Tenkatsu Shōkyokusai est une illusionniste célèbre née à Kanda (Tokyo) le 25 mai 1886. Son nom de naissance est Katsu Kanazawa. Elle est la fille aînée d’Eijiro Nakai, un prêteur sur gages à Matsutomi-cho, Kanda. Elle est élevée dans une famille riche et apprend la danse et le Tokiwazu dès son plus jeune âge. En 1895, le bureau de prêts à gages familial ayant fait faillite, Katsu est vendue avec une promesse de 25 yens pour la famille pendant dix ans et commence et tant qu’apprentie dans une boutique de tempura à Monzen-Nakacho. Le propriétaire de la boutique est Tenichi Shōkyokusai, un magicien de premier ordre à l’époque. Il prend Katsu comme disciple en raison de sa dextérité. Elle décide alors de s’adonner pleinement à la magie.
En 1900, lorsque Katsu a quatorze ans, Tenichi la force à devenir sa maîtresse. À cette époque, avoir une maîtresse était une évidence, et c’était très important chez les politiciens et les riches marchands. Katsu refuse d’abord et tente de se suicider, mais l’accepte finalement comme son destin. Elle se distingue comme une vedette dans le Tenichi Ichiza (la troupe créée par Tenichi), qui compte soixante-dix disciples, et apparait sur scène sous le nom de Tenkatsu Shōkyokusai.
À partir de 1901, la troupe fait une tournée en Europe et en Amérique pendant quatre ans. La tournée rencontre un grand succès en ajoutant des arrangements au programme, comme l’accélération du tempo dans un style américain et l’ajout de danse japonaise. Les traits et la beauté de Tenkatsu sont considérés comme inhabituels pour une Japonaise. Elle est alors appelée « La Reine de la magie » par la presse étrangère. En 1905, la troupe est contrainte de rentrer au Japon en raison des effets de la guerre russo-japonaise. Tenkatsu a alors vingt et un ans et Tenichi cinquante-deux ans. La beauté et le jeu de Tenkatsu captivent le public, et complètent bien la performance de son professeur Tenichi. Leur spectacle, de retour en septembre au Kabukiza de Tokyo, est un grand succès, avec des salles pleines à craquer tous les jours. C’est le premier spectacle de magie de style occidental au Japon, moderne et nouveau, et le public est enthousiaste. Le spectacle est appelé « Numéro un mondial, la dernière grande magie occidentale. Une performance spéciale à grande échelle de retour d’Europe et des États-Unis – Tenichi Matsukokusai et Tensho Ichiza ».
Dans le programme des représentations, Tenkatsu effectue sa spécialité : la « Danse Hagoromo. » Des paillettes sont habilement appliquées sur une fine soie « hagoromo » de gaze, qui est baignée de sept couleurs d’éclairage à l’aide d’un filtre rotatif. Tenkatsu arbore de magnifiques faux cils flashy et des diamants sur ses dents de devant. Ce spectacle s’inspire de la danse occidentale des actrices de troupes de chevaux italiennes. Cette nouvelle « Danse Hagoromo » a un raffinement supplémentaire par rapport à la danse que Tenkatsu a apprise lors de sa tournée en Europe et en Amérique. Elle porte un sous-vêtement fin qui s’adapte parfaitement à son corps, qui fait qu’on dirait qu’elle est à moitié nue ; provoquant à l’époque un érotisme troublant.
Au Japon, l’utilisation de cartes postales privées a été autorisée en 1900, et vers 1904, un grand nombre de cartes postales disponibles dans le commerce faites de gravures sur bois colorées sont devenues populaires. Tenichi et Tensho Ichiza ont utilisé ce moyen publicitaire pour annoncer leur retour. En 1906, Tenmatsu (plus tard Tenyo), qui est le tuteur de Tenkatsu, monte sur scène avec Sleigh Hand (Mijin Card, aujourd’hui Million Card) et lance des cartes publicitaires au public depuis la scène. En échange de ces cartes, il présente une carte postale illustrée (bromure) de Tenichi et Tenkatsu aux spectateurs.
En 1911, le maître de Tenkatsu, Tenichi prend sa retraite et meurt en 1912 de maladie à l’âge de soixante ans. À vingt-cinq ans, Tenkatsu prend le nom de Tensho et monte sa troupe, le Tensho-za (Tensho Ichiza). À cette époque, il est très difficile pour une femme de lancer sa troupe sous son propre nom. Plus tard, elle embauche Tatsunosuke Noro comme manager et se marie avec lui (certains disent que ce mariage serait un arrangement de commodité que Noro a envisagé afin de protéger le nom de la troupe et de Tensho à une époque où le statut des magiciens n’était pas reconnu). Lors d’un évènement qui se tient à Ueno, il y a un défilé de plus de cinquante pousse-pousse habillés à la grecque. Derrière eux, apparait Tensho, vêtue de vêtements western bleu clair et d’un bonnet rose, qui monte dans une calèche. Tensho bénéficie d’une telle reconnaissance de nom, à l’époque, qu’il est devenu synonyme d’un surnom selon lequel « la magie est synonyme de paradis ». On dit que plusieurs fausses troupes sont apparues en raison de leur popularité et de la notoriété de leur nom.
