David Devant commence la magie à l’âge de quinze ans après avoir lu un livre de prestidigitation. Après avoir vu un tableau intitulé David devant Goliath, il adopte ce pseudonyme en 1885. Devant apparu alors dans des théâtres provinciaux anglais à la grande époque de l’Egyptian Hall et des célèbres J.N Maskelyne and Cooke, associés en magie. Son illusion Vice-versa (1) fut découverte par Maskelyne au Trocadero Music-Hall de Londres, et celui-ci demanda à Devant de lui en proposer d’autres pour d’éventuelles représentations à l’Egyptian Hall. Devant parut pour la première fois sur la scène de « la maison des mystères » en 1893 et fut engagé avec son impressionnant Rêve de l’artiste. Maskelyne le chargea ensuite de la direction d’une tournée provinciale (« Maskelyne and Cooke’s mysteries »), qui prolongeait dans les comtés britanniques la renommé du théâtre londonien. Devant fit sa première apparition dans Trapped by Magic, une pièce magique de J.N Maskelyne en 1897, où il joue le rôle d’un jongleur japonais.
Publicité pour le spectacle itinérant de David Devant (1894) où l’on retrouve son répertoire de prestidigitation, d’illusion (Vice Versa, The artist’s dream), d’ombres chinoises et de transmission de pensée avec sa femme Marion Melville Devant (The Davenport collection).
En tant que membre de l’association Maskelyne and Cooke, et impressionné par les nouveaux « films » présentés par les frères Lumière via Félicien Trewey en 1896 à la Royal Polytechnic Institution, Devant essaya de projeter quelques pellicules à l’Egyptian Hall en louant un appareil à R.W. Paul. Malgré la réticence de Maskelyne, la réaction du public fut extrêmement favorable et il remporta un véritable succès avec « les images animées de Mr. David Devant, dirigées par Maskelyne and Cooke, de l’Egyptian Hall, Piccadilly ». Devant tourna même des séquences lui-même afin de les présenter en public.
Le partenariat de J.N Maskelyne et de George Alfred Cooke, se termina à la mort de ce dernier en 1905, avant que l’Egyptian Hall ne soit « rasé ». Maskelyne rénova le Saint-George’s Hall dont il fit un nouveau foyer pour ses réalisations magiques. Son premier spectacle, une pièce de science-fiction, fut un échec, aussi demanda-t-il à David Devant de revenir à Londres et de lui prêter son concours en tant que nouvel associé, directeur et gérant sous le nom de « Maskelyne and Devant ».
David Devant dans StrandMagazine en 1910.
Devant retransforma les spectacles dans le sens de ce que voulait le public. Leur troupe fit des tournées en Grande-Bretagne, en Europe, et aux Etats-Unis. Quand il ne se produisait pas, Devant mettait au point des illusions nouvelles. En 1912, il fait revenir sur le devant de la scène Charles Morritt, « le maître des miroirs » (qui avait déjà travailler avec Maskelyne à l’Egyptian Hall dès 1888) qui présentera sa fameuse Disparition de l’âne et créera plusieurs illusions marquantes dont Beauty and the Beast et Ragtime Magic jusqu’en 1914.
Devant resta au Saint-George’s Hall jusqu’en 1915 et donna sa démission sur un avis médical. Devant fut victime de troubles nerveux qui lui firent trembler des mains, et sentit qu’il ne pouvait continuer davantage. Mais au bout de quelques mois, il revint au spectacle, et inventa des illusions nouvelles, à ajouter à celles déjà célèbres dont : le Commissionnaire disséqué, le Grand Tour de la corde indienne, le Petit Déjeuner du géant, et le Miroir magique. Il mettra un terme à sa carrière scénique en 1920.
Le Petit Déjeuner du géant.
Devant écrivit des livres sur la magie, forma de jeunes illusionnistes d’avenir et créa des illusions nouvelles. Il mourut à soixante-treize ans, en 1941. Il est le co-auteur d’un ouvrage incontournable Our Magic écrit avec Nevil Maskelyne (fils) en 1911.
Ses tours les plus marquants
– Le rêve de l’artiste (1893). Un peintre fatigué de peindre le portrait en pied d’une dame, s’endormait et rêvait qu’elle descendait de sa toile… ce qu’elle faisait. David Devant présentait cet effet avec sa propre femme Marion.
– The Birth of Flora (1895). Un bol de feu transformé en un panier de fleurs à partir duquel une femme apparaîssait.
– La Sylphe (1902), Une lévitation où Devant fut un des premiers à passer un cerceau autour du corps de la femme volante sur le modèle initié par J.N. Maskelyne.
– La bouilloire mystique (ou complaisante) (1905). Tour Inspiré des vases magiques du IVème siècle avant J.C et de la bouteille inépuisable de Robert-Houdin. L’ancêtre du Barman du Diable (2).
Devant et Morritt dans le numéro de La bouilloire mystique en 1905 (Photo : courtesy The Magic Circle, London).
– Mascot Moth (La Phalène mascotte ou La femme papillon) (1905). Etendant les bras, le magicien faisait apparaître peu à peu dans l’espace un gros papillon à tête de femme qui semblait être attiré par la lueur du chandelier qu’il lui présentait. Au moment où la flamme allait consumer ses ailes multicolores, la femme papillon les repliait sur son visage et l’apparition s’évanouissait dans un éclair. Cet effet spectaculaire et extrêmement complexe à mettre en place fut présenté pour les premières représentations de Maskelyne et Devant au St George Hall. La femme papillon a été reprise par Doug Henning dans son spectacle Merlin (1983) avec l’aide de Jim Steinmeyer. Siegfried and Roy présenteront également l’illusion dans leur show au Mirage de Las Vegas.
