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António CARDINAL

Cardinal's

Sébastien Bazou

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Je m’appelle António Álvaro Guimarães Cardinal officiant sous le nom d’artiste « Cardinal’s » et maintenant « Cardinal ». Je suis né le 26 mars 1942 dans la municipalité et le district de Porto à la paroisse de Miragaia.

António Álvaro Guimarães Cardinal

Vous avez connu la guerre d’indépendance en Angola en étant mobilisé. Comment avez-vous vécu cette période ?

Effectivement, je suis un ancien militaire et vétéran de la guerre d’Angola. À partir de 1961, le climat de guerre régnait dans ce pays, alors colonie portugaise. C’est à ce moment-là que je suis arrivé sur le navire « Vera Cruz » en septembre 1965. Après Luanda, mon bataillon d’artillerie a progressé vers le nord et a déployé ses compagnies opérationnelles à Vista Alegre, Aldeia Viçosa et Bolongongo. D’abord, accompagné de ma famille, de mon épouse et de mon fils, j’ai été stationné à Carmona, puis, pour des raisons logistiques, à Quitexe. Plus tard, de retour au Portugal, ma famille et, pour des raisons de sécurité, le personnel opérationnel a été réparti à Noqui, Cabeço do Tope et Cabeço da Velha. À Luanda, en septembre 1967, j’ai remonté à bord du navire « Vera Cruz » pour faire le voyage du retour vers le Portugal et retourner travailler au Jornal de Noticias. Malheureusement, cette expédition s’est faite avec moins de personnes qui étaient partis avec nous en 1965 !

Quelle est votre formation et votre parcours professionnel ?

J’ai toujours travaillé dans la communication sociale, notamment pendant quarante ans au Jornal de Notícias, le deuxième quotidien national le plus lu au Portugal – où j’ai été chroniqueur sur l’art et l’illusionnisme dans l’édition du dimanche, de 1969 à 1979, avec la rubrique Magia por Cardinal. J’y ai terminé ma carrière comme responsable du service publicité. J’ai également été président du Syndicat des travailleurs de la presse, et directeur du Syndicat des travailleurs du spectacle (zone nord). Je suis actuellement à la retraite.

Comment avez-vous découvert la magie ? Quel a été votre premier déclic ? Comment avez-vous appris ?

J’avoue être né pour l’illusionnisme, influencé par mon père alors que j’avais un peu plus de dix ans. J’ai commencé l’art de l’illusionnisme à l’âge de douze ans, à l’Academia Portuguesa de Ilusionismo (A.P.I.) – transformée en association à partir de 1976 – basée à Porto et dirigée par Martins Oliveira, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la magie, notamment Magia Teatral. J’ai fait mes débuts comme apprenti illusionniste, dans un spectacle à but social, près de chez moi. J’ai ensuite rejoint le Clube Ilusionismo Fenianos (C.I.F.) – une section du Clube Fenianos Portuenses fondé en 1904 – au tout début de sa création quand j’avais seize ans. Ce fut une étape nouvelle et stimulante. L’occasion de rencontrer personnellement des personnes du monde de l’illusionnisme que je ne connaissais jusqu’alors que par ouï-dire. Par la suite, j’ai été le directeur de publication, et un des rédacteurs, du magazine Folha Mágica, l’organe de diffusion du C.F.P. Parmi les artistes de cette époque, Eduardo Franco se distinguait par son style, sa rigueur, son innovation, son imagination et son exigence, tout comme Magiarte, sa maison d’appareils de prestidigitation.

António et Palmira Cardinal

Quelles opportunités ou personnes vous ont aidé ?

Je fus bientôt présenté à un autre illusionniste amateur, lauréat du 1er prix de Magie Générale de la S.I.J. en 1964, Van der Mag (le capitaine Lacerda Machado). Aujourd’hui décédé, un de ses fils a pris la relève, Pedro Lacerda Machado (Van der Mag Jr.), une figure importante de l’illusionnisme national et international, avec qui je me réunis au moins deux fois par an, pour parler et promouvoir l’illusionnisme, que ce soit au Portugal ou à l’étranger. Joferk (Fernando Coimbra), figure emblématique du nord du pays, appréciée également dans le sud, fut celui avec lequel j’ai grandi le plus. Mais, mon modèle et ma référence était Rovit (Vitor Ferreira Alves), un illusionniste qui, avant tout, incarnait sur scène le personnage magique que je souhaitais créer (en l’adaptant à ma personnalité).

