Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Sébastien Delsaut : J’ai commencé la magie vers l’âge de 15 ans après avoir découvert dans un magazine féminin la boutique Mayette Magie Moderne tenue par Dominique Duvivier. Très rapidement, je me suis intéressé à la magie qui est devenue pour moi une véritable passion chronophage. J’ai très vite dévoré de nombreux ouvrages et ce dans tous les domaines : magie de scène, close-up mais aussi culture magique.
C’est pendant mes années où j’étais animateur en club de vacances qu’est arrivé mon premier déclic en voyant un magicien embauché pour la saison. Il s’agissait de Thomas Voiment. J’ai pu voir en live ce que le close-up pouvait transmettre comme émotion au spectateur. J’ai alors voulu faire pareil et j’ai fait mes armes dans le cadre de mon travail d’animateur enfant.
Nicolas Goubet : J’avais 16 ans et j’étais en vacances. Un ami de mes parents savait faire le back and front et ça m’a subjugué ! Mais il n’a jamais voulu m’expliquer comment il faisait. Un an après je prenais les pages jaunes (note aux plus jeunes : le Google de l’époque version papier) à la rubrique magicien et contactais un magicien (Joël d’Avalon) qui m’a conseillé pour mes premiers pas. Avec le recul j’ai eu de la chance !
Ensuite, grâce à Internet et aux Foires du Sud, j’ai fait la connaissance de Sébastien Delsaut qui faisait déjà des spectacles sur scène. Lorsqu’il a créé La boutique de l’illusion (bdli), j’ai été son salarié puis nous sommes devenus intermittents par la suite au même moment.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Sébastien : Comme tout débutant j’ai voulu très rapidement monter un spectacle dans le cadre familial, chose que j’ai faite pour l’anniversaire de mon frère.
Mais par la suite, j’ai énormément travaillé seul en lisant, avant de proposer le moindre effet. Je bossais des techniques de cartes sans savoir si je les faisais bien.
Je suis de l’ancienne école et j’ai beaucoup de mal avec la vidéo. Pour moi, c’est dans les bouquins que l’on trouve le plus de trésor. De plus, le livre laisse une grande place à l’imaginaire dans la présentation des effets.
Nicolas : J’ai vraiment mis les deux pieds dans la magie lors de mon arrivée à La boutique de l’illusion. La magie était alors présente au quotidien.
Avant cela j’avais appris par le biais de dvd qui m’avaient été conseillés et grâce aux rencontres dans les clubs. L’apprentissage se faisait donc grâce aux livres, dvd, Internet et la mise en pratique ainsi que les corrections se faisaient dans les clubs.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Sébastien : Ce sont les rencontres avec des professionnels qui m’ont permis de grandir dans ma magie. J’ai eu la chance grâce aux journées que j’ai organisé : La magie en Provence et aux conférences mise en place au sein de la boutique que j’ai créé La boutique de l’illusion de pouvoir rencontrer la plupart des magiciens qui me faisaient rêver. Parmi eux et pour en citer quelques-uns : Jean-Philippe Loupi, Aldo Colombini, Patrik Kuffs, Jean Merlin, Dominique Duvivier, Sylvain Mirouf… Chaque rencontre, chaque échange m’ont permis d’apprendre de nouvelles choses.
Nicolas : Joël d’Avalon, magicien de la région Aixoise, a été la première personne à m’aider et me conseiller. J’ai commencé le close-up avec lui et à l’époque je ne me voyais pas faire autre chose que de la cartomagie ! Les temps ont changé ! Ses conseils étaient judicieux et s’appliqueraient toujours aujourd’hui si je devais aider quelqu’un à mon tour.
Mon ami et collègue Sébastien Delsaut a été l’autre rencontre magique majeure qui m’a fait être le magicien que je suis devenu aujourd’hui.
Je n’ai pas d’événement en tête qui m’a freiné dans mon travail.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Sébastien : Je ne pratique que la magie pour enfants. Enfin, pour être plus précis, à l’heure actuelle et depuis 2011, je ne joue que les spectacles jeunes publics que j’ai écrit où dedans il y a de la magie mais pas que.
Je me sens aujourd’hui plus auteur et comédien que magicien. J’évolue en théâtres, écoles et crèches.
Nicolas : Elles sont variables ! Les théâtres nous procurent tout le confort nécessaire, que ce soit pour nous et pour notre public. A l’inverse ils nous arrivent de jouer dans des petites salles qui ne sont pas forcément adaptées pour le spectacle. Avec nos décors, nos lumières et notre son nous arrivons à les métamorphoser et à faire entrer les enfants dans nos univers.
Présentez-nous votre compagnie
La Compagnie Sens en Eveil est un groupe de trois personnes motivées par le même objectif : jouer et réaliser des spectacles jeunes et très jeunes publics.
Nous avons à notre répertoire dix spectacles entièrement différents que nous tournons tout au long de l’année.
Deux d’entre eux ont été élus « Spectacle magique de l’année, catégorie jeune public » par la Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs : Mes tours du monde et Allan Watsay, Détective privé.
La compagnie a participé également cette année encore et avec succès à son 8ème festival d’Avignon consécutif, le plus grand festival de théâtre du monde.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marqué ?
