Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
Mon entrée dans la magie s’est faite en plusieurs étapes. Comme beaucoup d’enfants, j’avais reçu une boîte de magie vers l’âge de six/sept ans et j’adorais proposer mes petits tours aux membres de ma famille. La deuxième étape est venue vers dix-huit ans, avec un ami qui maîtrisait pas mal le close-up, et quand je voyais l’impact de ses tours sur moi et sur les autres, j’étais fasciné. J’ai alors commencé à regarder la magie d’un peu plus près en apprenant quelques tours de cartes… En ce temps-là, je faisais déjà de la scène dans des spectacles professionnels de chants mais également dans des spectacles acrobatiques comme trampoliniste, membre de l’équipe de France Junior. Un peu plus tard, à vingt-quatre ans, je chantais régulièrement dans un cabaret près de Grenoble où j’ai eu le plaisir de rencontrer Claude Brun (les Chapeaux Blancs). Son contact avec le public était excellent et ses tours percutants ! J’ai par la suite découvert son spectacle pour enfants. Son rythme, sa gestion du spectateur et l’émotion qu’il procurait à chaque fois m’a convaincu que j’avais envie de faire de la magie, vraiment !

Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
À l’époque, j’étais en charge de la communication et de l’événementiel d’une station de ski. Nous avons eu une coupe budgétaire et j’ai dû revoir la programmation et notamment la venue d’artistes. J’ai alors proposé au directeur d’acheter du matériel, et j’ai créé un spectacle de magie pour enfants. J’ai eu ainsi la possibilité pendant trois ans, a raison d’un spectacle chaque semaine, de développer ce qui m’avait tant plu chez Claude Brun. J’apprenais aussi le close-up. J’ai acheté un peu par hasard le premier volume de l’École de la magie de Dominique Duvivier. C’est pour moi un support très complet sur les techniques de cartomagie et il permet d’apprendre des tours très variés du close-up au salon. Excellent pour débuter je trouve. Certains de ces tours font toujours partis de mon répertoire, car j’adore faire du close-up et du stand-up.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Après avoir rencontré Claude Brun, je me suis renseigné sur les clubs de magie à Grenoble. Et je suis tombé sur Rendez-vous Magique (RDVM), qui est une structure non affiliée à la FFAP. J’avais vu le club ARHG, dont je fais partie aujourd’hui, mais il fallait passer un examen d’entrée et ça m’avait tout de suite bloqué car j’avais peur d’être refusé. La première fois que je suis allé à une réunion de RDVM, j’y ai rencontré Pilou, Artmik, Candide, Art Now (Arnaud Voisin), Ponka, Raven et un certain Bertox qui était un peu le dernier arrivé mais déjà impressionnant de créativité. Et un copain à eux, qui venait souvent était là aussi… Jérôme Helfenstein. J’étais stupéfait par leur accueil, Pilou, Champion du monde me posait pleins de questions sur ce que je voulais faire en magie, Artmik me proposait de venir passer une journée chez lui pour apprendre la magie des oiseaux, j’apprenais à Jérôme H. à faire des équilibres sur les mains… Cette soirée a été folle et s’est terminée à 2h du matin au pub d’à côté, toujours en magie. Je les ai tous vu évoluer, préparer leurs numéros pour les concours, j’ai participé aux brainstormings, j’ai passé des heures avec les uns et les autres qui étaient d’une générosité absolue, sans filtres et Wahou ! Quelle chance de les avoir rencontré. Ils m’ont donné le goût, ils m’ont donné envie de faire pareil et je m’étais alors promis à l’époque, qu’un jour, je monterais un grand numéro d’oiseaux. Artmik m’a appris tout ce qu’il savait !
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Je suis un touche-à-tout en magie comme dans la vie. Et quand j’aime, je ne peux pas faire les choses à moitié. J’ai fait beaucoup de close-up événementiel, j’ai un spectacle pour enfants qui a beaucoup tourné pendant près de vingt ans. J’ai travaillé dans un petit cabaret lyonnais pendant six ans. J’y faisais du stand-up, des numéros visuels et de la grande illusion. J’avais cinq danseuses avec moi et une quinzaine de grandes illusions. C’était très intense… Car j’étais aussi le directeur artistique. On faisait trente-cinq spectacles par an plus les prestations extérieures… J’y ai créé quatre spectacles en six saisons. Dans la dernière année du cabaret qui a été vendu a des repreneurs qui ne voulaient pas faire de spectacles, mais des séminaires uniquement, j’ai pris du temps pour créer mon premier numéro de concours. J’y incarnais un personnage qui souhaite poster une lettre sans jamais pouvoir y parvenir, victime d’une boîte aux lettres curieuse… Il décide alors d’envoyer son message par pigeon voyageur (mais j’utilisais des colombes). Le numéro était moderne, pas de queue-de-pie, avec je crois de bonnes idées dans les effets mais manquait d’originalité pour un concours et comportait quelques défauts de rythme. Mais c’était une bonne base qui a reçu un prix du jury par Norbert Ferré en octobre 2019… Véritable déclic qui m’a permis d’accéder à l’équipe de France de Magie grâce à la rencontre de Charly Brahim.



Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Lorsque j’ai rencontré Pilou au club RDVM, on me disait : « Il est champion du Monde… » J’avais de la peine à le croire tellement il était accessible et simple… Mais lorsque j’ai vu son numéro de Gavroche, j’ai compris ce que c’était qu’un grand numéro de magie. Par la suite j’ai eu la chance d’assister au spectacle d’un jeune magicien en tournée qui jouait dans de petites salles et qui était très copains avec RDVM… Xavier Mortimer ! Quelle claque ! Je regrette d’avoir été timide à cette époque et de ne pas avoir osé plus lui parler. Mais un qui m’a beaucoup marqué, c’est Jérôme Helfenstein ! Chacun de ses numéros est une pure merveille de création. Son tour Infini est un bijou, une construction parfaite ! Comme vous pouvez le voir, je n’ai pas vraiment des références classiques comme Lance Burton, etc., que j’ai connu plus tard et qui bien entendu m’ont touché. J’avais à ma disposition un tel panel de créateurs et de magiciens de haut niveau que je n’avais pas besoin d’aller voir plus loin.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
J’adore le storytelling à la Antoine Salembier, j’en suis littéralement fan et inspiré. Je crois que je n’ai pas de style préféré en catégorie magique, tant qu’il y a une histoire.
Quelles sont vos influences artistiques ?
En magie d’oiseaux, car c’est ma spécialité actuelle, je me suis inspiré de tous les numéros sur ce thème et j’en ai vu une quantité astronomique ! Je me suis nourri de tout, j’ai même fait des tableaux pour comparer les routines, le type d’apparitions, de disparitions, le nombre d’effet, le final… J’adorai Marko Karvo, Shimada, Greg Frewin, Artmik, Charlie Mag, Cyril Delaire, Gérald Le Guillou, Alban William, Luca Buono et bien d’autres…

Quels conseils et quels chemins recommander à un(ne) magicien(ne) débutant(ne) ?
On me parlait beaucoup de quel personnage je voulais avoir et je ne comprenais pas toujours… Et pourtant, c’est ce personnage qui va véhiculer la magie et la démultiplier… Ou pas. J’ai vraiment compris ça et je crois que c’est très important d’y réfléchir tout en apprenant. Aujourd’hui, les clubs de magie sont beaucoup plus « ouverts » qu’avant aux débutants (il y en a plein dans le miens) et ils sont très bien accueillis et conseillés. Ce qui a pu me freiner parfois, c’est de travailler seul, sans regard extérieur. Et puis il existe une émulation dans un groupe. Donc mon conseil est de se rapprocher d’un groupe de magiciens et de magiciennes.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je trouve que la magie marche très fort auprès du public actuellement. Il y a énormément de festivals, galas qui ont du succès. La créativité en magie est très active avec des artistes qui cherchent à innover en permanence dans les milieux des concours notamment. La coopération entre magiciens s’est beaucoup développée depuis presque quinze ans, ce qui crée une dynamique créative toujours plus forte. La magie féminine prend sa place et c’est une bonne chose. Pour créer une vocation, il faut des modèles. Plus il y aura de magiciennes, plus des petites filles s’identifieront et auront envie de le devenir à leur tour. On a d’excellentes représentantes de l’art magique actuellement et c’est très encourageant.

Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
J’ai compris à mon sens tardivement l’importance de la culture magique dans mon approche. Je m’y suis intéressé quand j’ai entamé la démarche de créer un numéro de concours, dans lequel il faut essayer d’apporter des nouveautés à l’art magique pour se démarquer. J’ai ainsi fouiné dans l’histoire de la magie, à la recherche de vieux concepts, gimmick, que je pourrai utiliser dans mon numéro en apportant une amélioration soit de l’effet, soit de la mise en scène de l’effet. Les « bols de riz chinois » sont par exemple devenus les phares de ma moto. Leur forme est parfaite pour ça. Beaucoup de magiciens me font remarquer cette utilisation qui justifie l’objet.


Vos hobbies en dehors de la magie ?
Avant d’être magicien j’étais chanteur et je le suis toujours, je chante en permanence, je ne peux pas m’en passer. Il y a des guitares partout chez moi. Je profite également de mes enfants et de ma femme avec qui j’aime partager plein de choses, notamment le ski en famille et les voyages. Je suis passionné par les vieux objets et j’aime chiner dans les brocantes.
Note :
Christophe Mervil est Champion de France de Scène 2023-2024. Il a également reçu le 1er prix aux Championnats de France en Magie Générale 2023-2024, ainsi que le 3ème prix et Prix du jury au concours International d’Abano en Italie en 2024.
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Interview réalisée en avril 2025. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Christophe Mervil / Baltha / Bea Ted / Franck Boisselier / Antoine Souchet. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.