Au cours de ma vie, j’ai eu la chance d’avoir rencontré des personnes talentueuses, compétentes, qui se sont entièrement consacrées à l’illusionnisme. Merci à Savil, Alves, Salazar et Madalena, Ana Maria et Eduardo Meixieira, Filipe Monteiro, Eduardo Almeida, Lanydrack & Faty, le C.I.F., le Clube Amigos da Magia (Guto et ChrisMagic), l’A.P.I., Pedro Lacerda Machado, Rui Barata, Paulo Resende, António Bento. Ma gratitude à tous !

Quelles sont vos compétences ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Quelles sont vos distinctions ?

Je me considère comme un illusionniste de scène et de close-up, créant/recréant mes propres effets et routines. Je conçois le tour/effet comme un accessoire, enrichissant ainsi son étude et/ou sa présentation. Pendant un certain temps, je me suis produit avec ma femme Palmira dans des numéros de magie générale et de grandes illusions, puis avec mon fils Paulo dans des spectacles de mentalisme. J’ai joué dans tout le Portugal (Casinos de l’Algarve, Póvoa de Varzim, Espinho, Figueira da Foz, Estoril) du Minho à l’Algarve, en passant par les archipels de Madère et des Açores. Dans les grandes salles de spectacles, telles que le Coliseu (Porto), le Teatro de São Luiz  (Lisbonne), le Teatro Sá da Bandeira (Porto), le Teatro Rivoli (Porto), le Teatro Circo (Braga). Je me suis produit dans le monde entier, aux États-Unis, au Canada, en Espagne, en Allemagne, en Tunisie, au Cap-Vert, en Angola, à Macao (Chine), au Brésil… J’ai partagé la scène à plusieurs reprises avec l’illustre et regrettée chanteuse de fado Amália Rodrigues, l’accompagnant le soir du réveillon du Nouvel An au Casino d’Estoril. Je suis également apparue une centaine de fois sur les chaînes portugaises RTP, SIC et Porto Canal, pour pratiquer ou parler d’illusionnisme. Pendant ma carrière d’illusionniste, j’ai remporté un prix au Festival international d’illusions de Figueira da Foz. Et en 2023, j’ai reçu le Trophée de l’Associação Portuguesa de Ilusionismo (avec la surprise de revoir mon fils, que je n’avais pas vu depuis quatre ans).

António Cardinal au Gala do Circo
Réveillon du Nouvel An au Casino d’Estoril avec la chanteuse Amália Rodrigues et António Cardinal

Quelles sont les performances de magiciens et d’artistes qui vous ont marqué ?

J’ai en mémoire des numéros marquants d’illusionnistes étrangers que j’ai vu : Lance Burton (Grand Prix de la FISM à Lausanne en 1982), Norm Nielsen (de la magie en poème), Tommy Wonder dans son numéro de la cage zombie (2ème prix FISM à La Haye en 1988), The Pendragons, Topas dans son numéro de guitare (2ème prix FISM à La Haye en 1988), Peter Marvey dans le numéro de production tasse/mouchoir (3ème prix FISM en 1994 à Yokoama). J’adore également Channing Pollock, Fred Kaps, Richard Ross, Fred Allen, Fantasio, Philippe Socrate, Juan Mayoral, Jay Scott Berry, Jérôme Murat et mon préféré Finn Jon.

António Cardinal et Luis Olmedo

Quels conseils donneriez-vous à un(e) magicien(ne) débutant(e) ?

