Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Je suis entré de plein fouet dans la Magie ! Du coup nous avons dû faire un constat… Le constat de l’immensité du Monde
qui s’ouvrait à moi. Essayez d’imaginer un petit garçon de 7 ans qui traverse pour la première fois le miroir. Tout mon être fut traversé par cet étrange mélange d’euphorie et de déception mais l’euphorie prit le dessus… Of Course ! Si mes souvenirs sont bons, le premier déclic fut le cinéma. Je garde en mémoire les instants magiques vécu en regardant Fantasia ou bien Merlin l’enchanteur ou encore Peter et Elliot le Dragon.
Le cirque aussi est à l’origine de ma passion. J’ai toujours adoré les numéros visuels et l’ambiance de fête foraine. Je me souviens très bien de cette fois où un cirque est venu dans mon village. Ma mère m’emmena voir le spectacle et au moment de l’entracte, il y avait un genre de tombola. Il fallait acheter des nougats et dans l’emballage de certains d’entre eux, il y avait un ticket gagnant un peu comme dans Charlie et la Chocolaterie. Ces fameux tickets gagnants vous permettaient de repartir avec un lot. En bon scorpion qui se respecte, je fus têtu au point de faire acheter à ma mère au moins 27 nougats pour repartir avec une magnifique épée en plastique
qui allait me servir par la suite à martyriser mon petit frère. Et enfin, le caractère mélomane de mes parents à éveillé mes sens et mon goût pour la musique qui aujourd’hui encore est à l’origine de bon nombre de mes créations.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Le premier pas ? J’étais dans la lune. Je rêvais à ma carrière internationale de grand magicien et je tentais, tant bien que mal, d’impressionner copains, copines, cousins, cousines. Il faut dire que la fameuse boîte de Magie, « Walt Disney » pour ne pas la citer, reçu à l’âge de 7 ans m’a permis de remplacer cailloux, feuilles, élastiques et trombones par des accessoires un peu plus à propos… quoique ! L’apprentissage il s’est fait seul dans ma chambre qui était devenu ma « Batcave ». Je suis devenu un guetteur et j’ai en quelque sorte commencé à faire de la veille magique. Dès que je pouvais voir, entendre ou lire quelque chose qui avait un rapport de près ou de loin avec la magie, je sautais dessus. J’ai appris en regardant les émissions TV de Gérard Majax, en lisant en boucle le livre de Patrick Page qui a dû être édité sous différentes formes au moins 1270 fois et en regardant mon père couper son pouce en deux pour ensuite le reconstituer.
Ma famille savait que j’étais un passionné de magie et à chaque anniversaire, fête ou Noël, la demande était la même. C’est comme ça qu’un jour on m’a offert ma première cassette vidéo réalisée par un magicien rouennais. Cela ma permis de franchir une nouvelle étape et par la même d’user la cassette et le magnétoscope.
Et puis vint la première boutique magique, Mayette Magie Moderne, et le premier achat important… « Le Cours Magica de Robert Veno« . Bref, pas de prof, pas de grand-père magicien, pas de grand-père du tout d’ailleurs et pas d’école de sorcier. J’aime dire que je suis un « Autodémerdidacte »… Je me suis démerdé tout seul, comme un grand…qui a su rester petit dans sa tête.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-il freiné ?
Les personnes, il y en a eu quelques unes. Les opportunités, je les ai créées. Il y a une personne à qui je dois rendre hommage, c’est Bruce Addams, un magicien rouennais. Il m’a mis le pied à l’étrier, du moins encore plus qu’il ne l’était déjà. Je devais avoir 12 ans à l’époque et son savoir à lui était déjà beaucoup plus important que le miens. Il me montrait des tours sans me les expliquer et moi je me creusais la tête pour essayer de comprendre et refaire ce qu’il m’avait montré. Le jour où il comprit que j’étais un véritable passionné et pas seulement un curieux de passage, il m’a alors ouvert sa caverne d’Ali Baba. Il a fait mon éducation magique et c’est lui qui m’a parlé de cette fameuse boutique Mayette Magie Moderne.
