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Profesor ALBA

Manuel Alba Rojas (1894-1950) / Manolo Alba Fernández (1926-1997)

Sébastien Bazou

Manuel Alba Rojas est né à Jerez de la Frontera en Andalousie dans la province de Cadix. Descendant d’une bonne famille, il a une âme de bohème au grand dam de son père et s’enfuit de chez lui rejoindre des compagnies de cirque et des marionnettistes dès l’âge de douze ans. Son père envoie la garde civile le chercher à plusieurs reprises mais, face à l’insistance de ses disparitions continues, il finit par céder. C’est à l’âge de quatorze ans que Manuel Alba apprend le métier d’hypnotiseur avec Enrique Bally d’Onofroff 1, un mentaliste, hypnotiseur et magnétiseur du début du XXe siècle, dont les impressionnants et controversés spectacles d’hypnose et de catalepsie sont devenus célèbres dans toute l’Europe et l’Amérique latine. Leur première rencontre a lieu à Séville lors d’une tournée d’Onofroff en Espagne. Le jeune Alba intègre alors son spectacle comme chargé de communication et de propagande, et accompagne Onofroff pendant les cinq années de son séjour en Espagne. Il apprend auprès de lui les rudiments et le fonctionnement du métier2.

El Profesor Alba Sr. (1894-1950)

Après cette formation sur le tas, Manuel Alba se lance dans une carrière d’illusionniste et de jongleur, vêtu d’un frac noir, les cheveux bien peignés et portant un monocle (comme son collègue italien Chefalo). Le personnage du Professeur Alba nait dans les années 1910. Il travaille dans des cirques et des spectacles de variétés. Peu de temps après, il rencontre lors d’une représentation Lola Fernández Jiménez alias « La Tivolina »3, une prometteuse danseuse. Celle-ci quitte alors son métier pour travailler avec l’illusionniste et l’aider à devenir l’un des artistes les plus importants de son époque. Ils donnent leurs premières performances au cinéma, au début et à la fin des films. En première partie Tivolina exécute des tours de magie classiques et en deuxième partie Alba propose des expériences de mentalisme, accompagné de son assistante « Gloria Española »  (Tivolina portant une perruque pour avoir l’apparence d’une autre personne).

Lola Fernández Jiménez

C’est alors que Tivolina a l’idée de créer un spectacle scientifique et d’apprendre à Alba la prestance scénique. Il met au point un jeu d’acteur avec son visage inquiétant et son regard vague, un peu vitreux, enfoncé dans ses orbites. Tivolina œuvre aussi en coulisse pour obtenir des informations qui serviront, plus tard dans le spectacle, de « révélations » dans l’esprit du Professeur Alba. Le Professeur Alba se construit l’image d’un homme sage soucieux de transmettre la science dans ses « expériences mentales » d’hypnose, de suggestion, de spiritualisme et de nécromancie. Il présente ses « pouvoirs » avec une telle authenticité que même sa propre famille y croit. Alba et Tivolina travaillent ensemble sur scène en jouant des divinations, de l’hypnose collective, des contacts avec l’au-delà et d’autres numéros qui les amènent à se produire dans tous les théâtres d’Espagne (Teatro Apolo, El Ruzafa, El Principal…) au Portugal, au Maroc, pendant une vingtaine d’années (entre le milieu des années 1920 et le milieu des années 1940).

Le Professeur Alba présente des numéros classiques comme les tests de rigidité et de résistance corporelle, l’aiguille enfilée dans le corps, la cassure de pierres reposant sur le corps du magicien, allongés entre deux chaises… Il a une manière toute personnelle de présenter le fameux tour de la Rising card (Houlette) en faisant choisir une carte à une personne et en invoquant un parent décédé qui vient sortir du jeu une carte choisie comme si une main invisible de l’au-delà avait provoqué ce phénomène. Mais ce qui impressionne le plus leur public sont les effets de la transmission de pensées, numéro dans lequel Tivolina, dans son rôle de médium, est enfermée avec un micro dans une cabine et devine les objets que le professeur Alba reçoit des spectateurs dans la salle. Alba et Tivolina effectuent également d’excellents exercices d’hypnose collective, de régression et d’altération de la volonté du public. Le succès ne tarde pas et, en compagnie de leurs quatre enfants4, ils se produisent en Afrique du Nord puis reviennent en Espagne pour s’installer définitivement à Valence. Le début de la guerre civile, en 1936, sépare temporairement la famille en tournée à Saragosse avant de se retrouver et de poursuivre leur carrière.