Ne confondez pas un montreur de tours et un illusionniste. Le premier réalise des trucs, le second des illusions. De l’illusion naît la magie, et avec elle, l’enchantement, la fascination et le divertissement admiratif. Un bon illusionniste capable de réaliser des effets surprenants et réussis n’a pas besoin de devenir un artiste-jongleur doté d’extraordinaires talents de manipulateur. Il n’est pas non plus indispensable d’acheter ou de dépendre de matériel et d’appareils coûteux. Il suffit d’être un bon artiste, dévoué, studieux et attentif aux différentes évolutions de cet art. Dans la pratique, il faut répéter jusqu’à l’automatisation des gestes et des techniques, sans négliger une notion très importante : l’humilité. Le facteur psychologique est déterminant dans la présentation. Il faut également travailler d’autres notions : l’argumentation, l’intention, la cohérence, la structure, la technique, la dextérité, la cadence, le contrôle et la création d’une atmosphère magique.

Pouvez-vous nous parler des festivals que vous avez organisé à Figueira da Foz et Valongo, ainsi que ceux pour lesquels vous avez été juré ? Leur histoire et leur évolution ?

En tant que président du C.I.F., j’ai présidé et organisé deux festivals internationaux de Figueira da Foz, ainsi que les Porto Mágico (en 1983 et 1984) et les Jornadas Magicas de Lisboa (en 1980).

Dans les années 1960 et, par intermittence, jusqu’au début des années 1990, c’est au festival de magie de Figueira da Foz que les illusionnistes portugais ont trouvé un soutien organisationnel et une reconnaissance internationale. Ce festival a également accueilli les quatre premiers congrès nationaux, qui, pour un domaine alors restrictif, ont fait office de championnat national pour les illusionnistes portugais. L’année de l’annonce du festival, les associations de magie accréditées de l’époque, le Clube Ilusionismo Fenianos de Porto et la section d’illusionnisme Os Josés de Portugal à Lisbonne, donnèrent naissance à l’Associação Portuguesa de Ilusionismo (A.P.I.), un projet qui se concrétisa en 1976. Elles s’activèrent à préparer et à encourager leurs membres et les amateurs d’illusionnisme à concourir dans un festival si prestigieux et respecté que, lors des spectacles de gala, accessibles au grand public, des illusionnistes invités, venus exclusivement de l’étranger, étaient inscrits au programme. Le grand maître Slydini figurait parmi ces invités, tout comme le « Duo Absolon » d’Europe de l’Est. Les activités magiques de chaque festival et/ou Congrès se déroulaient dans les installations luxueuses et bien équipées du Casino Péninsulaire de Figueira da Foz, sans frais pour les organisateurs, qui, dans certains cas, bénéficiaient également de tarifs préférentiels dans les hôtels du groupe Casino. Outre ces avantages, ils ont également bénéficié du soutien (financier et logistique) du secteur touristique local et, bien sûr, de la mairie de Figueira da Foz.

Publicité pour le Casino Péninsulaire de Figueira da Foz (années 1970)

Ce fut une période de grande gloire et de prestige pour les illusionnistes portugais, qui trouvèrent en Fausto Caniceiro da Costa (1914-2006), originaire de Figueira da Foz et né à Soure, une figure unique qui croyait en un projet que beaucoup considéraient comme impossible. Humaniste par excellence, Fausto a consacré une partie de sa vie au monde associatif. Il a travaillé au théâtre, était un poète populaire et un humoriste. À la radio, il racontait des histoires qui sont ensuite devenues des livres. Il s’est également essayé à la musique, mais a toujours gardé une passion particulière pour l’illusionnisme.

VIIIème Congrès de Magie de Figueira da Foz en 1991 présidé par António Cardinal. Les compétitions intégrées aux festivals se déroulent depuis 1966 et sont les plus prestigieuses du Portugal. Des dizaines de concurrents s’affrontent pour remporter des trophées dans neuf disciplines d’illusionnisme différentes.

