Ariann Black (1) est une dame d’une quarantaine d’années bien conservée, issue du Canada et accompagnée de trois danseuses qu’elle a eu l’intelligence de choisir un peu moins jolies qu’elle… Nous sommes quarante dans la salle, autant dire qu’ils ne vont pas faire leurs frais. Devant la scène, un petit proscenium de un mètre carré avec un triple escalier qui permet de descendre devant, à droite et à gauche et je me demande si, pour un artiste qui doit descendre dans la salle, ce n’est pas ça le bonheur ! A gauche de la scène, presque au plafond, pend un vase de plastique vert un peu cheap duquel dépasse un rouleau de papier, le tout dans un rond de poursuite et ceux qui ont fait un peu de magie, comprennent que tôt ou tard, nous allons vivre une prédiction.
Musique et petit ballet des trois danseuses, entrée d’Ariann dans un long manteau ouvert sur le devant. Apparition de deux tourterelles au foulard avec quelques difficultés pour ouvrir « les poches ». Les tourterelles sont mises dans une cage.
Un gros cœur rouge en papier de soie, est déchiré et raccommodé (message subliminal : « je vous aime ! »). Multiplication de foulards « à la Marconiks » avec prise au manteau d’une flûte de champagne puis d’une seconde au tabouret. Une dernière tourterelle prise au manteau au niveau de l’aine (moyen). Elle veut aussi faire du double empalmage et ce n’est pas la partie forte de son numéro. Elle devrait supprimer ça : mains trop petites et manque de force au niveau des doigts.
Vient la disparition des tourterelles utilisant une variation, (en moins bien) d’un principe utilisé par Richardi Jr. Cette disparition suppose que l’on ait une cage ouverte sur le devant avec un couvercle articulé. Celui de Richiardi Jr. se levait comme un couvercle de piano, c’est à dire sans cacher le devant de la cage, alors qu’ici, le couvercle de la cage va basculer complètement et masquer entièrement le devant de celle-ci, un peu comme dans le coffret à prédiction bien connu.
Vient la carte à l’épée avec une histoire. C’est sans aventure, mais bien fait. Puis c’est la cabine spirite sans cabine et faite debout avec un spectateur. C’est une des danseuses qui lève un instant un drap monté sur un bâton. C’est bien mené, le public aime.
Grande illusion : Ariann est placée dans une machine futuriste par une des danseuses. Attachée avec des chaînes et des cadenas pour gagner un peu de temps. La danseuse tire le rideau autour de l’ensemble et c’est Ariann qui ressort tandis que c’est la danseuse qui est maintenant prisonnière : c’est une version améliorée de l’illusion bien connue.
Vient alors la carte Topsy Turvy avec des cartes géantes. Propre. De nouveau une grande illusion, Interlude avec sa danseuse préférée (sportif et bien fait !). Une conception de Jim Steinmeyer avec la danseuse dans la boîte.
Vient alors la prédiction ! Ca m’a fait marrer parce que c’est astucieux et ça marche. Un tableau blanc sur un fin support. La femme qui monte sur scène doit faire trois vœux : et les écrire l’un sous l’autre sur le tableau blanc, en face des chiffres 1,2 et 3, soit : plein d’argent, une nouvelle maison et une nouvelle voiture (encore une qui n’est pas intéressée !) Et c’est là ou ça devient rigolo : ça se passe à jardin.
