Présentez-nous votre compagnie
Notre langage est le cirque, que nous souhaitons contemporain et populaire. La manipulation d’objet, la magie nouvelle et le clown sont ainsi les enjeux artistiques prépondérants de nos recherches. Un cirque que nous essayons de rendre singulier, décalé car éloigné des logiques habituelles, convenues. Nous sommes à la recherche de l’émotion, du drôle, du poétique et nous souhaitons le partager avec le spectateur. Le Blizzard Concept s’est construit autour d’une certaine vision de la performance, souvent décalée des modes conventionnels, et qui remet en question les pensées établies. L’envie, et la motivation commune de la compagnie reste avant tout de vivre et partager des aventures humaines enrichissantes.
Opéra pour sèche-cheveux (Photo : Frederick Guerri).
En 2012, à la suite de l’école des Arts du Cirques du Lido, Julien Mandier (clown / manipulateur d’objets) et Antoine Terrieux (magicien/ manipulateur d’objets) créent la Cie Blizzard Concept. Ce projet voit le jour avec leur première création Opéra pour sèche- cheveux, dont un extrait a déjà été joué plus de 400 fois dans le monde entier, et qui aboutit avec un spectacle long (décembre 2014) qui a déjà été interprété plus de 100 fois. Depuis 2012 la Cie est associée à la plasticienne Camille Vacher afin de travailler à des projets liants magie nouvelle, arts plastiques et cirque. Forte du succès du premier projet d’installations magiques, l’exposition En Plein Vol, la Cie à réfléchit à de nouveaux projets d’interventions plastiques.
Sur quelle(s) thématique(s) travaillez-vous ?
Ces dernières années, à travers le cirque et plus précisément la combinaison de la manipulation d’objets et de la magie, je m’efforce de créer un langage singulier. Aujourd’hui je souhaite encore préciser de plus en plus ma démarche et affirmer ainsi un enjeu artistique et technique que l’on pourrait qualifier de « performance autrement » ou encore de « hasard merveilleux ».
Opéra pour sèche-cheveux (Photo : Frederick Guerri).
D’une manière générale je situe mon travail là où la performance circassienne s’arrête : lorsque l’on dépasse le réel et là où la sensation et l’émotion magique commencent et interviennent, là où elles prennent leurs sens. C’est dans cet espace, variable selon les individus, que se jouent tout un tas d’émotions : nos sens sont perturbés, nos repères déroutés, notre envie éveillée. Je souhaite provoquer la curiosité que le décalage face à l’accoutumance provoque et susciter l’intérêt du spectateur, la remise en question de ses repères établis, son ouverture à d’autres points de vue. Emouvoir dans son sens étymologique, mettre en mouvement, et par extension : agiter, troubler, faire naître, et en définitif… émerveiller. Soulever ainsi de multiples questionnements qui provoquent l’émancipation de nos préjugés.
Parlez-nous de vos spectacles
Opéra pour sèche-cheveux (création décembre 2014) : magie nouvelle / manipulation d’objet / clown (joué au 35ème Festival Mondial du Cirque de Demain). Ce spectacle se veut léger et profond, bien huilé mais grinçant quand même, limpide quoi que troublant, intellectuel et parfois primitif, sincèrement malhonnête, reposant et explosif, sublime et con… Il vous fera repenser vos certitudes, oublier vos habitudes, noter les similitudes, comprendre votre solitude, calmer vos inquiétudes, reconsidérer votre attitude, calculer la longitude et reprendre vos études.
Opéra pour sèche-cheveux (Photo : Frederick Guerri).
À travers une manipulation significative d’objets insignifiants et un théâtre hormonal, la compagnie Blizzard Concept nous offre à investir son monde où plus aucun objet n’est sous utilisé. Toute loi scientifique est réinventée au service du cirque, de l’exploit et la magie intervient lorsque le rationnel s’essouffle.
Anotherway (Photo : Andre Rosenfeld Sznelwar.)
Anotherway (création 2013) : magie nouvelle / diabolo (joué au 34ème Festival Mondial du Cirque de Demain). Quand la magie rencontre le diabolo, il se peut que celle-ci interpelle la vision classique que l’on a de cet objet ancestral, entre mouvement ralenti, gravitation impossible ou encore distorsion du temps. L’utilisation du diabolo devient différente et originale et permet au personnage manipulateur de s’évader et de jouer avec la limite du possible.
