Du Canada à la France
« Rêver ne tient qu’à un fil », aime à répéter Alain Choquette. « Né sur une ferme » dans le village de Sainte-Adèle, au nord de Montréal, il n’a que 8 ans quand son père fait apparaître dans sa main un foulard rouge. Si son géniteur souhaite qu’il devienne médecin, il ne l’empêchera jamais d’exaucer son vœu le plus cher : être magicien. Depuis Alain Choquette s’est produit devant des milliers de spectateurs au Canada et aux États-Unis. Dans les casinos de Las Vegas (où il a produit quatre spectacles, dont celui de l’inauguration du Casino Paris- Las Vegas en 1999), mais aussi dans des écoles et des maisons de retraite.
Son cinquième spectacle était un One Man Show particulier car il présentait de la micro magie pour des grandes salles grâce à des écrans géants.
David Copperfield a même collaboré avec lui, notamment, en reprenant certains de ses tours dont le mythique As de son père présenté sur un écran géant (Grandpa’s Aces).
Après une tournée de conférences en France en 2009, il a testé le public parisien au Théâtre du Gymnase en 2012 avec un premier spectacle intitulé Alain Choquette et Vous pour ensuite intégrer l’équipe du Comedy Magik Cho d’ Arturo Brachetti en 2013. L’année suivante marquera le début de son one man show magique triomphal.
Introduction
Sur scène sont disposés cinq socles rétroéclairés en métal, numérotés de 1 à 5 (les numéros sont sculptés dans la forme). Alain Choquette arrive en tenue décontractée, jean/chemise. Le personnage est d’emblée accessible, souriant, cool et enjoué. Cet « énième » québécois part avec un avantage énorme : un capital sympathie maximal et commence son spectacle par un tour de cartes qu’il adore.
Le magicien exécute ce fameux numéro avec trois cartes géantes où il faut retrouver le roi perdu entre deux cartes noires. Après différents mélanges, les spectateurs se trompent immanquablement.
« Ce soir, je vais vous étonner, vous bluffer, mais surtout, je vais vous traiter comme des rois ! » Sur ses dernières paroles, les trois cartes se transforment en rois.
Faites comme moi
Tous les spectateurs de la salle sont invités à se saisir d’un jeu de cartes qui leur a été distribué à l’entrée de la salle. Celui-ci est entouré d’un élastique et mis dans une enveloppe.
Sur les instructions données pas à pas par le magicien, le public va exécuter les mêmes mouvements que ce dernier. 1/3 des cartes sont retournées face en haut, 2/3 face en bas, une carte est retournée face en bas et une autre est retournée face en haut, etc. L’opération est répétée et arrivé à la phase finale, tout le monde se retrouve avec la même carte retournée face en haut ! Une variante du tour participatif, à très fort impact, déjà présenté au Comedy Magik Cho en 2013 et au Plus Grand Cabaret du Monde sur France 2.
Le fil hindou (The Gypsy Thread)
Ce tour est l’un des préférés de son auteur depuis 28 ans, parce qu’il parle de lui, de son histoire, de son parcours depuis son enfance. C’est un formidable vecteur qui permet au magicien de « tisser » des liens avec les gens et de « toucher » chacun d’entre eux grâce à des expériences communes. Ainsi, Choquette raconte que la timidité, sa timidité peut tout casser (il coupe le fil). Il était amoureux d’une fille, mais ce fut sa première peine d’amour (cœur brisé, cassé). Il était sportif, mais après une vilaine chute : jambe cassée, bras cassé… Et, pour finir, la relation père/fils (qui est au centre de son spectacle) fut cassée en mille morceaux.
« Mais j’y ai cru ! Je les ai tous réunis en un lien qui nous fait croire que le rêve ne tient qu’à un fil. » Fil reconstitué au final. Le magicien a présenté une variante de ce tour avec du fil fluorescent traité à la peinture ultra-violet qui est à l’origine accompagné d’un poème de Gilles Vigneault.
Les défis
Une enveloppe à prédiction et un coffre contenant un document roulé sont confiés à deux spectateurs dans la salle (ils serviront de révélations plus tard dans le spectacle).
« Pour réaliser ses rêves, il faut relever des défis. Vous français, vous êtes des cartésiens. Ceux qui veulent me défier, venez sur scène ! »
Quatre personnes montent sur scène et vont participer chacune leur tour à un numéro.
Le magicien discute longuement avec la première personne pour « rentrer dans son intimité ». Il va vérifier son intelligence grâce à une petite boule noire qu’il fait rebondir au sol. Il confie celle-ci au spectateur mais elle ne rebondit plus et tombe à plat (Gag : « bonjour le niveau… »)
Le défi commence et sera constitué de 5 étapes correspondant aux socles disposés sur scène.