Avec la mise en place du festival et des congrès, la direction du Casino Péninsulaire, qui fut contrainte de suspendre ses activités habituelles afin de rendre les installations, dont la Salle Principale, pleinement disponibles pour les illusionnistes. Ainsi, 1966, 1973, 1975, 1977, 1979, 1982 et 1986 furent des années de festival, tandis que 1987, 1989, 1991 et 1993 furent des années de Congrès (le Vème Congrès, tenu en 2001, eut lieu dans les villes de Valongo et d’Ermesinde). C’est dans ce contexte que Luís de Matos a remporté le « Prix de la Révélation », le premier d’une longue série au cours de sa brillante carrière. Le partenariat entre le C.F.I et l’A.P.I., chargés d’organiser les derniers événements à Figueira da Foz, sous la présidence à vie de Fausto Caniceiro da Costa, n’a plus bénéficié, après le IVème Congrès, du soutien financier indispensable des services du tourisme et de la municipalité, ce qui a entraîné la suspension des festivals. MagicValongo allait prendre la relève…

Ana Maria Meixieira (présidente du C.I.F.) Antonio Cardinal et Pedro Lacerda Machado (président de l’A.P.I.)

J’ai créé MagicValongo en 1991, avec une équipe exceptionnelle composée de Savil, Fed Allen, Tony Klauf, Mario Adriano, puis Manuel Alves « Valman », Salazar Ribeiro, Madalena Salazar, Ana Maria et Eduardo Meixieira. Cette aventure a abouti à la première édition en 1992. En tant que président et coordinateurs, nous avons inscrit MagicValongo à la FISM jusqu’en 2024, ce qui en fait le plus ancien festival du Portugal et le seul à avoir connu trente-quatre éditions ininterrompues (même pendant la pandémie du Covid).

24ème Festival International d’illusionnisme MagicValongo (septembre 2025)

MagicValongo a fait connaître et a promu la municipalité de Valongo (à 20mn au nord-est de Porto), et a été apprécié et commenté à l’échelle internationale, en accueillant, année après année, les plus grandes figures de l’illusionnisme mondial. De l’Asie aux Amériques, de l’Afrique à l’Europe, MagicValongo est présenté comme un festival international d’illusions où c’est un honneur d’être invité. Voici une liste des nombreux artistes qui se sont produits à Valongo : Jorge Blass, Félix, Xavier Tapias, Jorge Garibo, Txema, Made Martin, Andrély, Dâmaso, Manolo Talman, Rubiales, Jesus Duque, Pablo Segobriga, Cyrille Sinclair, Juan Mayoral, Tony Cachadiña, Enric Magoo, Luís Boyano, MagoMigue, Yunke, Soma, Junge & Junge, Manuel Muerte, Simon Pierro, Topas, Henry Evans, Mirko Gallaci, Rafael, Vic & Fabrini, Huang Zeng, David Stone, Mask, Mathieu Bich, Pilou, Norbert Ferré, Peter Marvey, Robert Giobbi, Luís de Matos, Tina Lenert, Michael Ammar, Rocco, Mike Caneney, Jason Latimer, Jay Scott Berry, Amos Levkovitch, Marc Oberon, Patrick Page, Ali Bongo, Bob Swalding, Finn Jon, Kenji Minemura, Shoot Ogawwa, Jorgos…

Vous qui vivez entre Porto et Macao depuis de nombreuses années, quels sont vos engagements et projets pour cette région, ancien territoire portugais ?

Je promeus l’art de l’illusionnisme à Macao depuis de nombreuses années en développant des spectacles et en collaborant sur des projets. J’ai été président du jury du Festival Internacional de Magia de Macau en 2010. Je suis un invité régulier des festivals lusophones de Macao. J’ai rendu un hommage à São João Bosco à la Livraria Portuguesa en 2015. J’ai été chroniqueur sur l’art et l’illusionnisme, avec la rubrique Magia Entrada Livre (accompagné de conseils politiques) dans le Jornal Tribuna de Macau (JTM) du mercredi, pendant sept ans. J’ai aussi été chroniqueur le lundi matin pour Radio Macau (TDM) pendant environ six mois (mon retour au Portugal ayant interrompu cette activité). C’est là que j’ai réalisé quelque chose de nouveau en diffusant l’illusionnisme à la radio, du jamais « entendu » dans cette région d’Asie. J’ai supervisé, en collaboration avec le psychologue et professeur Miguel Melo, pendant deux années universitaires à l’Escola Portuguesa de Macao (E.P.M.), un cours d’illusionnisme dans le cadre d’une activité extrascolaire. Ce fut une expérience fantastique.