En Plein Vol (Photo : Camille Vacher).
En Plein Vol (création décembre 2014) : installation plastique / magie nouvelle / cirque. Ce projet allie magie nouvelle et arts plastiques ; burlesque / insolite et poésie légère. Boucles sans fin, trajectoires aléatoires, lévitations, etc ; nous nous trouvons face à des actions sur lesquelles nous n’avons pas de prise mais qui, par elles-mêmes, touchent au but. Et l’irréalisable, l’invraisemblable de certaines pièces nous pousse doucement vers la rêverie. La Cie produit actuellement deux nouveaux projets pour fin 2018, début 2019 : un spectacle qui s’intitule OZERWIZE (magie nouvelle/ manipulation d’objet et clown) ainsi qu’une installation magique en extérieure ICARE.
Comment intervient la magie dans votre travail ?
Pour moi la perception du réel est une construction sociale évidente : en effet dans notre société occidentale nous grandissons avec des connaissances, une culture, un savoir bien déterminé qui induit une notion d’impossibilité propre à chacun. Ainsi souvent nous avons tendance à encadrer notre imaginaire et notre réel car cela est plus simple pour appréhender le monde, notre monde.
Close-up par Antoine Terrieux.
Je souhaite interroger le spectateur sur son point de vue (ce qu’il estime être sa réalité objective) ainsi que ses limites à travers des expériences et recherches insolites, décalées, concrètes, innovantes et poétiques sur un ton humoristique voire clownesque. J’aimerais parfois que le public ait la sensation de voir une chose que lui seul a la chance de voir car normalement cela n’arrive pas et pourtant ça recommence. Faire référence d’un point de vue critique, d’une manière métaphorique et presque sous entendue, aux limites de notre réel qui sont larges et qui touchent de nombreux domaines : construction sociale de soi, objectif de vie, politique, ambition… autant de thèmes qui pourraient être de près ou de loin effleurés, des réflexions sur l’humain à travers un discours et des images volontairement décalées.
Cartomagie par Antoine Terrieux (Photo : Lulu Hadas).
Aujourd’hui mon centre d’intérêt principal se porte de manière globale sur tout ce qui peut être rattaché à la notion de magie, à l’émotion magique de près ou de loin.
Des techniques de magie spécifiques utilisées comme un langage, moyen d’expression (elle sera d’ailleurs « invisible » aux yeux des spectateurs), pas de démonstration de tours. Depuis trois ans, avec la plasticienne Camille Vacher, nous développons un projet lié aux arts plastiques qui se nomme En Plein Vol. Ces deux projets parallèles aiguisent un regard particulier sur la scénographie, le point de vue du spectateur, et me questionnent sur la notion de spectacle vivant où les objets deviennent acteurs.
Qu’est-ce que l’on met en place pour que des objets prennent vie et se mettent à jouer ?
Quelles sont vos influences artistiques ?
La chance m’a été donnée de rencontrer et de collaborer avec le monde de la magie nouvelle depuis 2009 et surtout la Cie 14:20 avec notamment Raphaël Navarro, Valentine Losseau ou encore Etienne Saglio et bien d’autres, ce cheminement a éveillé ma curiosité et mon intérêt dans de nombreux domaines bien distincts comme : les arts plastiques, les installations, la robotique, les marionnettes, l’anthropologie…
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
J’observe que la magie connaît une phase d’émancipation très importante actuellement, et la notion de magie nouvelle à beaucoup aidé dans ce sens, aujourd’hui la magie devient un langage à part entière et elle se mélange avec beaucoup d’autres arts tout en respectant ses bases qui sont issues de la magie moderne. Personnellement j’adore la magie moderne d’ailleurs je propose des spectacles de close-up régulièrement et son histoire et sa pratique me passionne depuis bien longtemps.
A visiter :
– Le site de Blizzard Concept.
Interview réalisée en juin 2016. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Lulu Hadas, Andre Rosenfeld Sznelwar, Frederick Guerri, Camille Vacher. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.