Le magicien mélange un jeu de cartes et coupe sur les 4 as qui sont retournés face en haut. Il demande ensuite au premier spectateur de toucher une carte face en bas et de la placer au centre de la table. « 8 fois sur 10, la carte représente la personnalité de celui qui l’a choisie » Le magicien retourne la carte qui correspond selon lui à « l’idiot du Canada » (leitmotiv). Une prédiction est placée de côté par le magicien. Le spectateur reprend une carte au hasard. La prédiction est retournée et correspond à la moitié de la valeur de la carte impaire choisie (3 ½).
Le magicien discute un peu avec la deuxième personne et lui propose de retrouver un roi de cœur à dos rouge parmi trois cartes blanches. Après avoir mélangé les cartes, le spectateur perd à chaque fois. Au final, les cartes sont toutes blanches recto/verso.
Le magicien propose un super défi au troisième spectateur. Il lui demande de toucher une carte n’importe où dans un jeu et de la placer face en bas sur la table. Il confie alors un jeu invisible à un autre spectateur et lui demande de mélanger les cartes imaginaires, d’en choisir une et de la nommer. La carte correspond à celle tirée par le troisième spectateur.
Défi n°5 pour le quatrième et dernier participants avec le tour du gobelet (chop cup) et de la balle. Le but est de deviner ou se trouve la balle : dans la main ou sous le gobelet ? Evidemment le spectateur perd à tous les coups. Au final, un citron apparaît sous le gobelet.
Les cinq défis s’enchaînent sans temps morts et sont d’une redoutable efficacité.
Brainwave
« Conclusion, personne n’est arrivé à relever un défi, alors je vais me lancer moi-même ! »
Sur ses paroles, le magicien montre un bocal rempli de 52 jeux de cartes encore dans leur étui cellophané. Dans chaque jeu, il y a une carte retournée.
Un spectateur choisi 4 jeux au hasard, et sélectionne un seul jeu pour finir. Le magicien dit avoir droit à 3 jokers (en référence à l’émission de télé Qui veut gagner des millions ?)
Main gauche ou main droite ? 50/50 : choix du public, gauche ou droite ? (reste deux jeux). Appel à un ami : il demande aux spectateurs d’appeler une personne de leur répertoire et sélectionne trois d’entre eux sur scène.
Au premier, il lui demande de choisir rouge ou noire ? Au second : cœur ou carreau ? Au troisième : un chiffre de 1 à 13 pour déterminer la valeur de la carte.
Le magicien récapitule toutes les actions menées (à la manière de Robert-Houdin) pour bien encrer dans la tête des gens que dans cette situation il est impossible de prédire une carte à l’avance par l’intermédiaire d’une foule de personnes interposées choisies au hasard ! Et pourtant, le jeu sélectionné par différente personne révèle en son centre une carte retournée qui s’avère être la bonne.
Il fallait du culot pour oser présenter ce tour ultra classique, connu de tous, même des profanes et vendu dans certaine boîte de magie. Alain Choquette a relevé le défi en déconstruisant ce que tout le monde sait ou croit savoir (le modus operandi) pour transfigurer le truc en un grand moment de tension dramatique et de crescendo.
Le tour du foulard
« Le premier tour que j’ai appris fut celui du foulard en oeuf. »
Le magicien fait venir sur scène une petite fille et exécute la classique transformation du foulard en œuf dans le poing. Le foulard est retrouvé dans une boîte. Le truc est révélé par l’intermédiaire d’un trou mais au final une surprise attend la jeune fille sous forme d’une gommette de la même couleur que le foulard. « Je te donne ce trou que tu placeras sous ton oreiller pour qu’il se transforme en une pièce de deux euros ! » (Message en forme de clin d’œil aux parents).
Alain Choquette profite de ce moment pour adresser un message à son père qui ne l’a jamais vu sur scène et qui lui a appris ce premier tour de magie.
Les mots du tableau
« Il me faut une dame entre 25 et 45 ans, levez-vous mesdames svp. Les timides asseyez-vous… »
Une femme arrive sur scène devant un paperboard. Le magicien lui demande de répondre à 9 questions (le prénom de sa meilleure amie, le nom de son amoureux, l’alcool qu’elle n’aime pas, ses sous-vêtements préférés, une personnalité française, etc.)
Toutes ces informations sont écrites sur le tableau. Le magicien demande au spectateur dans la salle de lui remettre le coffre du début du spectacle où se trouve une feuille enroulée. Celle-ci est prise par la spectatrice elle-même qui lit une histoire qui contient les 9 mots qu’elle a énoncés plus tôt !
