Comment êtes-vous entré dans la magie ?
Je crois que je suis naturellement né avec l’amour de la magie, peut-être dans une vie antérieure. Je me souviens que c’est à l’âge de 5 ans que j’ai commencé mon éducation magique. J’ai toujours dit que je serais magicien, pas quand je serais grand, je l’étais déjà à 6 ans. Aucuns amis ou aucuns proches n’étaient des magiciens autour de moi, j’ai donc inventé ma propre magie. Je n’ai pas vu de vrai prestidigitateur devant moi jusqu’à mes 16 ans.
J’ai commencé à me produire dans des fêtes privées à 9 ans pour 20 $. A 6 ans, j’ai développé des compétences artistiques autour de la magie comme l’artisanat et le design. Tout au long de ma scolarité, en primaire, j’étais le magicien et l’artiste de l’école ; je m’impliquais dans tous les travaux artistiques (journaux, bulletins d’information, dépliants, programmes d’activités, etc.).
Pendant mes études secondaires et la faculté, j’ai étudié le théâtre et renforcé mes compétences. On m’a ensuite donné une subvention pour suivre des cours à la State University for Architecture où j’ai obtenu mon diplôme avec les honneurs. Cela aurait pu être ma profession mais, pour moi, c’était un moyen de développer et de concevoir mes propres accessoires de magie et mes illusions.
Quel fut votre premier tour ?
Mon premier tour de magie acheté dans un magasin fut le truc de la boule et du vase et un Handshake buzzard : j’avais 5 ans. Je chéris ces deux effets.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Le monde de la magie s’est ouvert pour moi à l’âge de 12 ans quand j’ai découvert qu’il y avait des livres sur cette discipline. Je passais tout mon temps dans les bibliothèques cherchant tout ce qui touche à la magie dans des domaines aussi variés que les sciences, les religions, l’occultisme, la sorcellerie, l’histoire, la psychologie, etc. Cet ensemble de recherches fut une excellente base de travail pour moi.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé ?
Au collège mon meilleur ami, qui était de la ville d’à côté, s’est intéressé à la magie et il a suivi mon exemple. Ensemble, nous avons vécu de merveilleuses expériences sur scène en faisant des spectacles pour l’école. Au collège et au lycée, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir accès à un magasin de costumes qui me prêtait des chapeaux haut de forme et des costumes à queue de pie pour mes représentations. Aujourd’hui encore, je suis toujours très reconnaissant envers ce magasin.
À partir de l’école secondaire, j’ai trouvé un magasin de magie à Hollywood en Californie : l’Owen tenu par M. Joe Berg. M. Berg a tout de suite “vu quelque chose en moi” et me laissait naviguer librement dans sa boutique toute la journée, chaque week-end, à étudier la magie. Plus tard, il fut mon parrain pour entrer à l’IBM Ring 21 à Hollywood où je devint ensuite vice-président. Joe Berg m’a également aidé à rentrer au Magic Castle.
A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Vers 20 ans, j’ai participé à différentes compétitions de talents où je gagnais toujours la première place. Un événement très important a été le Magic Symposium de New York organisé à Los Angeles. En l’espace de quelques semaines, nous avons concouru pour le public des boîtes de nuits à travers toute la ville. J’ai gagné la première place à chaque fois, sauf une fois où j’ai pris la deuxième. Les 7 premiers gagnaient le droit de participer à un grand spectacle pour les magiciens dans un beau théâtre de Los Angeles. Lorsque les résultats du concours ont été annoncés, j’étais sûr de prendre la première place.
La 5ème fut annoncée, puis la 4ème, puis la 3ème : c’était moi ! Quand l’annonce fut faite, il y eut un moment de silence suivi d’un tollé dans le public complètement incrédule. Quelque chose était manifestement erronée ; les juges ont été contestés et le dépouillement a été suspecté, mais tout était joué. Ce fut quand même une très belle expérience pour moi. Plusieurs membres du public n’étaient pas contents des résultats et m’ont soutenu. Cette 3ème s’était très bien pour moi, mais ce que j’ai surtout retenu fut l’amour et le soutien des gens, qui sont restés avec moi jusqu’à ce jour. Ce fut ma dernière participation à un concours. Non pas parce que j’ai été déçu par le système de vote, mais parce que j’ai été engagé par la suite dans le Comedy Club Circuit qui se déplaçait vers Las Vegas.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Mon processus de création est le suivant : Je fais du bon travail tard dans la nuit jusqu’au petit matin dans un épuisement total. Je m’entoure d’informations, de livres, d’idées que j’ai accumulé au fil des ans. Je joue de la musique qui m’inspire … je crée, écris et dessine toutes les idées qui me viennent à l’esprit. Je fais ça pendant environ 3 jours et 3 nuits avec très peu de sommeil. Je mets ensuite tout de côté et je m’éloigne un moment. Quand je reviens sur mes recherches, c’est là que la magie opère. Je reste occupé avec des choses qui ne sont pas liées à la magie comme le ménage ou la réparation… Je reste occupé, c’est l’essentiel. Pendant ce temps, mon subconscient travaille et formule des idées… ces idées commencent à se concrétiser en mots. Alors je m’assois avec des blocs-notes et je commence à écrire, à dessiner les idées qui coulent à travers moi.
