C’est avec un très grand enthousiasme que je me rendis à la dernière représentation de David Copperfield en France, nourri d’espoirs les plus fous !
N’ayant jamais eu l’opportunité de le voir « en live », mon attente était à la hauteur de sa réputation. Avant le spectacle, des bruits couraient sur la médiocrité de sa prestation, entretenus par la presse et les journaux télévisés. Mais rien à faire, faisant la sourde oreille, je restais persuadé que Copperfield allait nous épater avec ses illusions à couper le souffle. Surtout j’attendais avec impatience son numéro hallucinant du laser Cut in half de Steve Fearson, où il finit coupé en deux.
Arrivé une heure avant le début du show je me rendis compte de la petitesse du zénith ; un espace visiblement mal adapté aux grandes illusions, et encore moins aux Méga illusions. Autre alerte, le défilement sur trois écrans géants de phrases vantant toutes les distinctions que reçu Copperfield dans sa carrière (Une légende vivante, le magicien du siècle, Star du Hollywood Walk of Fame, 21 Emmy awards, Golden rose awards, etc.) pour s’auto congratuler de la sorte il faut être le meilleur et surtout assurer un max derrière.
Le spectacle :
Avant l’arrivée du « meilleur magicien du monde » une boite en plexiglas est suspendue au dessus de l’avant scène (elle servira pour le « super tour qui tue » à la fin du spectacle). Noir dans la salle et projection sur les trois écrans d’images cosmiques accompagnées d’un commentaire ad hoc style « Imaginez que … tout est possible… ». Après ce prologue stéréotypé vient l’entrée de la star.
1- Apparition de Copperfield sur une moto
Une énorme caisse à apparition est disposée sur scène, les quatre faces sont fermées une à une et le bruit d’une grosse cylindré se fait entendre suivi de l’apparition du magicien. Un classique efficace.
2- Twisting hands
Copperfield se présente au public dans sa langue, doublé en français par un traducteur en live. Il nous demande de positionner nos mains de telle façon qu’il est impossible par la suite de faire pivoter nos poignets ; sauf pour lui. Un tour archi vue et réalisé par la majorité des magiciens de la planète.
3- L’île de la Jamaïque
« Fermez les yeux et imaginez vous ailleurs dans un autre pays » Par ses paroles, Copperfield nous met en condition pour l’effet final en nous présentant par vidéo projection une île en Jamaïque (ou se trouve une deuxième équipe).
4- A travers le métal
Le magicien présente sur scène quatre assistants et demande à deux spectateurs d’examiner une énorme plaque d’acier suspendue à la verticale. Copperfield s’installe alors sur une structure métallique recouverte par la dite plaque. Des caméras filment la scène en retransmission directe projetée sur les écrans géants pour multiplier les points de vues (latéraux et fond de scène). Un voile est placé sur la structure et, comme pour l’illusion de la muraille de Chine, le corps du magicien traverse doucement la matière jusqu’à se retrouver sur la plaque métallique après avoir enlevé le voile. Une grande illusion efficace.
5- L’île de la Jamaïque
Une spectatrice est choisie dans la salle après avoir lancé un freesbee (méthode qu’il emploiera tout au long du spectacle utilisant par la suite des « ballons d’acier »). La spectatrice choisie au hasard, se dessine sur un tableau tendu par le magicien et impose sa signature à côté. Une connexion est retransmise avec l’équipe de la Jamaïque, alors qu’un enfant, choisi lui aussi par hasard, se voit confier la mission de surveiller le dessin en restant à ses côtés.
6- L’immaculée conception
Copperfield demande si il y a un volontaire dans la salle pour porter son bébé ! « L’aventure d’une nuit ». Une spectatrice est choisie par ses soins et par une mise en scène sommaire (apparition de fumée derrière son dos) il fait mine de l’avoir mis enceinte. Une mallette lui est remise sur scène ou il fait apparaître un bocal de cornichon géant !? Il en lance deux dans la salle qui détermine deux volontaires qui montent sur scène pour choisir librement (avec forçage) le sexe de l’enfant, son prénom, et une carte !???, le tout marqué sur un grand carnet tenu par le magicien. Celui-ci révèle la prédiction sous forme d’un faire part géant placé sur scène plus tôt, et tout correspond. Vient ensuite une infirmière qui prend une échographie de la spectatrice « enceinte ». Retransmis sur l’écran on voit apparaître un bébé qui réagit aux paroles du magicien, jusqu’à révéler, en climax final, la carte choisie par la spectatrice. Un numéro complètement incohérent !
7- Webster le canard
Apparu sur scène au début, le canard refait surface. Webster est la mascotte de Copperfield depuis ses débuts (un genre de fil rouge). Il est cette fois ci prit par le magicien, qui au passage en profite pour le faire pisser sur le public (du bon goût).
8- L’homme qui rétrécit
Copperfield nous emmène dans son « atelier secret ». Il effectue une illusion, encore une fois, achi connue où placé dans une caisse il rétrécit par étapes avant de reprendre sa taille normale. La mise en scène inexistante rend le numéro anodin.
9- Auto promotion de 10mn
Vient un moment surréaliste où Copperfield s’éclipse pour faire place à une auto promotion projetée sur les écrans géants. On nous martèle que c’est le plus grand, le meilleur de tout l’univers ! On nous montre ses plus grands tours devenus mythiques (l’Orient Express, la muraille de Chine…). Il a vendu plus de places que n’importe quelle rock star ! Et cerise sur le gâteau, c’est un grand humaniste car il réalise des actions en faveur des enfants hospitalisés (le project magic). Les numéros qui seront projeté sous nous yeux seront plus intéressants au final que ce qu’on aura vu sur scène, un comble ! Devant tant d’arrogance je me sens plongé dans la résiliation et la déception pour la suite du spectacle.
