Crée en 1984, ce spectacle pour quatre mains n’a rien perdu de sa puissance évocatrice. Seule pièce parlante de la compagnie Philippe Genty, elle est devenue au fil des années une référence mondiale. Adaptée aux années 2000, « Zigmund Follies » est d’une incroyable audace tant elle parle à notre inconscient utilisant les jeux de mots comme moteur de l’action.
L’histoire : Un conteur découvre avec effroi que sa main gauche, depuis quelques temps, fouille ses poches…son portefeuille…ouvre ses lettres…ses tiroirs…
Il la surprend même en train de tourner sa veste. Celle-ci l’entraîne par accident à « l’intérieur » après avoir traversé au péril de sa vie une fermeture. La sinistre fermeture éclair ! Au cours d’une poursuite effrénée entre lui et sa main gauche, il rencontre Félix Nial de la police secrète, égaré dans l’un de ses déguisements (la main droite du Ministre de l’intérieur). Il se perd dans une fausse perspective en empruntant des lignes de fuite pour plonger au fond d’un trou de mémoire aux confins de la mer des souvenirs. Sa main droite est-elle complice ? Joue t’elle un double jeu ? Pourquoi se trouve-t-elle continuellement sur son chemin ? Si c’est un double jeu, il lui va comme un gant ! Notre compteur trouvera-t-il le moyen de s’en débarrasser ? Pourra-t-il rattraper sa main gauche ? Autant d’énigmes qui trouvent leurs réponses dans « Zigmund Follies ».
Cette partition fantastique est interprétée par deux manipulateurs virtuoses, Eric De Sarria et Philippe Richard. 20 doigts, 20 personnalités, 20 tempéraments qui se complètent comme les doigts de la main. La précision des mouvements donne aux personnages et aux objets une âme troublante. La performance des manipulateurs est d’autant plus remarquable qu’elle est entièrement basée sur la coordonnance des mouvements, sur l’enchaînement des saynètes. Il n’y a aucuns faux pas dans la fluidité de l’action. Car il s’agit bien ici « d’un film d’action », un polar où le suspense est omniprésent. Les mots sont la matière première du spectacle. C’est par eux que l’intrigue avance, que les personnages se créent. Une association de mots, et c’est parti pour une hallucinante parade verbale. En plus d’être manipulateurs, les deux marionnettistes sont également imitateurs. Changer de main et changer de voix en même temps, c’est ce qui rend les saynètes hilarantes. On s’amuse à entendre bégayer le détective Félix Nial (l’agent secret si bien déguisé qu’il ne se reconnaît plus) ou à savourer les périples d’une doctoresse sexuelle, d’un capitaine fantasmatique, et d’un ministre autoritaire qui s’occupe des affaires intérieures ! Tous ces personnages insolites ont comme cousins ceux d’ « Alice au Pays des merveilles », et renvoient ainsi à l’univers de Lewis Carroll.
C’est un plaisir sonore et visuel. L’image que nous renvoie le metteur en scène est une rêverie surréaliste, une errance à travers les espaces de l’inconscient, du rêve et de la réalité. Tout repose sur l’interprétation des mains, et quelques éléments de décors viennent compléter les tableaux à l’image de ces « colonnes de la presse », véritable ligne de fuite où les marionnettistes s’amusent à animer des personnages et des objets en carton par un système de tirettes. On plonge alors dans les jeux optiques du XVIII ème siècle. Philippe Genty est un adepte de l’illusion, des jeux de perspectives qui permettent toutes les audaces et qui sont surtout en rapport direct avec « la science des rêves » et la psychanalyse. « Zigmund Follies » est un voyage au fond d’un trou de mémoire, la perdition d’un névrosé, une parabole de la thérapie individualiste digne de Freud.
A lire :
– La fin des terres.
– La pelle du large.
– Paysages intérieurs.
A voir :
– Le théâtre noir de Philippe Genty.
A visiter :
– Le site de la compagnie Philippe Genty
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