Quand on pénètre dans l’espace de l’Atelier des lumières, nous sommes littéralement saisis et baignés par la lumière qui recouvre les moindres recoins de cette ancienne fonderie.
Dans une déambulation libre, on sent affleurer à chaque pas la mémoire du lieu qui amplifie l’émotion ressentie par sa transformation. Il s’agit en effet d’une véritable mutation qui a lieu sous nos yeux, transformant constamment l’espace par l’enchainement de projections d’images animées.
Fidèles au lieu d’origine, les concepteurs ont gardé la dimension populaire et mémorial qui permet une appréhension directe et sans prérequis théoriques à l’espace où l’art est une plongée dans la beauté, un basculement dans un songe éveillé, une déambulation onirique dans un patrimoine architectural et culturel unique et universel. Il n’y a qu’à voir la marée de visiteurs, de tout âge, qui parcourt les lieux pour mesurer le succès de l’opération et qui à coup sûr marquera durablement le paysage parisien en devenant un lieu culturel incontournable !
Le lieu
Cette ancienne fonderie de fer désaffectée est une halle industrielle de 2 000 m2, qui a gardé sa structure métallique, sa corpulente cheminée centrale, sa mezzanine, sa tour de séchage, son réservoir d’eau et son bassin. La fonderie du Chemin-Vert, créée en 1835 par les frères Plichon, a fermé ses portes en 1933. Elle devient ensuite un lieu d’exposition et de vente de machines-outils durant 65 ans. En 2000, ses portes se referment à nouveau. En 2013 Bruno Monnier, Président de Culturespaces, découvre l’ancienne fonderie inoccupée. Après avoir développé les Carrières de Lumières aux Baux-de-Provence, il a l’idée de créer à Paris le premier Centre d’Art Numérique. La famille Martin, propriétaire des lieux, séduite par ce projet, accepte de lui louer la grande halle et ses annexes. Le 13 avril 2018, après d’importants travaux, l’Atelier des Lumières ouvre ses portes.
Ce nouveau lieu propose des expositions immersives monumentales. Avec 140 vidéoprojecteurs laser Barco et une sonorisation spatialisée avec 50 enceintes à directivité contrôlée Nexo. Cet équipement multimédia épouse 3 300 m2 de surfaces, du sol au plafond, avec des murs s’élevant jusqu’à 10 mètres et fait vivre aux visiteurs une expérience immersive totale avec plus de 3 000 images mises en mouvement, selon le procédé AMIEX.
« Le rôle d’un centre d’art est de décloisonner, et c’est pourquoi le numérique doit prendre sa place dans les expositions du XXIe siècle. Mis au service de la création, il devient un formidable vecteur de diffusion, capable de créer des passerelles entre les époques, de faire vibrer les pratiques artistiques entre elles, d’amplifier les émotions, de toucher le plus grand nombre », explique Bruno Monnier, Président de Culturespaces.
AMIEX
C’est en 2012 que Culturespaces met au point le procédé AMIEX (Art & Music Immersive Experience) et lance sa première exposition immersive aux Carrières de Lumières des Baux-de-Provence, avec les réalisateurs Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Siccardi. Conçues sur-mesure pour épouser totalement l’espace dans lequel elles s’intègrent, ces expositions monumentales reposent sur la dématérialisation des œuvres d’art et leur projection sur d’immenses surfaces en très haute résolution grâce à un équipement numérique hors-norme. Dès que retentit la première note de musique, la technologie s’efface au profit de l’émotion esthétique, suivant un scénario tout en poésie. Totalement immergé dans l’image et la musique, le visiteur est emporté dans une aventure sensorielle qui renouvelle l’approche des plus grands noms de l’histoire de l’art.
« Tous les contenus multimédias de la réalisation doivent être orchestrés dans une composition rigoureuse et fluide, sur une surface de projection de 3 300 m2. Le défi était de s’adapter aux structures et aux proportions exceptionnelles du lieu pour en faire une des plus grandes installations multimédia au monde : murs panoramiques de 80 mètres de base sur 10 mètres de hauteur, surfaces de projection cylindriques… Nous avons dû élaborer tous les contenus visuels en tenant compte de ces contraintes pour qu’ils épousent parfaitement l’espace de cette ancienne fonderie. C’est du sur-mesure ! » Gianfranco Iannuzzi, directeur artistique et coréalisateur.
L’EXPOSITION
L’Atelier des Lumières accueille les visiteurs dans deux espaces : LA HALLE de 1500 m2 et LE STUDIO, espace consacré à la création contemporaine, de 160 m2.
Les programmes long et court, qui tournent en boucle, ont été réalisés par Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto, Massimiliano Siccardi et Ginevra Napoleon.
– Programme long : « Gustav Klimt ». En 6 séquences : La Vienne néoclassique / Klimt et la Sécession viennoise / Klimt et l’or / Klimt et la nature / Egon Schiele / Klimt et les femmes.
