Extrait de la revue L’Illusionniste, N° 112 d’avril 1911.
On peut citer plusieurs familles qui se sont transmis de génération en génération le culte de la magie et dont les membres possédaient, tous, le talent nécessaire pour exercer cet art. Nommons en passant les Bamberg, les Grandsart, les Delille et aussi les Herrmann.
La tradition magique remonte, chez les Herrmann, à un médecin allemand qui occupait ses loisirs à faire de la prestidigitation pour amuser ses amis ; mais jamais il ne parut en public. Il était père de seize enfants, huit garçons et huit filles. Carl naquit le 27 janvier 1816. Peu après, sa famille transporta sa résidence à Paris, et c’est dans cette ville que le futur magicien fit son éducation ; c’est pourquoi, à l’étranger, il passait pour français. Assistant souvent aux petites séances de son père, il cherchait à l’imiter ; mais celui ci, lorsqu’il était témoin de ces essais, les réprouvait et même s’y opposait ; car, pensant comme tous les parents, il ne voulait pas voir son fils devenir escamoteur. Nous savons qu’une vocation est souvent irrésistible et donne à celui qui la possède le don de renverser tous les obstacles ; c’est ce qu’il advint pour Carl Herrmann, qui ne se lassait pas de développer son adresse manuelle et, lorsqu’il fut devenu magicien, offrit le premier le spectacle d’un prestidigitateur entrant, pour donner sa séance, sur une scène absolument nue, sans aucun accessoire avec les manches relevées, intéressant le public plusieurs heures par des tours d’adresse.
Carl, le premier prestidigitateur de la dynastie des Herrmann, parcourut le monde entier. Il se rendit en Amérique alors que le nouveau continent était encore un pays neuf ; il y fit une magnifique fortune et y retourna plusieurs fois, en 1865 et 1869 ; ce fut le champ de ses plus grands succès. C’est sous la direction du célèbre impressario Ullmann, qu’il se produisit pour la première fois à New-York dans la salle de l’Académie de Musique, le 22 Septembre 1861. Ullmann n’avait, jusqu’ici, présenté au public que des « étoiles » du chant ou de la musique ; il n’eut pas à regretter d’avoir tenté un essai dans un genre nouveau pour lui. Ce fut un engouement dans la haute société yankee d’assister aux séances magiques de l’Opéra. L’engagement fut prolongé de cinq semaines ; après quoi notre héros entreprit une tournée dans les villes du Nord.
Au cours de ce voyage, il reçut du président Lincoln une invitation à venir jouer à la Maison Blanche ; la soirée eut lieu le 21 novembre 1861. Le corps diplomatique était là au grand complet, et c’est à la suite de cette représentation qu’Herrmann ébaucha les magnifiques relations qu’il poursuivit avec des hommes en vue de tous les pays, et qui lui assuraient un accueil particulièrement bienveillant dans toutes les capitales. On cite un bon mot du président Lincoln à qui Herrmann tendait un jeu de cartes en le priant de les mélanger. « Non, répondit-il, en désignant son secrétaire Caneron, excusez-moi, ce gentleman brouille les cartes pour moi ». Herrmann ne demandait l’assistance d’aucun artiste pour ses représentations ; il fît une seule exception qui mérite d’être signalée : ce fut au lrving Palace Théâtre de New-York, en faveur de la Patti qui faisait ses débuts dans cette contrée.
Paris fut visité plusieurs fois par Herrmann ; notre ami Raynaly en parle dans son livre Les Propos d’un Escamoteur, et il a, ici même, raconté l’histoire de l’amende à laquelle il fut condamné pour l’avoir sifflé. Ayant fait fortune, Carl Herrmann laissa à son frère Alexandre le soin d’exploiter son nom qui faisait, à lui seul, remplir les salles de spectacle et se retira à Vienne, en Autriche, où il fit de sa maison un musée rempli d’oeuvres d’art de grande valeur. C’est là qu’il célébrait, le 27 janvier 1886, son 70e anniversaire dans une fête à laquelle assistaient les grands ducs, toute l’aristocratie de la cité et toutes les célébrités des arts et de la littérature.
Carl Herrmann était également connu sous le nom de Compars Herrmann, ce qui fait que quelques personnes ont pu croire qu’il s’agissait de deux personnages différents. Ce second nom est, d’après Mme Maria Herrmann, veuve de Léon Herrmann, à qui je demandais ce renseignement, une coutume dans certaines familles israélites. Carl ou Compars s’était marié deux fois. Sa première épouse était la célèbre diva hongroise, Rosa Csillag ; la seconde, dont nous avons annoncé récemment le décès, était Mademoiselle Rosalie Lévy, fille d’un éminent médecin français. C’est à Carlsbad que la mort vint frapper, en juin 1887, Carl Herrmann. Son tombeau est à Vienne.
A lire :
– Alexander Herrmann
– Adélaïde Herrmann
– Léon Herrmann
– Herrmann, les frères ennemis
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