Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
J’ai découvert la magie par hasard, quand je faisais des saisons comme animateur de camping ! Un collègue barman m’a initié à quelques « tours à pourboires ». Simples et efficaces, cela m’a plus. Parallèlement, je pratiquais le jonglage, les échasses dans une école de cirque en cour du soir. La magie s’est invitée comme une passion de plus. Puis un bête accident de ski, m’a handicapé pendant un an. Je me suis mis à travailler la magie avec acharnement, seule passion que je pouvais assouvir ! Remis d’aplomb, j’ai repris le cirque, mais le virus magique m’avait eu.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Je n’ai pas vraiment eu à franchir un pas. Un jour des amis et enseignants à l’école de cirque m’ont proposés de travailler avec eux pour différentes prestations comme magicien, échassier, jongleur… je ne pensais pas faire de ces passions un métier, c’est arrivé comme une fleur. J’ai continué et je continue, à apprendre la magie dans des bouquins et devant mon miroir. Une formation assez classique en fait !
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-il freiné ?
Les Compagnies avec qui j’ai commencé m’ont aidé en m’ouvrant des portes et en m’influant dans mes recherches (Les arts Pitres, Les Acroballes, Graine de cirque…) Jusqu’à ce que je crée avec mon partenaire de jeu, Léo Haag, La Cie la Trappe à Ressorts.
La chance aussi, m’a fait être au bon endroit, au bon moment et rencontrer les bonnes personnes. Qui en plus du cirque et de la magie, m’ont donné goût au jeu d’acteur, au burlesque, à la comédie, à l’improvisation ; univers dans lesquels au fil des années la Compagnie s’est ancrée.
J’ai aussi été guidé adroitement par Jean-Pierre, Cédric et Yannick Hornecker de la Société Magix Unlimited, qui ont su me conseiller sur mes lectures magiques (je n’ai pas d’actions chez eux !).
Mon grand-père qui adorait la magie (comme spectateur), m’a aussi motivé et je lui dois cet acharnement à faire d’une passion un métier.
Ce qui a pu me freiner, je pense, c’est de n’avoir jamais vraiment vu de magie, avant d’en faire. A part quelques tours de comptoirs, je n’ai jamais vu de magicien en vrai, en tant qu’enfant et adolescent. J’aurais vraiment aimé ressentir ce moment où le cerveau coince un peu… et s’émerveille de l’impossibilité qu’il vient de voir. Cela m’arrive évidement de ne pas comprendre quand je vois des collègues, ou des vidéos. Mais comme je pratique la magie, je sais qu’il y a un truc ! Je ne doute pas comme certains spectateurs peuvent le faire et connaître ce sentiment aurait pu m’aider dans mes recherches et mes envies de spectacles.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai commencé par faire du close-up en évènementiel pour gagner ma vie. Mais j’ai la chance d’avoir été bien entouré ; les rencontres et la curiosité m’ayant guidé vers le milieu culturel, de salle et de rue ; un environnement agréable qui donne plus de sens à mon travail.
Je dois dire que je fais un peu de tout, je joue aussi bien en théâtre qu’en rue, en passant par la fête du potiron et le cabaret ! La Cie La Trappe à Ressorts, propose des spectacles écrits tout autant que des interventions improvisées ou sur mesure.
Je passe aussi du temps à fabriquer des illusions pour mes propres spectacles, comme pour d’autres Compagnies de théâtre. Compagnies, que je conseille afin d’intégrer des effets dans leur mise en scène. Travail intéressant que de mettre la magie au service du propos.
Présentez-nous votre compagnie ?
Nous avons créé la Compagnie La Trappe à Ressorts en 2005, avec mon collègue Léo Haag (musicien de formation). Nous étions tous deux jongleurs et découvrions à ce moment le théâtre. Nous avions déjà monté plusieurs spectacles mêlant nos disciplines, dans un univers burlesque et la création de Raoul et Maurice (duo burlesque) à porté la naissance de la Cie.
La Trappe à Ressorts a pour vocation la création et la diffusion de spectacles caractérisés par la rencontre de différentes disciplines artistiques, pour tenter d’aboutir à un langage singulier, ainsi qu’à des formes dépassant les frontières classiques des genres (dis comme ça, c’est intello !). Mais c’est une ligne directrice que nous essayons de se donner dans nos différents spectacles.
Personnellement je continue de « chercher » à amener la magie dans la rue, et surtout à développer la magie de salon et le close-up avec un spectacle solo, La Tente D’Edgar. Je trouve que la magie est souvent cloisonnée dans l’événementiel et le cabaret ; arriver à la porter dans la rue avec un spectacle burlesque est un défit que je me donne depuis la création du personnage d’Edgar qui existe depuis 8 ans.