Ce processus m’a accompagné toute ma vie et m’a bien servi. J’ai été honoré par le magazine n°1 du divertissement aux Etats-Unis l’Entertainment Weekly dans sa “It List” qui célèbre les 100 personnes les plus créatives dans le divertissement d’aujourd’hui. Moi, un magicien des rues ! C’est excellent pour l’Art de la Magie.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Tout vient des premiers livres que j’ai lu. J’ai toujours aimé les magiciens modernes des années 1900 : Kellar, Thurston, Dante, Houdini, Channing Pollock et Robert-Houdin. Ce style m’a toujours enchanté.
Quelles sont vos influences artistiques ?
Mes influences artistiques sont une accumulation de tout… tout ce que je vois, tout ce que je sent, tout ce que j’entends, tout ce que je touche. C’est l’expérience de la vie, depuis que nous sommes nés, tout influence notre art. Je suis ouvert à tout ce qui concerne LA VIE, l’énergie et la beauté. Dire que mes influences artistiques sont ceci ou cela est réductif. Je vois la beauté partout.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Soyez ouvert, croyez en vous-même, Croyez que tout est possible. Ne jamais croire certaine personne qui vous dise que vous ne pouvez pas le faire, ou d’aller trouver un travail normal.
Étudiez et pratiquez la « visualisation créatrice », la danse et surtout l’improvisation. Si vous n’avez pas un groupe d’improvisation près de chez vous créez en un avec d’autres artistes intéressés… c’est ce que j’ai fait à Las Vegas depuis de nombreuses années. L’improvisation développe et aiguise vos compétences de magicien.
Pour la petite histoire, j’ai été témoin d’une expérience au Japon, dans un grand théâtre où ils ont mis en place du temps pour accueillir des stagiaires, sans être payés, pendant les vacances d’été. Les acteurs et metteurs en scène travaillaient en coulisses et donnaient des conseils de professionnels en partageant leur expérience. Faites de même pour votre éducation en faisant des stages pour magicien par exemple ou du théâtre, quelque part… l’expérience n’a pas de prix ! Mettez votre ego de côté, l’argent n’a pas d’importance, c’est du gagnant-gagnant pour tout le monde.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Il faut garder à l’esprit que ma première émission spéciale du magicien masqué : Breaking the Magician’s Code : Magic’s Biggest Secrets Finally Revealed eu lieu il y a 16 ans en 1998. A ce moment-là tout le monde disait que la magie allait s’arrêter, disparaitre, etc. Alors qu’en fait, elle est maintenant plus vivante que jamais ! Je corresponds avec des milliers et des milliers de magiciens à travers le monde. De nouvelles générations de tous âges ont été inspirées par mon programme.
J’ai été impliqué dans l’éveil des consciences dans des pays comme le Brésil, l’Amérique latine, le Japon, la Chine, l’Indonésie, et je travaille actuellement avec le Moyen-Orient. Je collabore avec des magiciens, des gouvernements, des groupes religieux dans les pays qui croient encore que l’art de la magie est associé à la sorcellerie. La magie est maintenant acceptée, là ou elle ne l’était pas avant. En Chine, par exemple, la magie est seulement bien considérée que depuis six ans… Le gouvernement finance des écoles de magie. La magie est enseignée dans un programme comme une forme d’art équivalente à la musique, au théâtre, à la danse, etc. C’est énorme pour l’art magique aujourd’hui. C’est mon dévouement constant pour amener cet art merveilleux vers une reconnaissance certaine et comme une forme d’art légitime.
Quand mon émission spéciale fut diffusée il y eut une énorme réaction négative des magiciens et des organisations magiques, ce qui est tout à fait compréhensible. Tout le monde : le public, les magiciens et moi-même furent trompés par la campagne télévisée développé par la FOX. Cette campagne promotionnelle fut diffusée avant que la première émission ne soit tournée ! Les premières publications dans les journaux comme le Washington Post et le New York Post déclaraient des menaces de mort, des protestations et des poursuites judiciaires à mon encontre, avant même que le programme existe !
Tout était faux. La presse s’alimentant sur la peur et les émotions des gens. Les relations publiques de la presse c’est ça… cela découle de l’enseignement de Sigmund Freud pour manipuler les masses par leur émotion. Cette formule a été développée au début des années 1920. La révolution industrielle a commencé avec ce type de relations publiques en développant des marques comme Lucky Strike, Procter & Gamble, Chiquita Banana et d’autres empires se nourrissant tous de la manipulation de masse par les émotions, les peurs et le détournement d’attention. Les magiciens se sont tous faits manipuler et sont tombés dans le piège médiatique tendu par cette campagne sans précédent. Tout est compréhensible maintenant avec du recule, mais finalement ce qui compte c’est que l’Art de la Magie ait gagné. C’était mon but premier.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
La culture dans l’approche de la magie est très importante. S’il n’y avait pas de culture, tous les magiciens seraient pareils. Chaque culture a sa propre unicité, son goût et sa marque. C’est la nature humaine de vouloir faire partie de la conscience collective. Par exemple, vous pouvez voyager à travers différentes régions d’un pays et examiner l’architecture des bâtiments, vous verrez de nombreuses similitudes. Par contre, si vous êtes parachutés dans différentes villes, vous ne seriez pas en mesure de dire où vous êtes parce que la majorité des métropoles se ressemblent. C’est la culture qui fait l’unicité, la saveur et la personnalité de chacun.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Tous mes hobbies sont directement liés à la magie comme la musique, l’art, le théâtre, l’architecture, le design, la scénographie, la construction d’accessoires et d’illusions et bien plus encore…
Interview réalisée en août 2014. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Val Valentino. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayant droits, et dans ce cas seraient retirés.