Par la suite j’ai croisé le chemin de nombreux magiciens. J’étais un chasseur, je les traquais. Mais un en particulier allait retenir mon attention, Hugues Protat. Cet homme n’a pas été mon professeur car il ne m’a jamais donné de cours au sens où on l’entend. Et pourtant, c’est lui qui m’a tout appris ! Quand je dis tout c’est parce qu’il est allé bien au-delà de ce que l’on peut espérer, il est indéniablement mon Mentor. Le simple fait de pouvoir le regarder travailler régulièrement m’a permis d’en apprendre bien plus que si j’étais resté seul dans ma « Batcave ». Il m’a donné de précieux conseils que je m’efforce encore aujourd’hui de suivre et puis il m’a donné ma chance. Il a su me lire et voir en moi le potentiel. Il a de manière inconsciente été mon Nietzsche le jour où il m’a dit « Deviens qui tu es » avec ses mots à lui et pour tout ça je lui dis un grand MERCI.
Il était temps qu’il se pointe le Hugues Protat car peu de temps avant notre rencontre, Bruce Addams et moi-même avions rencontré le fameux magicien de ma première VHS. Au dos de la cassette, il y avait ses coordonnées. Je lui ai donc écris. Ce jour là, j’aurai dû m’abstenir ! Je vous passe les détails mais son comportement et son attitude auraient pu me dégoûter de la magie. Heureusement que je suis têtu… et oui vous vous souvenez… Scorpion !
Par la suite j’ai rencontré deux autres personnes sur mon chemin qui ont eu une importance dans ma vie magique et qui ont contribué à ma bonne croissance d’illusionniste en herbe. Il s’agit de François Normag, l’ami d’enfance d’Hugues Protat et de Spontus, notre inventeur de génie à nous les magiciens. François m’a mis sur la voie, celle de la bonne magie, la magie mise en scène, qui a du sens. Entre François et moi c’est une vieille histoire qui prend racine il y a fort longtemps… Au Moyen Age. Ah le Moyen Age, quelle époque formidable. Désolé mais pour comprendre cette « private joke », il faudra aller voir François en spectacle.
Et quant à Spontus et bien ce fut également une rencontre heureuse et magique. Il m’a aidé à parfaire ma culture magique et a toujours été de bon conseil. On peut dire en quelque sorte qu’il est aujourd’hui mon acolyte. Il nous arrive très régulièrement de nous associer pour faire des bêtises magiques.
Voici les principaux personnages magique que vous retrouverez dans ma biographie lorsqu’il me prendra « la mauvaise » idée de l’écrire. Et depuis j’ai fait de très belles rencontres, notamment grâce au Festival International des Magiciens du Domaine de Forges les Eaux en Normandie organisé par Hugues et François et auquel je participe régulièrement depuis presque 10 ans.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Dans toutes les conditions à condition que les bonnes conditions soient réunies. Je suis un commando à moi tout seul. Je suis aujourd’hui magicien humoriste et cela me permet de présenter mon univers dans presque toutes les conditions pourvu qu’on me voit et qu’on m’entende.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
La liste est trop longue. Mais tout de même je me dois de citer un magicien car il est le premier souvenir que j’ai de magicien en vrai. Il s’agit de Mickael Vadini que j’avais vu à l’époque au Musée Grévin. J’étais resté littéralement subjugué par sa magie qui m’avait semblé si pure. Depuis j’ai eu la chance de travailler à ses côtés et ce fut un pur régal. Mais je pourrai en citer beaucoup d’autres et au risque d’en oublier certains je ne préfère pas entamer la longue liste.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
La magie comique bien sûr ! Mais j’aime aussi beaucoup la magie pour enfants, le close-up, le mentalisme, la magie de rue, la manipulation. Je suis un peu moins fan de l’univers des grandes illusions mais Spontus me soigne.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Elles sont nombreuses et variées. En vrac, Chaplin, Buster Keaton, Monty Python, Christopher Nolan, Alex Proyas, David Lynch, Tim Burton, David Cronenberg, le Cirque du Soleil, les clowns en général, les humoristes, ma famille, la musique, la vie…
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Je conseillerai à un magicien débutant de prendre le temps et de ne pas brûler les étapes, même si c’est tentant. Aujourd’hui, la nouvelle génération a très facilement accès à l’information, peut-être trop d’ailleurs. Ce qui fait que je suis moi aujourd’hui, c’est parce que j’ai en parti appris seul et du coup le chemin fut beaucoup plus long. Mais au final je ne regrette rien, bien au contraire.