Une des danseuses apporte une chaise et Ariann monte dessus avec l’aide de la spectatrice qui lui tient la main, afin d’attraper le rouleau de papier qui dépasse du col du vase suspendu. Elle doit se pencher en avant et l’équilibre devient instable. Lorsque le rouleau est complètement sorti du vase, Ariann perd légèrement l’équilibre et se raccroche au rideau de la main droite qui serre le rouleau, et de fait, celui-ci disparaît de la vue une demi seconde et le tour est joué. Ca dure un clin d’œil et le public est persuadé de ne jamais avoir perdu le rouleau de vue. La prédiction est exacte et le public se demande encore comment la chose est possible. Applauss
Disparition au tapis : Ariann est enroulée dans un grand tapis et c’est une substitution avec une danseuse et réapparition par la salle avec coup de sifflet. Asrah avec une des danseuses ; Bien fait. Ballet des danseuses en taps. Puis ouverture du rideau : on retrouve Ariann assise en tailleur sur une pile de coussins orientaux assez épais qui dissimulent en fait une super X. L’idée est rigolote. Une des danseuses retire le coussin du haut et Ariann semble flotter. On ne voit pas le support parce que c’est en fond de scène. Les deux autres danseuses sont debout derrière Ariann et avec leurs bras fabriquent une sorte de statue de Shiva. La danseuse restante apporte une coupe d’eau et des tubes de sables de couleur différentes. Vous l’avez compris, on part pour le Bengale ! Ce qui est intéressant ce sont les six bras qui viennent à point nommé apporter ou remporter les objets au bon moment : ça produit une sorte de ballet bien réglé et très agréable. Reste que pour masquer le truc de la super X, l’éclairage est faible et on ne perçoit pas bien les couleurs.
Puis on va attaquer le final, en taps sur un tabouret de bar…PERDU ! Il ne va pas neiger ! On va par contre avoir droit à une assez jolie routine de bulles de savon avec des petits sujets : la chenille, le manège etc. tels que les faisait Tom Noddi. On rajoute à ça une musique qui monte et deux machines à bulles très performantes et on a un final possible !
Ca fait une gentille soirée de passée pour 30 $ et encore pour ramener du monde c’est « venez à deux, payez pour un ! » A supposer que chaque spectateur ait payé plein pot, quarante personnes à 30 $, ça fait 1200 $ dans la caisse. Il faut payer la salle, la pubbe, les flyers, trois danseuses, un technicien, un contrôleur de salle… La question est : QUI PAIE ? Le casino, qui veut avoir un spectacle à tout prix ? Ou bien l’artiste qui vient travailler quasiment gratuitement afin d’être « booké à Vegas » ? Je ne saurais le dire, mais, Il y a pour moi une paire de choses sûres : il y a quelqu’un qui perd de l’argent et ça ne peut pas durer éternellement.
Note de la rédaction :
(1) Ariann Black, née au Canada à Edmonton, commence la magie à l’âge de cinq ans grâce à un cousin passionné de tours de cartes. Après une première expérience malheureuse dans un magasin de magie lorsqu’elle avait sept ans, Ariann Black se rend à la bibliothèque municipale pour dévorer les livres sur la magie. Elle donne ses premières représentations, à douze ans, déguisée en Alice au pays des merveilles pour des fêtes d’anniversaire,puis à la bibliothèque de sa ville.
Après le lycée, elle prend des cours de théâtre, de danse et de musique au Grant McEwan College d’Edmonton. Influencée par les magiciens Dale Harney et Peter Reveen (1935-2013), elle prend des cours avec Dale Salwack à la Chavez School of Magic et obtient son diplôme en 1987. C’est là qu’elle rencontre Doug Henning qui devient son maître.
Elle devient professionnelle à 19 ans et déménage à New York. Elle commence à gagner sa vie en travaillant au Trump Plaza et au Trump’s Castle à Atlantic City. Elle s’installe ensuite à Las Vegas dans les années 1990. Ariann Black créée son premier spectacle Secrets en 2002, grâce à l’incontournable Johnny Thompson (conseillé privilégié des magiciens de Las Vegas), et investie le Fitzgeralds (actuel The D Las vegas dans Fremont street). Les représentations ne durent qu’un an pour cause de la revente et de la rénovation du casino. Elle intègre en 2004 le spectacle Splash au Riviera en tant que magicienne vedette. En 2006, elle fait partie de la troupe des X girls, the show au Alladin. De 2008 à 2009 elle fait l’ouverture du show de « The Amazing Johnathan » au Sahara puis au Harmon Theater du Planet Hollywood. En 2010, elle reprend son premier spectacle Secrets dans une version rallongée au Westin casino-hôtel.
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