Extrait de la revue L’Illusionniste, N°109 de janvier 1911
Désirant donner à Albany sa place méritée dans la galerie d’artistes que L’Illusionniste présente à ses lecteurs, nous avions demandé à notre sympathique confrère les quelques notes nécessaires pour compléter sa Biographie, laquelle devait inaugurer cette année 1911. En réponse à notre proposition, une lettre datée du 11 Décembre dernier nous annonçait la remise de ces notes pour un très prochain lendemain. Puis, quelques jours se passent, et soudain, aussi inattendue qu’une catastrophe, c’est la nouvelle de la mort d’Albany qui vient nous frapper, et changer en un désolant article nécrologique, la biographie que joyeusement, nous nous apprêtions à lui dédier ! Les regrets qui l’accompagnent aujourd’hui viennent du cœur de tous ceux qui le connurent ou seulement l’approchèrent, et cette unanime douleur est certainement le plus précieux hommage rendu à la mémoire de celui qui, jusqu’à la fin, ne se vit entouré que d’amis. N’est ce pas aussi le plus grand éloge a lui adresser ?
Pour parler de l’artiste, il faudrait des chapitres, car par la variété de son talent, Albany embrassait certainement toutes les branches de l’art : Gymnaste, imitateur, comédien, mime, parodiste, manipulateur ou musicien, ce charmant humoriste était universel et, dans chacune de ses incarnations il remportait le plus juste et le plus constant succès. Albany fut le meilleur des camarades et le plus fidèle des amis, très lié pendant des années avec Buatier de Kolta, il fut le seul prestidigitateur à en recevoir des confidences sur le métier. II fut aussi l’ami de Moreau. C’est à lui que nous devons la mise à la scène du « Chapeau de Tabarin». Fusier présenta le premier ce numéro ; mais ce fut Albany qui le lui montra. Il le tenait lui même du fameux Papillon, qui l’exhibait sur la place publique. De même provenance : l’Eventail à transformations.
Albany était très documenté sur tout ce qui touchait aux trucs, et d’une discrétion poussée à l’extrême. On pouvait lui confier ses idées et ses projets ; nous l’appelions, entre nous, le tombeau des secrets. Polyglotte accompli, il parlait toutes les langues européennes. Ajoutons pour les historiographes, que son vrai nom était : Adrien-Louis Coussinet. Il était né le 27 juin 1851, et c’est le 27 décembre dernier, qu’après une courte maladie de six jours, l’imposant cortège de ses amis l’accompagnait à sa dernière demeure, dans le caveau que possède sa famille au cimetière de St-Ouen. Le corbillard disparaissait sous les fleurs et les couronnes. Parmi ces dernières, on remarquait celle offerte par la Chambre syndicale de la Prestidigitation. Albany nous a été ravi en pleine force, en pleine réussite ; son sort est peut être à envier, à lui qui ne connut nulle défaillance et à qui la vie n’apporta aucune déception.
Jean Caroly
Note de Didier Morax :
Dans l’article de l’illusionniste, il n’est pas mentionné que Albany Coussinet a été sociétaire du Théâtre Robert-Houdin, itinérant sous la direction de Georges Méliès. Il jouait dans Les Fantômes du Nil , les photos ci-dessus en sont la preuve. Il est également au programme de la séance donnée au Théâtre Robert-Houdin au profit des inondés le 9 mars 1910.
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