La rubrique Entrada Livre dans le Jornal Tribuna de Macau par António Cardinal

Vous avez été très impliqué dans les associations de magie au Portugal. Quelles étaient vos fonctions ?

J’ai été directeur et président à plusieurs reprises du Clube Ilusionismo Fenianos. Au sein du club parent, j’ai exercé les fonctions de Secrétaire et Vice-Président de l’Assemblée Générale. J’ai collaboré à plusieurs cours d’initiation à l’illusionnisme organisés par le C.I.F. et, en partenariat avec Valman et Joferk, à des cours dispensés dans une école privée de Porto.

Vous qui êtes un fin connaisseur de d’histoire de l’illusionnisme, pouvez-vous nous parler d’une grande figure de la magie portugaise, le Dr. Martins Oliveira ? Qu’a-t-il réalisé dans le développement de l’art magique ?

Le premier quart du XXe siècle a été d’une importance significative, voire décisive, pour l’illusionnisme au Portugal, notamment grâce à l’activité de l’Academia Portuguesa de Ilusionismo (A.P.I), la seule association dans ce domaine à l’époque. Son siège se trouvait à Porto, au 21, Campo Mártires da Pátria, à côté de l’hôpital Santo António et face au Jardim da Cordoaria, qui devance d’un peu plus de 120 mètres la majestueuse Torre dos Clérigos. À l’Académie – à l’initiative de son fondateur et mentor Saturnino José Martins Oliveira, alias Dr. Martins Oliveira, né en novembre 1895 et décédé en mai 1965 – des groupes d’érudits et de praticiens de l’illusionnisme, ainsi que des illusionnistes amateurs et professionnels, se sont réunis pendant plusieurs années pour échanger des tours et/ou acquérir le matériel le plus récent. Il convient de noter qu’à l’époque, les moyens de communication étaient, comparés à ceux d’aujourd’hui, obsolètes, primitifs et faillibles.

Logo de l’Academia Portuguesa de Ilusionismo (A.P.I)
Quelques ouvrage du Dr. Martins Oliveira. Magia do Fogo Volume 1 et 2 (Livraria Castro e Silva, 1958). Magia do Amor (Livraria Castro e Silva, 1959). Magia do Século XX (Livraria Castro e Silva,1959). Magia do Hipnotismo (Livraria Castro e Silva, 1959).

L’admission des membres et des collaborateurs à l’Académie obéissait à des critères (subjectifs et occasionnels) déterminés exclusivement par Martins Oliveira, qui, il faut le dire, a laissé un héritage écrit précieux et considérable. Une grande partie de cet héritage a été transmise sous forme d’ouvrages, parmi lesquels on peut citer Magia Teatral, Magia do Século XX, Magia do Hipnotismo et Magia do Fogo. Ces œuvres, encore aujourd’hui, ne nous échappent pas lorsque nous les relisons. La première édition du livre Magia Teatral, en un seul volume, date de 1940 et a été publiée avec environ 300 pages, la deuxième édition (1er volume) parut en 1948 avec 344 pages, suivie la même année par le 2ème volume avec environ 500 pages. Le sous-titre, sur la première page, du livre Magia Teatral, indiquait : « Avec les dernières inventions et découvertes de l’illusionnisme moderne… ». Le livre Magia do Século XX, d’un peu plus de 200 pages, annonçait : « Les tours d’illusionniste les plus modernes à réaliser dans les salles, les théâtres et les cirques… ». Et, si l’on reprend la notice du livre Magia do Hipnotismo, de près de 400 pages, on peut lire : « La science moderne de la subjugation des sens… ». Tous ces ouvrages ont été publiés par les Éditions Progredior – Gaia, l’éditeur qui, situé Rua 31 de Janeiro (anciennement Rua de St° António) à Porto, possédait la librairie Progredior où, entre autres, ces livres étaient vendus. Martins Oliveira est également l’auteur de O Ilusionista, publié en plusieurs parties entre 1921 et 1922, première publication périodique de la péninsule ibérique.

