Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
J’ai reçu pour mes neuf ans ma première boîte de magie, ainsi qu’un robot programmable. Et le livre Les contes de la Saint-Glinglin de Robert Escarpit. Mon premier déclic ? Il s’agit d’une blessure à mon égo : élève d’une prof de piano stricte, j’essayais de réussir mes leçons. La goutte d’eau a été mon frère de trois ans mon cadet. Sans prendre de cours, il faisait mes gammes et me surprenait avec mes exercices. Je n’étais plus fait pour le piano…
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Ado des années 1990, j’ai grandi avec l’émission de télé Attention Magie. Encouragé par ma famille j’ai reçu quelques jeux Magic Scène de MB. J’ai également travaillé avec pusilures livres jeunesse de magie. Une cousine m’a d’abord offert l’opportunité d’animer l’anniversaire de sa fille. Trop stressé, c’est entendre le grand-père s’étonner du calme que j’ai compris le pouvoir de la magie. Accompagné par mon papa, j’ai rencontré mes premiers magiciens au week-end Joker Deluxe en 1999. J’ai fait mes armes aux conférences Magicus magazine à Toulouse au début des années 2000.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Ma famille a été mon premier combustible dans leurs encouragements pour ma persévérance (autant matériels que psychologiques). Entendre Vincent Hedan expliquer comment il travaille ses projets, venu présenter sa conférence sur l’initiative de Xavier Durand (premier client de sa boutique en ligne) m’a permis de poser les bases de mon protocole d’apprentissage.
Je ne crois pas qu’un événement ait pu me freiner. Ce sont les croyances que j’ai eu des événements qui m’ont fait du tort. Mal dans ma peau, timide et sans considération pour qui j’étais. Mal utiliser mon cerveau m’a coupé de la chance de vivre pleinement les opportunités.
Quels sont vos domaines de compétence ?
Je suis curieux, persévérant et je travaille l’assertivité (exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux d’autrui).
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Je travaille avant tout à une vie équilibrée ! Ma priorité est le temps passé en famille. Le poste que j’occupe depuis la fin de mes études m’assure les frais fixes. J’ai la chance de travailler avec une équipe géniale dans un service où je m’épanouis encore. Ma profession est d’apprendre à dégager du temps et mettre en pratique ce qui est important pour moi.
Comment définissez-vous la « magie ludo-pédagogique » dans laquelle vous vous êtes spécialisé ?
Je considère la magie comme une émotion. Le ludique (action de faire de quelque chose un jeu) comme un facilitateur. La pédagogie comme un fixateur de la curiosité. J’invite à retrouver l’audace de l’enfant qui découvre l’extérieur du ventre de sa maman. La curiosité qui le pousse à enregistrer toute nouvelle information. La confiance qui l’aide à s’entourer au mieux pour continuer de vivre. La pugnacité pour se lever malgré la gravité et se hisser vers ces adultes maladroits. Apprivoiser ses peurs, passer à autre chose…
Comment interviennent l’apprentissage, la pédagogie, la communication, l’accompagnement, la psychologie et la magie dans votre travail ?
L’apprentissage est l’art de s’incarner. Il est l’essence qui me donne le plaisir de travailler.
La pédagogie est ma solution pour partager mon expérience avec le monde extérieur. Un patient est claustrophobe et ne veut pas passer une IRM ? Je le guide vers sa transe et l’accompagne à passer un bon examen. Un élève entend depuis un moment qu’il n’est pas fait pour l’école, qu’il est nul, que c’est un littéraire / scientifique / cancre / prêt pour l’ENA ? L’attention est basée sur des fondamentaux à consolider et des techniques à s’approprier. Je suis fatigué, de mauvaise humeur, excité ? Mon entourage en pâti. Ne pouvant changer mon fond, j’invite à trouver des solutions pour se protéger de ma toxicité.
La communication m’a permis de panser mes maux. Je la définis aujourd’hui comme « penser ses mots ». Je la modélise comme un jeu de Capoeira. Chaque jogador a son propre style. Le jôgo doit durer sans être violent. Et harmonieux au sein de la roda.
L’accompagnement est la forme de mon travail. C’est le temps que je peux passer à partager mon expérience. À différent niveau j’accompagne un patient, une équipe. Un élève, ses parents dans un labyrinthe nouveau pour eux. Les personnes intéressées par mon travail…
La psychologie. Ayant connecté la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) à mes compétences, je considère que tout problème de communication relève de ma part. La psychologie m’aide alors à m’appliquer ses différents modèles pour corriger la forme et être plus efficace lors de mes interactions.
La magie, c’est l’émotion ressentie lorsque l’on évolue dans un jeu d’enfants.