10- Le scorpion
Deux spectatrices sont choisies, elles tiennent une boite où se trouve un scorpion. Copperfield fait choisir une carte à l’une d’entre elle après qu’elle est mélangé le jeu. Celui ci est éventaillé, et le scorpion retrouve la carte choisie en la tirant, suspendue, par une de ses pinces.
11- Le loto
Un film de 5 mn est projeté, sur une musique sirupeuse, en hommage au père de Copperfield. Il retrace sa carrière et sa vie dont les rêves ont, très vite, été brisés (sic). On apprend que son père aimait jouer au loto, mais qu’il n’a jamais gagné. Pour conjurer le sort, une prédiction est suspendue dans la boite en plexi du début du spectacle. Trois personnes sont choisies une à une dans le public au hasard et donnent respectivement deux numéros entre 1 et 50, ainsi qu’une information personnelle (slip ou caleçon, dernier rapport sexuel, mois et jour de naissance). Un spectateur récupère les clés de la boite qui est descendue doucement, il l’ouvre et le magicien en retire la prédiction qui correspond avec le choix des spectateurs. Puis il sort deux plaques de voiture gravées avec les numéros choisis ! Pour conclure en crescendo, les spectateurs forment une chaîne humaine sur scène en cercle et en dessous de deux piliers qui, après avoir été recouverts d’un voile opaque, révèlent une voiture cabriolet (celle que son père rêvait de s’offrir). C’est le meilleur tour du spectacle. Même si l’histoire est tire larme et très « American Dream » (à la Frank Capra), la construction en crescendo, la justification et la présence d’une époustouflante grande illusion en final, vaut un bon point.
12- Webster le canard
Revoilà le canard pour un tour de transposition. Disparition dans « une caisse à disparition » classique et réapparition dans un seau tenu par un spectateur (au préalable montré vide). Un spectateur (compère) dans la salle lui demande de le refaire au ralenti. Copperfield s’exécute et met en scène une marionnette du canard, puis un assistant vient subtiliser la bête pour la placer dans le seau qui réapparaît en chair et en os. Tout ça dans un humour décalé et assez divertissant ; mais comme dirait l’autre « ça casse pas 3 pattes à un canard ».
13- PORTAL, L’île de la Jamaïque (final)
Enfin, on arrive au « big final » comme l’annonce Copperfield et accrochez vous pour suivre ! Le tableau signé du début, comportant un dessin, est complété par la signature de l’enfant qui le surveillait. Le tout est pris en photo avec un autre groupe de spectateur comme preuve. Vient alors sur scène une personne qui a soit disant écrit à Copperfield pour lui demander de retrouver son père en Jamaïque (son rêve). Ils prennent place sur une passerelle qui surplombe le public de la salle et disparaissent en un éclair (très belle illusion pour le coup !) pour réapparaître en Jamaïque par retransmission vidéo. Le spectateur sort de sa poche la preuve de l’immédiateté de la transposition en montrant la photo prise sur scène 2 mn avant (beau montage vidéo qui donne l’illusion de la continuité dans la scène) et Copperfield montre les deux lettres marquées précédemment sur son bras par la spectatrice dans la salle. Pour finir le magicien réapparaît au milieu de la salle avec une poignée de sable…jamaïcaine bien entendu ! Voilà !… Au final, la surenchère d’informations et la multiplication des spectateurs sur scène rendent le tour inefficace et brouillon. Plus rien n’est étonnant, ce qui est un comble pour un effet qui se veut « Killer ».
14- Thirteen. Disparition de six spectateurs sur scène
Dans une grande bonté, Copperfield nous gratifie d’une dernière grande illusion, complètement inutile et risible. Mainte fois présentée, ce truc choucrouteux prenant pour cobaye des spectateurs (6 au lieu de 13 pour cette représentation ?), est ici bâclé. Le comble c’est qu’on voit le truc !!!
Les spectateurs ont pu apprécier Cut in half…en extrait vidéo !
Conclusion
Fin du spectacle qui a duré 1H30. Dont une heure de blabla et au final trois grandes illusions à tout casser. Autant dire une grande désillusion. J’ai l’impression d’avoir vu un autre magicien, cynique et narcissique, presque désabusé. Dommage pour moi et les autres spectateurs qui n’ont pas eu l’honneur de ses dernières grandes illusions qui ont fait du bruit lors de sa précédente tournée « Tornado on fire » (Cut in half, La petite culotte zombie, The voyeur). Copperfield serait-t-il fâché avec notre beau pays après dix années d’absence ? Même si l’humour et le sens du contact sont présents, le choix d’un répertoire axé essentiellement sur la participation outrancière des spectateurs a desservi le show, ainsi qu’un manque flagrant de transition entre les numéros et de sens en général. C’est une grosse déception donc, qui remet les pendules à l’heure et qui place David Copperfield dans la pente descendante. Espérons que ce ne soit qu’une baisse de régime passagère et qu’il nous revienne en pleine forme d’ici quelques années.
A lire :
– David Copperfield / Illusion.
– Son show au MGM Grand de Las Vegas.
– Le musée de David Copperfield.
– David Copperfield, une vie de magie de Benoît Grenier. Éditions Amalthée (2008).
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