Comment êtes-vous entré dans la magie ? À quand remonte votre premier déclic ?
J’ai commencé la magie très jeune, je dirai autour de cinq ou six ans, mais pour être tout à fait franc, je ne me souviens pas de mes débuts, en revanche, ce que je sais, c’est que je ne me souviens pas ne pas pratiquer la magie ! En tout cas personne autour de moi à l’époque ne pratiquait cet art. Peut-être avais-je vu un spectacle à l’école, ou un numéro à la télévision ?
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Toujours est-il que j’ai commandé une boîte de magie à Noël, et que j’en ai reçu deux : une petite boîte de chez Ravensburger (avec un Jeu Nudiste, des jetons avec coquille, des petits gobelets…) et une boîte plus importante quelques années suivantes : Magie Parade de Gérard Majax. Ensuite sont venues des visites régulières à la Boutique Mayette Magie Moderne, à la fin des années 1980. J’ai ensuite adhéré à un club Magie à l’École Centrale, où j’ai pu découvrir une approche bien plus conviviale et moins « solo ». J’ai également adhéré à la FFAP en 1994-1995, où j’ai d’ailleurs rencontré Gérard Majax. J’ai ensuite découvert les cassettes d’apprentissage de Dominique Duvivier, lorsqu’il a repris la boutique Mayette.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
La principale opportunité fut la conjonction de plusieurs évènements : le fait d’être encouragé par une amie à écrire un spectacle et à monter sur scène. Ce spectacle fut gravé sur un DVD. Et un mail envoyé à Dominique Duvivier à la suite d’une de ses conférences (il y a environ quinze ans) pour lui déclarer l’admiration pour l’approche qu’il a développée de l’art magique, et l’ampleur qu’il a su donner à cette discipline. J’ai eu la chance d’avoir non seulement une réponse de sa part, en plus d’une proposition de pouvoir bénéficier de cours particuliers, et suite au visionnage du DVD dont je parlais tout à l’heure, la proposition de jouer au Double Fond. Proposition dont je ne suis toujours pas remis plus de dix ans après !
Cette caution a été un véritable déclic : l’intérêt qu’il a su porter à mon travail, à mon écriture, ses précieux conseils, la convivialité, la bienveillance et la générosité avec laquelle il m’a accueilli ont créé une sorte de tsunami en moi. Finalement, je me rends compte que ce sont des rencontres qui ont été des déclics successifs, et que mon principal frein était ma peur (peur d’échouer, ou peut-être de réussir, manque de légitimité, que sais-je), le manque de confiance en soi, en somme. C’est vraiment le regard des autres qui m’a permis de dépasser des obstacles imaginaires pour en faire des tremplins.
Quels sont vos domaines de compétence ? Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros.
Je suis passionné par la magie de table (close-up), j’adore le format interactif, comme le spectacle Labyrinthe que je joue au Double Fond depuis plus de dix ans. Je pratique aussi le table en table, même si je trouve ce format un peu frustrant, dans la mesure, où l’expression artistique passe un peu au second plan, au profit de l’efficacité (d’ailleurs ce serait un bon objet de débat : qu’est-ce qu’être efficace en table en table ?) Je qualifierai mes spectacles de sorte de « discussions au coin du feu », comme si j’étais spectateur avec eux et de magie « à objets », en effet j’utilise très peu d’accessoires magiques, au profit d’objets chinés, collectionnés et piochés dans mes tiroirs et sur mes étagères. Il faut aussi préciser que j’enseigne également l’histoire et qu’une approche ludique, culturelle, artistique ou historique me parle énormément.
Pouvez-vous nous parler de votre conférence « Magistoric » sur l’art magique au Moyen Âge ?
Ce concept est né d’une rencontre avec une libraire, qui m’avait proposé d’intervenir dans sa boutique, et étant moi-même grand lecteur, je trouvais très inspirant le fait d’être entouré de livres, et de créer des numéros sur l’histoire de l’art magique (magie au Moyen Âge, au XIXe siècle, littérature et spiritisme, la magie chez Jérôme Bosch, etc.)