Au fil de ces quelques années la Compagnie s’est entourée d’autres comédiens et techniciens. Nous proposons différentes déambulations magiques improvisées, avec des personnages loufoques comme dans Crapulino et Emilio, loosers déjantés, ritals caricaturaux, ou encore un spectacle culinaire et acrobatique avec Côté four, côté Gratin où se mixe magie, équilibre et contorsion toujours dans un univers burlesque.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Je n’ai pas de grand « maître », mais une multitude d’artistes, pas forcement magiciens d’ailleurs, qui m’inspirent, qui me portent, chacun pour une raison. Bien sur quelques incontournables comme Chaplin et Buster Keaton, George Carl, pour les anciens… Mais bien des nouveaux clowns, que l’on peut croiser au coin d’un festival de rue de nos jours, m’émerveillent !
En magie plus technique, j’aime autant les techniciens pointilleux qui font de la magie pour « microscope » comme Dai Vernon et Tony Slydini, que les chercheurs farfelus comme Robert-Houdin, Gaëtan Bloom… Puis il y a les show mans, comme David Williamson, Jean Merlin, Penn & Teller, Charlie Caper, qui fond des numéros géniaux ! Il faut de tout pour se nourrir et je ne me gêne pas.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Vous l’aurez compris, je pratique la magie pour « rire », l’essentiel étant pour moi de passer un bon moment, ensemble, avec le public. Je dirais que j’aime la magie « populaire », dans le bon sens du mot.
Quand je suis seul devant mon miroir, je n’hésite pas à m’amuser à chercher des passes et autres subtilités, qui servent surtout à attraper des crampes aux doigts… et qu’à part au coin d’un comptoir entres copains, je ne présenterais jamais a un « vrai » public ! Mais c’est passionnel.
Quelles sont vos influences artistiques ?
C’est comme pour mes goûts, mes influences artistiques sont multiples. Je puisse surtout dans des univers décalés, dans le mélange. J’ai vu le Cirque Plume quand je commençais à faire du spectacle. Je crois que ça m’a motivé à cette époque. Maintenant je suis plus attiré par l’univers burlesque comme « Voyage en bordure du bord du bout du monde » que je trouve juste hilarant. Ou alors la « Touch of class » de Charlie Caper.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Le conseil c’est de s’amuser en premier lieu… de profiter de ne pas être « pro » pour travailler le plus possible les techniques. Je trouve que confronté à la réalité professionnelle, je cherche moins pour le plaisir… par contre je trouve plus ! Mais souvent c’est de l’efficace par manque de temps.
Je conseille aussi de croire à ce que l’on fait et de ne pas se laisser démotiver. Surtout ne pas se prendre pour un héro ! J’ai l’affreuse impression que beaucoup de magiciens, sous prétexte de faire un miracle, se prennent pour Superman. Je crois que nous devrions être des « artisans du rêve éveillé », mais rien de plus.
Lire des bouquins de magie et les relire… de ne pas chercher sur le net quand on voit un effet que l’on ne comprend pas… mais d’inventer une solution à soi.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Je pense que l’on commence à sortir tant bien que mal du cliché : « chapeau/lapin ». Comme le nouveau cirque, on a la magie nouvelle qui se répand un peut partout. Il y a, à mon goût, un tapage médiatique et intello là dessus, car des magiciens qui cherchent autre chose que le numéro efficace de cabaret, il y en a déjà depuis longtemps !
Il m’arrive de grogner contre la magie nouvelle comme approche médiatique. Mais au final dans 10 ans ce sera digéré et intégré comme discipline et c’est bien comme cela. Moi-même, commercialement, j’utilise le terme, c’est à la mode… bien que j’ai l’impression de faire ça depuis plus de 10 ans ! C’est le paradoxe du commerce culturel.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Si je comprends bien la question, je dirais que plus on en sait, plus on est nourrit, plus on a les oreilles qui sont « normalement » capable de s’ouvrir. La culture quelle qu’elle soit nourrira le résultat, le spectacle, le tour, le boniment.
Aller voir des spectacles, des expositions ou des films, faire des recherches, se poser des questions, avoir une curiosité sans bornes, sont des choses nécessaires pour avancer dans son monde et dans son travail. Il n’est pas évident de s’y tenir évidement, les boites à images nous servant une quantité de plats froids prédigérés ! Rester curieux est la forme de culture la plus accessible pour moi, il en résulte une quantité de surprises !
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Je crois que je suis assez enraciné dans mon petit monde du spectacle et que tous mes hobbies sont orientés vers cela. J’adore le bricolage, la construction, mais je le mets au profit des illusions. J’adore les vieux objets, mais ils ont toujours un « arrière » but scénographique.
Il ne me reste que la pêche à la mouche que je pratique deux jours par an. Mais il y a toujours une sorte de fil quasi invisible qui me relie au spectacle !
– Interview réalisée en septembre 2011.
A visiter :
– Le site de la Compagnie La Trappe à Ressorts.
Crédits photos : Thomas Wirth / Florent.G / Stéphane Amos.