– La grotte du Gnome. Le décor représentait une caverne où vivait un ermite. Le solitaire recevait la visite d’un chevalier accompagné d’un serveur ; ce visiteur voulait savoir certaines choses au sujet de la dame de ses pensées. L’ermite s’engageait à le satisfaire et construisait une petite boîte sur une plate-forme. Soudain, la boîte se partageait en deux et un gnome rouge apparaissait, tenant dans la main une énorme pépite d’or d’où émergeait une tête de sphinx récitant une prophétie. Après maintes métamorphoses, le sketch se terminait par un arc-en-ciel dans lequel se matérialisait la belle du chevalier.
– La corde hindoue (1908). Devant reproduisit exactement le scénario « retransmis » depuis des siècles.
– Translucidité (1909). Une expérience de télépathie présentée avec Dora (la sœur de Devant), où des phrases écrites sur des papiers sont lues à distance par celle-ci.
– Le petit soldat de chocolat. Un assistant costumé en soldat de la garde britannique entrait en scène au pas cadencé et, passant derrière un drapeau, se transformait en un petit jouet mécanique marchant toujours au rythme de la musique. Devant cassait alors un doigt du personnage et le donnait à manger aux enfants qui découvraient qu’il était en chocolat.
– Hypotyposis ou Le miroir magique (1911). Une illusion qui semblait faire se matérialiser des images du passé, du présent et du futur dans une grande psyché. Devant utilisait une vision du diable pour représenter un avenir sombre. A la fin de l’illusion, le magicien disparaissait et réapparaissait dans le miroir.
– Boy, Girl and Eggs (Le tour des oeufs). David Devant invitait sur scène deux enfants pour lui servir d’assistants. Il montrait un chapeau vide, puis en sortait des oeufs. Ces oeufs étaient confiés aux enfants qui se retrouvaient chargés jusqu’au cou, ce que le magicien feignait de voir tandis que les oeufs tombaient et se cassaient sur scène dans une séquence de magie comique. Devant tenait ce tour de son ami Howard Thurston qui lui en avait fourni le script et la permission de le présenter en public. Il devint son tour fétiche et son plus célèbre.
– Biff ou The Disappearing Motor-Cyclist (1913) fut une des tentatives les plus ambitieuses de David Devant. Lors d’une conversation avec un prestidigitateur écossais amateur, Devant avait dit qu’il était prêt à payer une idée neuve et trouverait bien un moyen de réaliser le tour si on lui proposait quelque chose d’intéressant. L’Ecossais proposa à Devant de faire disparaître une motocyclette et son conducteur. Devant lui donna un chèque de dix livres et passa des mois à étudier le moyen de réaliser l’illusion : A la fin, il y parvint, avec cet effet.
Walking Through a wall et Biff de David Devant (Illustration de Howard Elcock).
on voyait une grande caisse d’emballage posée sur des pieds d’un peu plus de 45 cm de haut. Le motard montait une rampe et pénétrait dans la caisse. La porte de la caisse était refermée derrière lui, et la caisse était soulevée en l’air par quatre cordes attachées à ses angles. On pouvait voir la caisse vibrer sous l’action de la moto, qui faisait un bruit terrible, ne laissant aucun doute quant à sa présence dans la caisse. Soudain, la moto s’arrêtait, la caisse tombait en pièces sur le plancher, et ne restait qu’un squelette, et plus aucune trace de moto ou de motard. L’Ecossais conserva quelque temps le chèque de Devant dans un cadre, mais l’instinct reprit ses droits et, en fin de compte, il l’encaissa.
Notes :
(1) Vice-Versa présentait un cabinet haut et étroit où rentrait un homme, attaché avec un ruban à la taille et tenu par un spectateur à l’extérieur. Quatre rideaux se baissaient alors et quand ils étaient remontés, ils laissaient voir la transformation de l’homme en femme, qui avait toujours le ruban autour de sa taille contrôlé par le spectateur. Devant présentait ce tour en faisant apparaître sa femme Marion.
(2) Chronologiquement, le tour du Bar magique (Any Drink Called For) est un dérivé de l’effet Inexhaustible Bottle, dans lequel le volume de liquide contenu dans une bouteille se révèle beaucoup plus important que la capacité de la bouteille ; le contenu versé est disproportionné par rapport au contenant. Ce tour a été décrit dans le Hocus Pocus Junior en 1635 et a été popularisé, vers 1838, par le Professor Anderson, « The Great Wizard of the North », puis par Robert Heller (The inexhaustible punch bowl). Historiquement, on retrouve des systèmes de vases truqués dès le IV siècle avant J.C. Les routines utilisant ce genre de trucage sont utilisées par les magiciens Ludwig Dobler, Philippe, Henri Robin sous les noms de The Infernal Bottle, The Traveling Bottle, the Interminable Bottle, ou the Bottle of Sobriety and Inebriety. En 1846, Robert-Houdin propose une formidable version avec La bouteille inépuisable, puis David Devant en 1905 avec La bouilloire mystique (The Obliging Tea Kettle), Ryss avec son Barman de Satan dans les années 1920, Charles Hoffman en 1935 avec Think-a-Drink Hoffman, Alan Wakeling avec son Bar act dans les années 1960, et Jim Steinmeyer en 1995 avec Hospitality Drink act.
A lire :
- Secrets of my magic de David Devant (1932). Mes secrets d’illusionniste de David Devant (Editions Payot, 1938).
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