Pour qui travaillez-vous ?
J’occupe un poste de M.E.R.D.E. à l’hôpital de Narbonne (Manipulateur d’Électro-Radiologie Médicale Diplômé d’État). La MJC de la ville dans le cadre d’une section soutien scolaire. Mes clients sont des parents offrant à leur enfant un cadre différent de l’école pour (re)travailler l’apprentissage sous une autre forme.Je fais partie d’un collectif organisateur des Semaines d’Information de la Santé Mentale (SISM). Je créé et propose des conférences sur des thèmes au besoin des structures.Principalement l’attention, la mémorisation, l’assertivité.
Parlez-nous de votre entreprise OSEApprendre. Quand, comment et pourquoi est né ce projet ?
OSEApprendre est l’étape de mon cheminement où je passe à l’action. Pendant des années, j’ai attendu que l’on pense à moi pour intervenir. Depuis 2016, j’apprends à proposer mon travail. Après de nombreux monologues face à ma femme, j’ai passé le pas et me suis inscrit dans une couveuse d’entreprise. Pendant deux ans, j’ai testé différents produits, cherché un public, questionné ma zone de chalandise, appris à être entrepreneur. Puis j’ai créé mon entreprise. Cessé de dire que j’apprenais à être entrepreneur. Depuis je développe mes compétences pour proposer mon travail dans des projets qui tendent vers un futur où je voudrais que nos enfants grandissent. Mon déclic a été d’ajouter l’audace à la réflexion. « OSE » est l’acronyme pour ne pas oublier les étapes :
– Objectif : choisir un sujet sur lequel nous voulons travailler. Un travail de fond.
– Système : rechercher les personnes qui ont atteint l’objectif. Étudier et comprendre leurs cheminements.
– Et… (action) ! Recueillir des informations, se les approprier. Écouter ses émotions comme retour d’expérience. S’approprier. Questionner ses échecs. Ils annoncent peut-être la prochaine technique comme l’a fait Fosbury. Un nouveau style artistique…
Quelles sont vos méthodes pédagogiques ?
Essayons ceci : tout le monde sort son téléphone et lance l’application chronomètre. Un maître du jeu est choisi. Il donne le signal de la partie. C’est lui qui décidera quand lancer le chronomètre. Lorsqu’il le souhaitera, il fera pour la seconde fois le signal et tout le monde devra stopper son chronomètre. L’exercice consiste à être présent pour porter toute l’attention sur le maître du jeu et avoir un temps le plus proche de lui. Établir un contrat oblige notre concentration à élaguer les pensées qui n’ont pas de lien avec l’objectif. Améliorer sa concentration focalise sur l’instant présent. Travailler sa mémoire offre un meilleur encodage et une compréhension de la migration vers la mémoire à long terme. Le jeu est le facilitateur qui fera accepter la répétition, obligatoire.
Pour la petite histoire, les neurosciences ont beaucoup remis en question le fait d’apprendre par cœur. Une information qui raisonnait avec mon parcours, n’ayant jamais pu apprendre les dates en histoire, les os du poignet ou une formule sans me tordre les neurones.
La science proposant un modèle. Ce dernier évolue au grès des découvertes validées par le consensus scientifique. À mon grand dam cette remise en question d’apprendre par cœur a à nouveau été remise en question… La répétition est nécessaire. La courbe de l’oubli nous apprend à échelonner ces répétitions.
Vous êtes également intervenant à la MJC de Narbonne avec la structure De l’Autre Côté qui a pour but d’accompagner les enfants atteints de difficultés et de troubles de l’apprentissage en milieu scolaire. Sous quelles formes et quelles pratiques intervenez-vous ?
Je me refuse de prendre en première intention les étiquettes données : DYS, HP, TDA… Je propose comme cadre :
– La transparence envers les parents. Sans eux je ne serai présent pour personne.
– Le travail de confiance avec les élèves. La situation doit être claire.
– Le cadre : puiser dans mon grimoire une inspiration pour des exercices adaptés à la maturité, l’état d’esprit, le niveau de fatigue de l’élève…
Nous commençons par une introspection. Puis un jeu pour se reconnecter à l’objectif du contrat. Enfin, j’invite à différents exercices, jeux, temps de recentrage. L’aide au devoir est un prétexte pour apprendre à s’organiser, consolider ses compétences. Mais aussi lâcher prise, se faire confiance, oser.
