Mise en scène de Stéphane Ricordel. Composition musicale de Vlad Troitsky et des Dakh Daughters. Avec : les Dakh Daughters, Yann Frisch, Julieta Martin, Benoît Charpe, Oscar Nova de la Fuente, Matias Pilet et Daniel Ortiz & Josefina Castro.
C’est une création composite avec les Dakh Daughters, six formidables jeunes musiciennes, chanteuses et actrices ukrainiennes qui jouaient une sorte de chœur dans Antigone à la Comédie de Caen. A coup de morceaux de rock et chants traditionnels, avec violoncelles, violons, synthé… Ruslana Khazipova, Tanya Havrylyuk, Solomia Melnyk, Anna Nikitina, Natalia Halanevych et Zo, qui avaient été révélées au Monfort Théâtre en 2014, accompagnent ici des numéros de cirque et de magie.
Installé sous un petit chapiteau jouxtant le Monfort, le spectacle a quelque chose du cabaret et on peut, à prix doux, grignoter salade, fromages, borch, ou boire bière ou un café, en regardant le spectacle. Mais ici rien de bobo ; grâce en soit rendue à leurs directeurs, Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, cofondateur des Arts Sauts, metteur en scène et codirecteur du Monfort qui a mis en scène cet étonnant spectacle. Ils ont su attirer dans ce lieu à l’architecture signée Claude Parent qui n’a rien de sublime, un public jeune, de plus en plus local et fidèle, avec un programme de qualité.
Les Dakh Daughters, héritières au look déjanté mais grandes professionnelles du Dakh, créé il y a plus de vingt ans par Vlad Troitsky, producteur, mécène et réalisateur à Kiev qui a voulu mettre l’accent sur ce que l’on pourrait appeler un certain théâtre total.
Il y a d’abord un Monsieur Loyal qui en fait parfois un peu trop mais qui est aussi et surtout champion du monde 2012 de magie… Le grand Yann Frisch (que j’ai découvert en 2015 au festival de Briare) fait preuve ici, avec quelques jeux de cartes à jouer, en close-up retransmis sur grand écran, de la même virtuosité avec des numéros aussi incompréhensibles que brillantissimes. Comme si notre rapport à l’objet en devenait, d’un seul coup, profondément modifié.
Côté acrobatie, ce n’est pas mal non plus !, Il y a d’abord Julieta Martin au mât chinois puis Benoît Charpe remarquable sur un monocycle et il sait prendre de sacrés risques – sur un trampoline ! Oscar Nova de la Fuente, les jambes repliées, essaye de nous faire croire à sa condition d’homme-tronc, mais on est un peu mal l’aise ; il est plus convaincant ensuite aux sangles ;
il y a surtout Matias Pilet qui, à partir d’une sorte de passerelle, tombe égaré sur un trampoline pour rebondir après quelque sauts périlleux sur cette même passerelle. Il a quelque chose du grand Buster Keaton dans son impassibilité. Et enfin, un sublime duo de cadre aérien, Daniel Ortiz & Josefina Castro, lui, porteur et elle, voltigeuse. Quelle beauté ! Quelle intelligence du corps et quelle exemplaire solidarité !
Un spectacle intelligent et fin, parfois légèrement répétitif mais d’une rare qualité. Loin des variations wilsoniennes esthétisantes (Letter to a Man de Robert Wilson et Mikhaïl Baryshnikov) ; on sort vraiment heureux de ces quatre-vingt-dix minutes où les gens n’hésitent pas à se parler sous ce petit chapiteau. Vous avez dit populaire ?
Une belle réussite pour toute l’équipe du Monfort. N’hésitez pas surtout pas. Et on ne vous le dira pas deux fois ni trois fois : dans la pénurie ou la vulgarité de spectacles en cette période de maudites fêtes, ce cabaret vaut le déplacement. Vous pouvez y emmener sans risques votre vieille nounou mais aussi vos enfants mais pas M. Laurent Wauquiez qui, de toute façon, n’aimerait sans doute pas cela. Il a sans aucune doute d’autres chats à fouetter : « Si jamais, quand vous tombez malade, cela n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ce n’est pas très responsabilisant. Du coup, on a un peu l’impression que la Sécurité sociale est quelque chose sur lequel on peut tirer sans qu’il y ait un impact. »
Source : Le Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Marie-Françoise Plissart. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.