L’autre Professeur Alba : une histoire de famille

En 1944, le Professeur Alba tombe malade ; il quitte alors la scène et prend une retraite forcée. Il décède six ans après, suivit de près par sa femme Tivolina. Entre temps, le Professeur Alba reste « vivant », car son fils Manolo Alba Fernández (né en 1926), reprend le célèbre pseudonyme, deux semaines après que son père cesse de jouer, avec le soutien de ses sœurs Consuelo (assistante) et Lolita, qui sera sa médium sur scène dans le rôle de Yu Li San, et de son frère Antonio (Soler) pour la gestion de l’entreprise familiale et l’organisation des tournées. Il poursuit ainsi le style de magie de son père5, en moins sinistre et plus glamour : cheveux noirs lissés en arrière, sourcils broussailleux et moustache coquette ; il fait penser à une star de cinéma des années 1940 ou à un magnat mexicain.

El Profesor Alba Jr. (Manolo Alba Fernández 1926-1997)
Yu Li San : « Elle voit tout, elle le devine tout ». Elle est présentée comme « Le périscope humain » ou « La voix de la tombe ». Son répertoire se compose d’un Phénomène de mort apparente, d’une Expérience de haute suggestion, de La femme enterrée vivante, d’une Projection astrale, pour finir par La réalité enveloppée de mystère

Le Professeur Alba Jr., dont le slogan est « L’homme qui joue avec la mort »6, réfléchit notamment à la manière de vendre son image grâce à de superbes affiches en couleurs produites par l’un des meilleurs affichistes publicitaires valenciens de l’époque : Rafael Raga (1910-1985).

En 1950, Consuelo se marie et quitte provisoirement la scène. En 1952, Manolo, Lolita et Antonio traversent l’Atlantique et emmènent le spectacle du professeur Alba Jr. au Mexique. Manolo épouse alors une Mexicaine du nom de Cecilia Pinillos qui devient sa nouvelle médium sous le nom de Gioconda. La troupe obtient un succès mondial pendant une vingtaine d’années, de l’Amérique du Sud jusqu’aux États-Unis.

Le répertoire du Professeur Alba Jr.

Son répertoire est divisé en deux parties. Dans la première partie du spectacle, consacrée au mentalisme, on y retrouve dans l’ordre : Un Aperçu rapide de Mesmer, d’Onofroff, du Docteur Enrico et du premier Professeur Alba – De la Mnémonique – 500 000 numéros de téléphone hébergés dans la mémoire exceptionnelle du Professeur Alba (ou Le simulacre d’un crime suivant les programmes) – Des Phénomènes en contact : dix minutes avec les esprits (ou des Actions à mener par le médium suivant les programmes) – Gioconda capte la pensée mélodique des spectateurs (ou Yu Li San dans La voix de la tombe suivant les programmes) – La Faculté rétinienne qui voit à travers les corps opaques – La Transposition des sens à l’écoute des demandes du public – La Voyance, Gioconda décrypte votre vie selon les signes du zodiaque (ou Les Opérations arithmétiques à distance suivant les programmes) –  Les Tables aériennes ou phénomènes en contact.

Dans la deuxième partie du spectacle, consacrée à l’hypnose, on y retrouve dans l’ordre : La Sélection des personnes aptes à l’hypnose – La Suggestion collective (ou La Fascination pour les animaux suivant les programmes) – La Première étape de suggestion – L’Etat de catalepsie – L’Hypnose collective – Les Suggestions d’idées – La Commande longue distance (ou Le Changement d’heure dans les horloges publiques suivant les programmes) -La Transmission de pensée – L’Hyperesthésie des oreilles d’un sujet.

Manolo Alba Fernández quitte le spectacle à la fin des années 1960 en raison de problèmes de vue. Il s’installe alors à Las Vegas où la direction de l’hôtel-casino Desert Inn7 le nomme vice-président. Il maintient aussi sa résidence au Mexique. Il amasse une énorme fortune en amenant des clients au casino depuis l ‘Amérique centrale et l ‘Amérique du Sud. Manolo meurt en 1997, à l’âge de soixante et onze ans.