Comment la prestidigitation intervient-elle dans le soutien scolaire des enfants ? Je ne suis pas prestidigitateur pour mes élèves. Ils savent que je m’intéresse à la magie, tout comme les mangas ou l’humour (bien à moi…). Ils n’ont pas conscience du temps que j’y consacre. La magie est les tours de magie qu’ils ont appris. Sauf si l’intention était de s’éloigner de l’objectif défini. De vrais « Jourdain mentalistes » 🙂
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Mes premières pensées vont vers le travail des sœurs Wachowski qui me donnent l’illusion d’avoir disséminé dans leurs œuvres les réponses à toutes mes questions. Juan Tamariz pour avoir partagé son travail et posé des mots sur mes pensées. Xavier Mortimer et sa canne volante. Grand Corps Malade pour avoir donné un grand coup de pied dans ma conception de l’art. Benoît Rosemont, Mickaël Stutzinger et Manu Houdart pour leur approche ludique. L’émission C’est pas sorcier pour avoir donné envie à une génération de YouTubeurs de trouver leur forme pour vulgariser. Fabien Olicard, Kyan Khojandi et Alexandre Astier pour leur énergie. Sophie-Marie Larrouy, Fanny Ruwet et Taha Mansour pour leur podcasts. Les amis (magiciens et jourdain de la magie) rencontrés toutes ces années avec qui j’ai appris, rêvé, rigolé ! Enfin, Mr Lamolinerie, un magicien narbonnais qui m’avait pris comme élève.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Lorsque l’artiste sait que son travail n’est pas sérieux mais vit comme si l’équilibre de l’univers dépendait de ce moment. Tout moment où seules les onomatopées sont nécessaires, mais le temps trop court pour parler de ce que l’on a vécu. Enfin le temps passé en famille. « Mandrake d’or » pour mes enfants.
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’aime penser que nous sommes le produit de cinq influences :
1- Le travail des sœurs Wachowski, transversal et ancré dans le présent.
2- Juan Tamariz pour m’avoir fait comprendre que je n’étais pas seul. Et m’avoir permis de rencontrer Miguel Angel Gea.
2bis- Miguel Angel Gea qui m’a initié à la présence. Le cheminement qui mène à l’être.
3- la Capoeira, mon modèle de communication. Merci à Vincent Delourmel, Laurent Gehan et Thomas Thiebaut pour la dernière roda !
5- Xavier Durand avec qui le mot travail a pris un autre sens. Et le mot équipe un air de complicité.
6- Émilie, ma femme. Je la fatigue avec mes divagations. Elle partage son temps avec de nombreux inconnus. Source inépuisable d’inspiration… saviez-vous que 1+1=4 ?
Ok, ça fait plus que cinq… « Apprends les règles comme un professionnel afin de pouvoir les briser comme un artiste. »
4- Picasso
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Les secrets de la magie se trouvent dans le fonctionnement du cerveau humain, je le résume à l’attention. Cette quête a plusieurs faces, elle se cache sous les mots, répétition, spiritualité, histoire, foi, toi… Explore comment fonctionne le tien pour savoir quelle est TA magie. Apprend les différents modèles du fonctionnement du cerveau pour y trouver tes instruments. As-tu remarqué ? 🙂 :
– Le numéro 4 n’était pas dans la liste de mes influences ?
– Un mot dont les lettres étaient dans le désordre ? En as-tu compris le sens ? Saurais-tu le retrouver dans cet article ?
– Une virgule pourrait faire penser à une coquille 😉
Enfin, sois sincère avec ce qui te donne du plaisir. Indépendamment de tout ce que tu peux penser ou que l’on peut te dire.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Ma perception de la magie est limitée par mon fond. Nous échangeons entre magiciens sur nos modélisations, théories et questionnons nos formes. Je considère les magiciens comme des lapins blancs guidant leur public vers le pays des merveilles. Chacun avec son approche artistique. J’accepte et m’émerveille que ce que nous appelons magie soit partagée comme une émotion, une vidéo Instagram, un moment à montrer sa dextérité, raconter une histoire, acheter le dernier gimmick à la mode… La magie ne doit pas être consommée (boulimie sans fond), mais vécue (incarnée dans l’être).
Quelle est l´importance de la culture dans l’approche de la magie ?
La magie étant pour moi une émotion, elle est à un niveau plus profond que la culture. La culture, intellectualisée, apporte des nuances, textures et autres subtilités sensorielles. Elle nourrit notre imaginaire, grimoire pour nos choix et nos actions.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
J’aime tout connecter… donc la magie m’amène aujourd’hui à l’écriture, la philosophie, la méthode scientifique, les jardins publics et dégager du temps pour être seul avec ma femme.
À visiter :
Interview réalisée en août 2023. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Mario Lomas, José Nussy Saint-Saëns, 3R Photography, César Chalret. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.