A l’occasion du centenaire de la disparition de Gustave Klimt, ses œuvres s’animent en musique sur les immenses murs de la fonderie. Traversant un siècle de peinture viennoise, l’exposition immersive propose un regard original sur le peintre et ses successeurs (dont Egon Schiele, certainement l’un des meilleurs dessinateurs de tous les temps) à travers la mise en scène des portraits, paysages, nus, couleurs et dorures qui ont révolutionné la peinture viennoise dès la fin du XIXe siècle.
Avec la collaboration musicale de Luca Longobardi, une série de morceaux ont été choisis pour rythmer la mise en mouvement des images de séquence en séquence et amplifier l’expérience émotionnelle. Au programme : Wilhelm Richard Wagner, Johann Strauss, Ludwig van Beethoven, Frederic Chopin, Gustav Mahler, Philip Glass…
– Programme court : « Hundertwasser, sur les pas de la Sécession viennoise » avec la collaboration musicale de Luca Longobardi.
Ce deuxième programme invite à découvrir l’œuvre de Friedensreich Hundertwasser (1928 – 2000), dont nous célébrerions les 90 ans en 2018. Il incarne un renouveau artistique, fortement marqué par la révolution instiguée par Klimt.
« Nous souhaitons que le visiteur conserve sa liberté de perception et d’interprétation dans un espace où ses mouvements et déplacements intègrent l’exposition. Immerger le public dans une œuvre tridimensionnelle permet d’amplifier la dimension émotionnelle, pour l’inviter à adopter une attitude plus participative. » Gianfranco Iannuzzi, directeur artistique et coréalisateur.
– Création contemporaine : l’œuvre POETIC_AI par le collectif turc OUCHHH, studio de création numérique basé à Istanbul, Los Angeles et Londres. Cette installation est un voyage onirique qui fait appel à l’Intelligence Artificielle. Cette œuvre contemporaine est une réflexion autour du processus de création visuelle.
Conclusion
La projection d’images numériques à haute résolution permet d’explorer des contrées inédites de la peinture en isolant, grossissant et transformant des éléments, des formes, des couleurs et des détails qui jaillissent comme des apparitions. Cette « loupe grossissante » éclaire l’œuvre d’un nouveau regard et d’une approche spatiale inédite. Pour la première fois, le spectateur fait corps avec les œuvres d’art et peut-être atteint du « syndrome de Stendhal », un trouble psychosomatique décrit par le célèbre écrivain envahi d’émotion devant les toiles de maîtres à Florence. Un état qui sera magistralement porté à l’écran dans le film éponyme de Dario Argento qui anticipait déjà, en 1996, cette plongée immersive dans les tableaux (1).
On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la magie et ses familles d’effets, car il s’agit bien ici comme en prestidigitation d’apparitions, de disparitions, de substitutions, de transformations, mais aussi de changements d’échelle et de couleur. Toute la matière est en constante mutation engendrée par le fondu enchainé et la dématérialisation des pixels. L’installation numérique convoque aussi la MAGIE de l’IMAGE et toute la pensée chamanique qui va avec ; une sorte de rituel digital qui remonte aux sources des croyances par la savante mise en place d’une alchimie picturale et sonore.
Note :
– (1) ARTE TRIP. Depuis 2016, la chaine Arte a développé sur sa plateforme une collection d’expériences numériques de 5 à 10 minutes qui emmène le spectateur dans les grands chefs-d’œuvre de la peinture européenne pour lui faire vivre, sous forme de récit immersif, une expérience renouvelée de la peinture, à la fois sensorielle et documentaire. Grâce à un casque de réalité virtuelle (VR), il se retrouve transporté à l’intérieur d’une œuvre pour découvrir le récit qu’elle recèle, les intentions du peintre et les partis pris de représentation que cela suscite. Des voyages de l’autre côté des toiles qui proposent 9 expériences qui font des oeuvres des espaces déambulatoires fascinants et plein de mystères, à cheval entre le jeu vidéo, l’art et la réalité virtuelle. Au programme : La tentation de St Antoine de Pieter Brueghel l’Ancien (pilote, 2016), Les Ménines de Vélasquez (2017), et la collection 2018 avec : Les noces de Cana de Véronèse, L’île des morts d’Arnold Böcklin, Un bar aux folies Bergère d’Édouard Manet, Condamnés à jouer de Bruegel, Les rêves du Douanier Rousseau, Le Cri de Edvard Munch, L’obsession des Nymphéas de Claude Monet et In tenebris de Caravaggio.
A voir :
– Exposition immersive Gustav Klimt. Du 13 avril 2018 au 6 janvier 2019. L’Atelier des Lumières, 38 rue Saint-Maur – 75011 Paris. Ouvert 7j/7 entre 10h et 18h.
A lire :
– Picasso et les maîtres espagnols. Exposition numérique immersive aux Carrières de Lumières des Baux-de-Provence jusqu’au 6 janvier 2019.
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