Sébastien : S’il ne fallait sortir qu’un numéro ce serait celui de Jean-Philippe Loupi, Le fantôme de l’aéroport. C’est, je pense, ce numéro qui m’a donné envie d’évoluer exclusivement sur scène. La magie, le mime, l’émotion et la poésie au service d’une histoire. C’est ce que j’essaie, à mon humble niveau, de réaliser dans mes spectacles.
Nicolas : Je me souviens de mon premier congrès AFAP en 1999, et sur scène il y avait Peter Marvey qui faisait son flying ! Même s’il y a eu quelques problèmes techniques, voir quelqu’un voler à quelques mètres devant soit (sans avoir aucune idée à l’époque de comment cela pouvait fonctionner) m’a vraiment marqué ! Aimant rigoler (en plus d’être bluffé), j’ai toujours adoré la magie de Gaëtan Bloom également.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Sébastien : Je ne regarde pas trop ce qui se fait en magie même si je suis le parcours des gens que j’apprécie. Depuis peu, je m’intéresse au mentalisme et je lis beaucoup à ce sujet pour monter quelque chose dans ce domaine.
Nicolas : J’aime beaucoup de styles, si tant est qu’il y ait un univers et un peu d’originalité. J’aime bien évidemment la magie pour enfants, mais aussi la magie comique, la magie de scène et le close-up.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Sébastien : J’aime le théâtre et le spectacle vivant en général. Dès que je peux, j’essaie d’aller voir des spectacles. Tout ce que je vois et que je découvre me permets de développer mon imaginaire.
Nicolas : Dans la magie pour enfants que nous faisons, je n’ai pas « quelqu’un » dont je puis dire qu’il m’influence. Avec Internet, nous avons la possibilité aujourd’hui de voir énormément de choses différentes. Du théâtre, de la musique, des films, tout peut être source d’inspiration pour un spectacle.
Quand je faisais de la magie pour adultes, la magie de Gaëtan Bloom et d’Aldo Colombini étaient celles que je préférais.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Sébastien : Cette question m’a été souvent posée quand j’étais gérant de la boutique de l’illusion. Je dirais à un jeune de tout d’abord faire des études. Le spectacle vivant ne doit pas être un métier fait par obligation mais par choix. Avec Nicolas, nous avons fait des études supérieures et nous avons un jour choisi d’épouser la carrière de comédien. Notre parcours professionnel mais aussi scolaire nous permet de gérer notre carrière. Ensuite je dirais aussi de sortir de derrière leurs écrans pour rencontrer des magiciens et aller voir des spectacles. La magie n’est pas sur YouTube mais dans les salles.
Nicolas : Je lui dirais de trouver son propre style, d’être original, d’essayer de se démarquer un peu de certains « copier/coller » que l’on a tous vu en close-up ou sur scène.
Pour le chemin… on a tous eu des chemins différents mais pour quelqu’un qui voudrait ne consacrer sa vie qu’à cela, le conseil serait tout d’abord de ne pas oublier les études en parallèle. Le métier de magicien, ce n’est pas seulement faire de la magie, c’est également de l’administratif, de la communication, de l’informatique, etc. Il faut donc également une tête bien pleine en plus du côté « technique » et « artistique » de la magie.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Sébastien : La magie est actuellement à la mode. On en voit plus à la TV et certains arrivent à tirer leur épingle parmi tous les médias et je pense que c’est une bonne chose. Plus on voit de la magie, plus on a envie d’en voir en condition réelle. La fréquentation des salles pour nos spectacles durant les huit festivals d’Avignon auxquels nous avons participé en sont la preuve.
Ambre et les jouets magiques avec Vanessa Delsaut.
Nicolas : J’ai l’impression que cela change et d’un point de vue positif. Même si ce terme est subjectif, car chacun apprécie des choses différentes, j’ai l’impression que les spectacles sont plus aboutis, travaillés. On voit d’ailleurs certains magiciens qui passent à la télé (si ce n’est tous ?), ou encore dans les théâtres, avoir des gens qui écrivent pour eux, qui les entourent, les mettent en scène etc.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Sébastien : Je pense que pour bien appréhender une passion, quelle qu’elle soit, il faut en connaitre les origines et seule la culture le permet. J’ai possédé à un moment donné plus d’un milliers d’ouvrages et de revues concernant la magie. Toutes ces lectures m’ont permis de savoir où je mettais les pieds.
Nicolas : Si on parle de culture magique, on peut dire que pour moi elle est proche du néant, excepté le fait que j’ai travaillé à la boutique de l’illusion et donc eu accès à l’explication de beaucoup de tours et pu voir beaucoup de numéros dans les congrès auxquels j’ai participé. Ma bibliothèque doit tenir dans un carton !
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Sébastien : J’adore, au grand désespoir de ma femme, le foot et j’ai réussi à convertir mes deux filles. Je vais donc, quand le planning me le permet, voir des matchs avec mes enfants.
Nicolas : La musique, les arts martiaux et depuis peu le golf que j’ai découvert cet été !
– Interview réalisée en septembre 2018.
A visiter :
– Le site de la Compagnie Sens en Eveil.
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