Notes :

1 Comme tout le monde, Henri (Enrique) Bally d’Onofroff ( 1859-1941) a un nom et une histoire, mais tient à s’entourer d’un manteau de mystère. Peut-être n’est-ce pas son vrai nom de famille, peut-être que sa nationalité est russe, italienne, belge ou espagnole ? Quoi qu’il en soit sa vraie nationalité est restée longtemps une énigme et participa à l’aura de son personnage. On sait aujourd’hui qu’il était français, né à Nice et mort à Marseille. Il se présente avec certains « pouvoirs supérieurs » et comme le « champion du monde de la force psychophysiologique », titre qu’il garde pendant ses cinquante ans de carrière.

Enrique Bally de Onofroff (gravure de la Revue Illustrée du Rio de la Plata, 1895)

Onofroff est l’un des artistes qui ont transformé l’hypnose et la catalepsie en un spectacle de magie. Un « fascinateur » et un mentaliste ingénieux, séduisant et populaire qui a un énorme succès dans le premier tiers du XXe siècle en Espagne, en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis où il pratique la conduite les yeux fermés (« L’homme-radar »). Son spectacle, bien qu’évoquant le surnaturel et le scientifique, utilise beaucoup d’illusions, de ruses, de supercheries et de compères. Onofroff provoque sans surprise un profond rejet du monde scientifique. Mais ce qui vaut pour la science ne l’est pas pour le public, qui adore ses représentations à la limite de la déontologie.

Beaucoup de personnalités le considère comme un « phénomène » possédant des pouvoirs surnaturels comme Oscar Wilde, lorsqu’il présente ses spectacles à Londres en 1890, ou le poète nicaraguayen Rubén Darío, qui le voit à Buenos Aires en 1895. Un quart de siècle plus tard, le spectacle d’Onofroff éblouit le jeune Salvador Dalí, lorsqu’il assiste aux présentations de l’hypnotiseur à Figueras entouré de sa famille en 1920. Dalí pense alors avoir trouvé « la faille par laquelle espionner les désirs qui l’obsède » !

2 Plus tard, le jeune Manuel joue le rôle d’« hameçonneur » chargé de collecter les informations qu’Onofroff utilise sur scène pour ses démonstrations mentales. En réalité Onofroff a une douzaine de jeunes gens à sa solde qui le précédent dans ses voyages. Ils voyagent par différents modes de transport, ne marchent jamais ensemble et ne doivent pas saluer l’hypnotiseur ou son secrétaire. Leur mission est de recruter des personnes dans les bars et les cafés pour se prêter aux expériences psychiques du spectacle. Ils constituent ainsi des dossiers sur les faiblesses, les loisirs, la vocation et le caractère des candidats potentiels. Le secrétaire d’Onofroff, un homme cultivé et instruit, fait le même travail dans les clubs et les casinos, sélectionnant des sujets parmi les classes supérieures…

3 « La Tivolina » est le nom de scène de Lola Fernández Jiménez qui changera de pseudonyme, par la suite, pour se produire en tant que « Gloria Española » avec le Professeur Alba. Le couple se marie rapidement à Séville et ont ensuite cinq enfants ensemble.

4 Lolita (dans le rôle de la médium Yu Li San), Consuelo (intervenant sur scène), Antonio (en tant qu’assistant) et Manolo, le futur Professeur Alba Jr. (avec un numéro de récitation). Elisa, l’aînée, ne participe pas au spectacle.

5 Des effets de mentalisme, de clairvoyante, de suggestion et d’hypnose, mais aussi de cumberlandisme (sa capacité à trouver des objets dans des endroits cachés d’une pièce) ou d’« homme-radar » (conduite à l’aveugle). Sur les programmes d’Alba Jr., on retrouve la mention suivante : « L’étonnante réalité de ses expériences a ému non seulement les hommes de science, mais aussi le monde des incroyants. »

6 « L’homme qui joue avec la mort » est un slogan reprit du magicien et escapologiste français STEENS (1881-1939) qui sied mieux à l’art de l’évasion qu’au mentalisme…

7 Le Desert Inn était l’hôtel où vivait Howard Hughes, qui allait inspirer le Kane d’Orson Welles.

À lire :

  • Profesor Alba, El poder de la mente de Rafael Brines Lorente (Carena Editors, 2001)

Cet article a été publié pour la première fois dans le MAGICUS magazine n°235 (mai-juin 2022). Un grand merci à Ramón Mayrata pour son aide et ses précieuses informations historiques. Crédits photos – Documents – Copyrights : Collection S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.

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