Les positions de Martins Oliveira reposaient essentiellement sur le fait de ne pas fournir aux aspirants magiciens des connaissances qui permettraient à l’illusionnisme de devenir un élément simplifié à des fins commerciales, se limitant à un simple spectacle de divertissement. C’est ainsi qu’un groupe émergea, d’abord au sein de l’Académie, puis en dehors, prônant une autre vision de l’illusionnisme, l’éloignant définitivement du surnaturel.

Qu’en est-il du Dr Fernando José Pires de Carvalho, fondateur du T.I.T. et du C.I.F. ?

Les échanges d’arguments virulents, parfois à la limite de l’insulte, entre Martins Oliveira et le Dr Fernando José Pires de Carvalho sont devenus célèbres et sont entrés dans l’histoire. Le Dr Pires s’exprima dans des textes incendiaires publiés dans le journal du soir aujourd’hui disparu Diário do Norte (de Porto), où il fustigeait Martins Oliveira et dénigrait son travail. Cette « bataille verbale » préjudiciable a entraîné l’affaiblissement, puis la disparition, de l’Academia Portuguesa de Ilusionismo. De ce conflit est née le Tertúlia Ilusionista Tripeira (T.I.T.) en 1957, dirigée, entre autres, par Pires de Carvalho, Armindo de Matos et Eduardo Franco. Ce rassemblement d’illusionnistes organisa la Fête de Saint-Jean-Bosco et le premier festival de magie à la Pousada do Lidador, située à la frontière des municipalités de Matosinhos et de Maia. Le T.I.T. se dissout en 1959, donnant naissance au Clube Ilusionista Fenianos (C.I.F.), doté de ses propres statuts et organes directeurs – une Assemblée générale, un Conseil d’administration et un Conseil fiscal –, hébergé dans les locaux du Clube Fenianos Portuense, où il est toujours actif.

Logo du C.I.F. (Clube Ilusionista Fenianos basé à Porto)

Quant à Armindo de Matos et Eduardo Franco ils étaient également les fondateurs de Magiarte, à l’origine de nombreux spectacles de magie organisés, presque toujours, à l’hôtel Sidnay de Santo Tirso. Magiarte était une référence créative de premier plan à l’époque, et un créateur de tours et d’appareils qui, grâce à leur qualité reconnue dans les cercles magiques internationaux, s’est même exporté dans plusieurs pays européens et aux États-Unis.

Comment la magie s’est développée au Portugal dans les années 1950 ?

La libération de l’illusionnisme au Portugal a commencé en mars 1957 avec des émissions régulières à la radio et à la télévision portugaises, bien que des émissions expérimentales sur RTP débutèrent en septembre 1956, depuis la Feira Popular de Lisbonne (aujourd’hui disparue). C’est grâce à ces émissions que l’illusionnisme et, naturellement, ses praticiens gagnèrent du terrain, acquérant une existence artistique et l’opportunité d’une reconnaissance « nouvelle » et distincte dans le monde du spectacle. Les mythes et le secret qui régnaient auparavant dans les rassemblements créés pour « créer, nourrir et préserver des secrets » et élever ce qui n’était rien d’autre qu’un simple divertissement, furent dissipés, devenant captifs et dépendants d’une « performance surhumaine transcendante ». Les sages et les maîtres du silence furent contraints de s’abandonner aux merveilles de l’art de l’illusionnisme et, peu à peu, commencèrent à l’abandonner. L’illusionnisme devint une forme de divertissement libre, tout en restant rigoureux et en gagnant chaque jour de nouveaux praticiens et adeptes.

La première association magique a été créée en 1959 à Porto avec le Clube Ilusionismo Fenianos (C.I.F.), organisant, diffusant et développant la pratique de l’illusionnisme amateur et professionnelle en corporation. À Lisbonne, la section d’illusionnisme Os Josés de Portugal (S.I.J.), créée en 1962, étaient un paradis pour les magiciens. Je me souviens de Saiur, Le-A-Far, le professeur Oger, Rolão, Herbert, Camacho Barriga, Amílcar, Barbas Cardoso (Osodrac), Fernando Lima (j’ai passé de longs séjours avec lui à Macao) et Jorge Teixeira, avec lequel j’ai discuté plusieurs fois à Macao au Café Caravela. Au sud du Portugal, les noms de Horcar, Rovit et Jodivil brillaient également. Entre réunions, conférences et expositions, la S.I.J. organisa, en 1964, un concours inter-membres dont le classement final se solda par : le 1er prix en Magie Générale pour Van der Mag, le 1er prix de Magie Humoristique pour Jodivil, le 1er prix de Mentalisme pour Dr. Cardoso, et le 1er prix de Manipulation pour Horcar.