Vous êtes l’auteur d’un tout nouvel ouvrage Kleroterion aux éditions Le Cabinet d’Illusions. Pourquoi, quand et comment est né ce projet ? Quel en est son concept et ses applications ?
Ce concept est né il y a une quinzaine d’années lorsque j’ai voulu écrire mon premier spectacle, n’ayant jusqu’alors pratiqué que le table en table. Je voulais trouver un moyen fiable, ludique qui m’assurerait d’être original, créatif, et surtout varié sur plus d’une heure de spectacle. Kleroterion a connu plusieurs formes : cases à cocher, papiers à piocher avant de devenir un jeu de cartes qui existe désormais.
Le premier jeu avait les mêmes cartes et les mêmes familles que le jeu actuel, mais j’y ai ajouté en me relisant une famille « Bonus » rendant le jeu encore plus ludique. Le concept repose sur le tirage au sort de cartes, regroupées en plusieurs familles, chaque famille représentant la facette d’un tour de magie (effet, objet, mise en scène, etc.) Le hasard a la qualité incroyablement puissante de brasser tout ce que nous connaissons, pour trouver une solution qui réponde aux contraintes imposées par la pioche. Ainsi ce jeu est une véritable machine à créer, permettant d’inventer un tour, un gimmick, d’écrire tout un numéro ou un spectacle. Il permet aussi d’animer des sessions magiques entre magiciens.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Difficile de répondre à cette question de façon exhaustive, entre l’exubérance d’un Juan Tamariz, la folie douce d’un Gaëtan Bloom, la virtuosité d’un Yann Frisch, le machiavélisme d’un Dominique Duvivier, l’énergie d’un Dani DaOrtiz, la douce ironie d’un Eugene Burger, la flamboyance d’un Ricky Jay, l’élégance d’un Tony Slydini, le charisme d’un Larry Jennings, la déjanterie de David Williamson… tant d’exemples à suivre !
Quelles sont vos influences artistiques ?
Tous les magiciens exceptionnels que je viens de citer bien sûr, mais pas seulement. Cinéma, littérature, peinture, mode, architecture, musique, difficile encore d’être exhaustif, même si j’avoue avoir une attirance particulière pour le XIXe siècle, une période charnière dans laquelle s’est dissout un ancien monde dans une pénombre où allait naître un nouveau
Quels conseils et quels chemins conseiller à un magicien débutant ?
Sans aucun doute de chercher à travailler votre personnalité, le message que vous souhaitez partager avec votre public, et de trouver un répertoire qui les illustre. Et traquez le merveilleux tout autour de vous, afin de le transmettre.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie actuelle est un sujet bien trop vaste pour être au singulier. Disons que, comme dans beaucoup de domaines, je suis abasourdi par une sorte de fossé qui se creuse entre une magie qui irradie de raffinement, de créativité, de mélange des genres, d’approches atypiques, de poésie, et de l’autre, une magie désincarnée, uniformisée, formatée pour les réseaux sociaux ou utilisant des applications, qui, à mon sens, tuent toute idée d’émerveillement.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie (apprentissage culturel, différences sociologiques et ethniques) ?
Un mot : immense ! C’est la raison pour laquelle j’apprécie énormément les ouvrages de Ricky Jay, dont les connaissances et la collection dépassait l’entendement, ou encore les ouvrages édités par Le Cabinet d’Illusions (je ne remercierai d’ailleurs jamais assez Thibault Ternon pour la confiance qu’il m’a témoigné en éditant Kleroterion). J’ai toujours pensé que cet art était assez méconnu pour faire prendre conscience au public de la richesse d’un tel patrimoine.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Aucun et beaucoup, dans la mesure où tout fait « velcro » avec la magie (cinéma, théâtre, expositions, lecture, recherche d’objets, écriture…). Je n’ai jamais vu la magie comme une fuite du réel, mais plutôt comme un regard particulier qui fait surgir le merveilleux de ce qui nous entoure.
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Interview réalisé en septembre 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Marlo Disch / Sébastien Thill / Le Cabinet d’Illusions. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.