Révélation au programme
« Tous les hommes mariés se lèvent »
Un parpaing en mousse est jeté dans la salle pour sélectionner un spectateur.
« Monsieur, je vais contrôler toutes vos décisions ! »
Le magicien lui demande de choisir un journal parmi trois, de sélectionner une page, de la déchirer en deux parties, de la déchirer encore jusqu’à ce qu’il ne reste que deux petites boulettes. Choix d’une boulette et choix d’un mot complet à l’intérieur. Une fois le mot sélectionné et révélé au public, le magicien demande à toute la salle de prendre le programme du spectacle et de poser son pouce sur une partie bien précise de l’image qui révèle (par la chaleur) le mot sélectionné du début.
L’impact de cette routine est fabuleuse et sa construction, une fois de plus, remarquable. L’idée d’utiliser la plaquette du programme amène un véritable sens à l’interaction souhaitée par le magicien avec son public.
Ultime Prédiction
« Maintenant, tout le monde dans la salle se lève avec un objet personnel au bout de ses doigts. »
Le magicien écrit une prédiction sur une feuille visible de tous. Ensuite, la salle est « divisée » en sections et en chiffres pour choisir un spectateur au hasard. A chaque questions d’Alain Choquette, la salle répond et donne son choix : homme ou femme ? + ou – de 50 ans ? Cheveux ou pas cheveux ? Pâle ou foncé ? Droite ou gauche ? Choisissez 5 personnes, puis 3, puis 2 puis 1 seule.
Le magicien récapitule les nombreuses actions menées et demande à la personne sélectionnée de montrer son objet personnel. Le magicien dévoile sa prédiction sur laquelle est marqué le nom du même objet. Il demande ensuite le nom du spectateur et celui-ci se retrouve également inscrit sur la prédiction !
L’histoire personnalisée
Pour faire retomber la pression des révélations en chaîne (trois séries de prédictions allant crescendo), le magicien reprend son jeu de cartes et entame une histoire « en image » avec les 52 cartes en enchaînant les révélations par son texte qui est personnalisé par rapport au premier spectateur sélectionné dans le défi de la balle. Ainsi, après avoir mélangé le jeu, Choquette coupe sur une carte qui se révèle être la carte qui correspond à « l’idiot du Canada » (leitmotiv).
Ce tour très réussi est une bouffée d’oxygène pour le public qui rit de bon cœur aux déboires et à la vie trépidante de ce spectateur fétiche affublé d’un surnom rigolo (ce détail important marquera durablement les gens).
Les papillons
Le magicien s’assoie sur une chaise avec un éventail et conclu son spectacle avec une métaphore très explicite et poétique :
« J’ai un symbole qui m’inspire : le papillon monarque (orange et noir). Son défi c’est d’arriver au Mexique. C’est pour moi un symbole de courage extraordinaire. »
Il déchire des morceaux de papier.
« J’aimerais ce soir vous offrir à chacun d’entre vous un papillon »
Les papiers déchirés se transforment en des centaines de papillons qui volent dans toute la salle dans un effet extraordinaire. Avec ce tour de la neige japonaise revisitée, Choquette atteint des sommets de poésie métaphorique et touche au cœur les spectateurs.
Il finit sur une touche nostalgique en parlant de son père et enfonce le clou de l’émotion (sincère). Bravo l’artiste !
Conclusion
Alain Choquette nous donne une véritable leçon de présentation et de modestie. Si au premier abord, le magicien qui est en nous constate la grande simplicité et le classicisme de son répertoire, il est ensuite conquis et fasciné par la mise en scène de chaque routine. Des routines qui deviennent des modèles de structures dramatiques. Le magicien québécois a compris qu’il vaut mieux réviser ses classiques, travailler des techniques et des tours de « bases » en se les appropriant et en les « rodant » sans cesse, plutôt que de courir « la nouveauté » et se perdre dans un répertoire qui ne nous correspond pas !
Le prodige d’Alain Choquette est d’installer au fur et à mesure de la représentation une véritable communion entre chaque spectateur, ce qui rend le moment encore plus inoubliable au-delà des tours de magie et de l’esbroufe facile. Le sens du relationnel et du contact du magicien font des merveilles.
Chaque intermède est ponctué de moments musicaux sur lesquels le magicien se dandine comme un enfant espiègle et rieur, visiblement très content d’être là où il est. Ces petits moments anodins, qui pourraient être « déplacés » renforcent admirablement l’idée d’intimité qu’Alain Choquette a voulu instaurer avec son public.
Un extraordinaire spectacle, émouvant, drôle et touchant qui démontre avec brio qu’au-delà de la discipline artistique, la simplicité et la sincérité sont les clés de la réussite.
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