Il faut s’ouvrir sur toutes les différentes formes d’Art. Être curieux mais intelligemment. Écouter les conseils, les bons conseils et pour ça il faut
d’abord apprendre à les reconnaître. Lire, lire, lire… La lecture d’ouvrages magiques et théoriques développera votre imaginaire bien plus qu’un DVD de masturbation cartomagique « tendance ». Sortez de chez vous et allez voir des spectacles en live dans les théâtres, dans les rues…. Partout ! Et surtout, prenez, jeunes padawan, le temps de réfléchir à ce que vous faites, pourquoi vous le faites et comment.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Un regard critique. Je pense que la magie se porte bien mais restons prudents. C’est un Art qu’il faut respecter et entretenir, un peu comme un jardin. Il faut en prendre soin. Je pense que la magie c’est comme la mode, un éternel recommencement. Il y aura toujours du bon et du moins bon. Espérons que les bons seront toujours plus nombreux que les moins bons pour tirer notre Art vers le haut. Après je ne parlerai pas de ces nouvelles étiquettes qui on fait leur apparition récemment comme le label « magie nouvelle » qui est à mon sens une mascarade. Je n’utiliserai pas l’appellation « magie nouvelle » mais plutôt « magie autrement ». Ce qui est important je crois c’est d’essayer d’évoluer avec son temps et d’être à l’écoute du public et aussi parfois d’éduquer les spectateurs et tout ça sans oublier nos pères qui ont déjà fait beaucoup, bien longtemps avant nous.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
C’est crucial à mon sens. La culture nous apprend à être humbles. Elle nous apprend aussi à respecter les créateurs, les auteurs et à ne pas piller leur travail en toute impunité. J’essaye toujours dans mes spectacles d’éduquer un peu les spectateurs, de leur faire découvrir notre univers et les grands Maîtres qui nous ont
précédé. Quand je vois aujourd’hui un magicien qui se dit créatif et qui gagne sa vie en pillant le travail d’autres qui sont encore en exercice, ça me révolte ! Je me dis, soit c’est un manque total de culture magique et c’est dommage, soit c’est de la malhonnêteté et c’est pire. « La jeunesse doit non seulement assimiler tout ce qu’a créé la vieille culture, mais élever la culture à une hauteur nouvelle, inaccessible aux gens de la vieille société. » Constantin Stanislavski.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La musique, je suis batteur depuis une vingtaine d’années, je chante aussi, enfin j’essaye. J’adore la photo, même si je ne pratique pas comme j’aimerai. La cuisine. Je débute encore mais avec un père qui a travaillé pendant plus de 20 ans dans la restauration, ça laisse des traces. Les voyages et l’écriture. Sinon j’ai pleins d’autres hobbies ridicules mais pour les connaître, il faudra venir voir mon One Man Show Quelle vie ?! dans lequel je suis plus humoriste que magicien. Je vous rassure j’ai aussi des hobbies complètement inintéressants mais pour les connaître il faudra venir voir mon One Man Show DRACO se lâche à 100% dans lequel je suis autant magicien qu’humoriste.
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Interview réalisée en septembre 2011. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Amélie Lequesne / Draco. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.