Festival de iIusionismo St João Bosco 2024 organisé par le Clube Ilusionismo Fenianos

Aujourd’hui les festivals organisés au Portugal par les clubs et les associations de magie sont rares et manquent de relève. Nous semblons nombreux, mais en réalité, nous sommes si peu : le C.I.F., l’A.P.I., MagicValongo et le Clube Amigos da Magia (C.A.M.). Il est nécessaire d’expliquer aux nouveaux venus, à ceux qui viendront, que les associations sont indispensables pour la promotion et la diffusion des arts magiques. Le prestige, la reconnaissance et le développement de l’illusionnisme sont en grande partie dus à la FISM et, bien sûr, aux clubs et aux associations. Le Portugal compte officiellement trois représentants à la FISM : le Clube Ilusionismo Fenianos (C.I.F.), l’ Associação Portuguesa de Ilusionismo (A.P.I.) et l’Association MagicValongo

Quel est votre point de vue sur la magie actuelle et son évolution ?

L’avenir est inquiétant. De nos jours, les casinos ont fermé leurs portes aux illusionnistes. Les spectacles de variétés se font rares, les représentations de Noël s’éloignent de plus en plus de l’illusionnisme, et les spectacles solo se cristallisent en un seul show, souvent d’entreprise ou pour des marques célèbres. Il y a quelques spectacles de magie diffusés à la télévision. Par exemple : ceux de 2023 étaient-ils une affirmation de l’art de l’illusionnisme ou une impulsion, capable d’encourager de nouveaux adeptes ou disciples de l’art magique ? Ce qu’ils nous ont montré était un tour d’illusionnisme dans une présentation sans créativité, sans âme, sans illusion ni magie. Est-ce réducteur ? Le spectateur se serait demandé (je me suis demandé) : l’illusionnisme se limite-t-il à cela ? Une petite conversation avec le présentateur, une carte « devinée », une carte « montante et descendante » et… je suis passé à la télévision ! Beauté, suspense, enchantement, art, illusion, couleur, méthode, critères, logique et connexion étaient absents ! L’opérateur n’identifiait ni ne stabilisait, et encore moins ne régularisait, le personnage de l’illusionniste.

António Cardinal
António Cardinal exécutant son numéro de salon

Comment définissez-vous l’illusionnisme ?

Pour moi, l’illusionnisme est une utopie en constante évolution. C’est dans l’utopie que nous réalisons ce que la science aspire à matérialiser. J’ai toujours œuvré pour la diffusion de l’art de l’illusionnisme de manière « littéraire » en écrivant des articles et présentant des réflexions lors de conférences ou d’interviews. L’illusionnisme comme un art qui se recrée et se réinvente, dans une anticipation théorique constante de l’application pratique de l’effet. L’illusionnisme exige la contemplation comme art, l’apprentissage comme culture, la recherche comme science, le dynamisme comme créativité et le dévouement comme divertissement. L’art magique a pour pire ennemi les « modes ». Il exige un dynamisme constant pour s’adapter aux évolutions techniques et intellectuelles impératives qui bouleversent le monde d’heure en heure. Plus qu’un acte d’empathie, l’art de l’illusion est aussi une connexion d’émotions.

J’aimerais terminer cette entrevue par une citation attribuée à Albert Einstein : « L’imagination est plus importante que la connaissance. La connaissance est limitée, mais la fantaisie englobe le monde entier. » Cette pensée devrait, à mon avis, dominer les préoccupations des différents acteurs de notre art.

Interview réalisée en septembre 2025. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : António Cardinal. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.

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Classé sous :HISTOIRE, PAROLES DE MAGICIEN.NE.S

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Numéro de déclaration à la CNIL : 1167832
ISSN 2276-3341

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Mis à jour le : 13 octobre 2025 @ 11 h 53 min


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