Quelque temps après la représentation inaugurale, Noro jette son dévolu sur la pièce Salomé, traduite d’Oscar Wilde, qui est interprétée par Sadayakko Kawakami et Sumako Matsui et gagne en popularité au Japon. Ensuite, Kaoru Osanai, le père du théâtre japonais, est invité à en être le metteur en scène, et le Magic Applied Salome Theatre de Tensho est présenté au Théâtre Yurakuza. La première représentation a lieu en juillet 1915, et c’est la première et la plus grande représentation du Tensho Ichiza à Yurakuza à Tokyo. Tensho y joue le rôle de Salomé, en dévoilant beaucoup son corps. Le roi et la reine sont assis sur leurs trônes, secouent le mouchoir et boivent du vin. Des fruits et des sucreries apparaissent sur la table. C’est un drame magique dans lequel Tensho apparaît de l’intérieur, écarquille les yeux et crie : « Susare, fille de Babylon ! » La table à trépied sur laquelle la tête coupée est placée a un mécanisme de miroir, et le tissu noir sur les deux manches se reflètent sur la surface du miroir, de sorte que seule la tête coupée de Jokanaan cachée derrière la table, est visible (le soi-disant « Sphinx »). Cette tête est ensuite remplacée par une fausse tête décapitée en papier mâché.
L’autre spécialité de Tensho est le « mizugei », dans lequel des jets d’eau apparaissent de partout, non seulement sur elle, mais aussi sur ses costumes et sur des éléments de la scène. Au cours de sa deuxième tournée aux États-Unis (1924-1925) avec une troupe de vingt-six membres, elle réconforte et encourage les résidents japonais alors qu’un sentiment anti-nippon se propage, à cette époque, en Amérique. De retour au Japon, en 1925, Tensho engage un sextet de Chicago pour accompagner son numéro et introduit le jazz authentique dans son pays. À son apogée, sa troupe comptait plus de cent personnes et le nombre de spectateurs est le plus important au Japon.
Tensho a un disciple du nom de Tenka Shōkyokusai le second. La première Tenko Hiketa, qui est l’enseignante de la princesse illusionniste Tenko Hikida, couramment appelée Princesse Tenko, est une disciple de Tenyo Matsukokusai, une jeune disciple de Tenkatsu, également membre du clan Matsukokusai. En 1927, Noro, le mari de Tensho décède. En 1935, Tensho tourne le film La Reine de la magie, qui sort au cinéma l’année suivante. En 1936, elle prend sa retraite âgée de cinquante ans. Elle transmet le nom de Tensho II à sa nièce Shotensho. En Avril 1936, sur une idée de Tensho Shōkyokusai, trente-deux magiciens professionnels sont invités à Meguro Gajoen dans le but de « développer le monde magique et d’améliorer les compétences et l’amitié entre magiciens. » Est ainsi créé le Professional Magician Group Club. Tensho est nommée présidente honoraire et Tenyo est nommé président. Ce club deviendra plus tard la Japan Magic Association.
Dans ses dernières années, Tensho épouse Ichiro Kanazawa, professeur à l’Université des études étrangères de Tokyo, qui meurt l’année suivante. Tenkatsu Shōkyokusai meurt le 11 novembre 1944, âgée de cinquante-huit ans, d’un cancer à l’œsophage dans sa résidence de Suimeiso (sur les pentes de Meguro Gonnosukezaka). Sa tombe se trouve au temple Saitokuji dans l’arrondissement de Taito. Le temple familial de son mari, le temple Manpuku-ji (quartier Ota), a également une tombe séparée. Tenkatsu a joué un rôle important dans l’âge d’or de la magie. Depuis son triomphe, on dit que le succès des femmes magiciennes n’est plus rare. Et les personnages de « Tenichi » et « Tenkatsu » ont fait des héritiés dans le monde magique par la suite. Le nom « Ten » est toujours utilisé par le petit-fils de Tenkatsu, Tenko Hikida, et sa disciple la Princesse Tenko.
Sources :
- Page Wikipédia japonaise de Tenkatsu Shōkyokusai
- Journal intime de Tenkatsu Shōkyokusai
- Sites Internet japonais
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