cet agencement on sent la patte de l’artisan qui donne à la photo finale une réelle sensibilité, un geste artisanal à la Méliès.
Vielle montagne (2007). Série Creil 120 x 98 cm.
L’enfance de l’art :
Quand on est face à une œuvre d’Edouard Sautai, un pan entier de l’enfance ressurgit. Nous sommes pris dans un énorme jeu de rôle et de société. Qui, enfant, ne s’est pas fabriqué toutes sortes de jeux imaginaires, de scénarios improbables ? Qui n’a jamais bricolé des objets avec des matériaux de fortune ? Sautai nous ramène tous à l’enfance de l’art. Jouer avec le monde, s’inventer des vies imaginaires, faire se confronter des univers antagonistes et s’amuser avec les valeurs communes (la maison et la voiture par exemple). Pour cela il utilise des jouets, des constructions de formes surdimensionnées, ou des miniatures. Que seraient ces assemblages sans règle du jeu ? C’est grâce à ces contraintes que les travaux d’Edouard Sautai sonnent juste et sont si attachants.
Installation A86 à Choisy (2006). 120 x 98 cm.
Une plongé ludique dans la création :
Autour des photographies grand format de l’artiste et des projections de ses vidéos, on retrouve des espaces de jeux divisés en deux parties. Le Perdimètre à l’échelle et le Perspectoscope panoramique. Ces installations entretiennent des liens particuliers avec les jouets optiques développés au XIX ème siècle, précurseurs du cinéma et générateurs d’illusions mouvantes. On pense également aux théâtres de perspective et aux panoramas optiques du XVIII ème siècle. Le Perdimètre à l’échelle est une astucieuse installation qui permet de construire une image hybride, filmée par une caméra et retransmise en directe sur un écran vidéo. Sur une structure pyramidale, le public est invité à disposer des modèles réduits ainsi que des jouets pour constituer le tableau de leur choix par un jeu d’échelle et de niveau de mise en place. Le résultat devient vite étonnant et est modulable à l’infini. Le Perspectoscope panoramique permet aux visiteurs de réaliser eux mêmes leur propre montage photographique grâce à des éléments de maquette mis à leur disposition, ainsi qu’un décor en forme de toile de fond nommé Panorama urbain. Une fois la maquette constituée, un chariot mobile quadrillé sert de travelling pour déterminer le point de vue souhaité. Le visiteur est alors invité à prendre en photo sa réalisation avec son appareil ou son téléphone portable et à envoyer le résultat à l’artiste pour qu’il diffuse les meilleurs montages sur son site.
A voir :
– L’exposition « L’oeil sur l’échelle », s’est déroulé du 20 février au 30 juin 2008 au centre Pompidou à Paris.
A visiter :
– le site d’Edouard Sautai.
Crédits photos – Documents – Copyrights avec l’aimable autorisation de l’artiste : © Edouard Sautai. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.