Comment êtes-vous entré dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Un jour, j’ai vu un pasteur méthodiste faire un spectacle de magie dans un camp d’été quand j’avais environ huit ans. Il faisait disparaître un foulard de soie en le poussant vers le bas dans un cône de papier avec sa baguette magique, et quand les enfants ont crié qu’il était « dans la baguette » il l’a cassa en deux et la jeta dans le public juste pour montrer aux enfants qu’ils avaient tort ! J’ai été frappé par ce geste. J’aurais tout donné pour avoir une baguette magique comme ça.
Je suis resté debout toute la nuit, dans une rêverie fiévreuse, à essayer de comprendre la façon dont les tours avaient été effectués, est-ce que les anneaux avaient des aimants ? J’ai aussi pensé à ce que cela signifierait d’avoir de vrais pouvoirs magiques, et d’être un célèbre magicien de scène. Je ne me suis jamais concentrer à ce point sur la créativité, sur une pensée inductive, et c’était très excitant pour moi. J’ai été « accroché » par la magie depuis ce moment-là.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
J’ai commencé à m’intéresser aux livres de magie en dehors de l’école, dans les bibliothèques publiques. J’ai trouvé « une annonce » pour le catalogue Magic Abbott dans un de ces livres et j’ai commandé des articles. C’est comme ça que j’ai commencé mon apprentissage.
Mon père était allé à l’école avec un magicien bien connu de Caroline du Nord, Dick Snavely. Dick m’a ainsi présenté à Bill Tadlock, Bill Spooner, Hersey Basham, Penny Pologne, Phillip Morris et Wallace Lee. Ce sont tous mes mentors de la région de Caroline du Nord en Virginie. Bill Tadlock m’a présenté aux « habitués d’Abbott » comme Monk Watson, Duke Stern et Karrell Fox, Chacun d’eux m’ont influencé.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
J’ai commencé à travailler dans les rues après avoir déménagé à New York en 1968. Je faisais « le jeu de la coquille » pour gagner de l’argent. La rue m’a appris beaucoup de choses sur l’exécution de mes tours et la tenue d’un public. J’ai ensuite voyagé et joué à Jérusalem, Paris, Bruxelles, Londres et Edimbourg en 1973.
La première grande opportunité que j’ai eue a été celle de prendre « le salon de spectacle » à Tombstone Junction, un parc à thème du Far West dans le Cumberland Gap du Kentucky. A cette époque, ils essayaient de monter un spectacle de « magie programmée », avec des automates costumés aux lèvres synchronisées à une piste audio, et un magicien en direct. J’ai conduit de Knoxville (Tennessee) au Kentucky dans la neige aveuglante pour arriver à cet endroit. Ils m’ont engagé et j’ai travaillé pendant deux ans avec une illusion et un spectacle de colombe. Après mon départ, ils ont embauché Mac King et Lance Burton pour faire le show. J’ai eu la chance de travailler quatre mois par an avec un spectacle complet, sept jours par semaine, cinq spectacles par jour ; ce qui fut une merveilleuse expérience pour moi.
Le Magic Castle a été au centre de ma carrière. Jouer dans un tel endroit et être entouré de merveilleux magiciens, a influencé mon travail durablement.
Le plus grand frein à ma carrière a été « autoproduit » lorsque j’ai complètement changé de personnage et de style en 2005. Ça m’a coûté beaucoup de travail durant les quatre premières années, et c’est seulement maintenant que je commence à remonter la pente. Je pense que c’était la bonne décision, et je suis très heureux de ce que je suis maintenant. Finalement, mes difficultés financières en valaient la peine.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
J’ai travaillé dans toutes les conditions. Sur les bateaux de croisière, dans les théâtres, les comedy clubs, à la télévision, dans des Casinos, des parcs à thème, des festivals, dans la rue, dans les restaurants, etc.
J’aime la scène et close-up. Je travaille actuellement pour des événements d’entreprise, des soirées privées et sur mon propre spectacle théâtral : Pop Haydn au 21e siècle, que je joue dans un ancien petit théâtre de 500 places, aux alentours de Los Angeles.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Outre mes premières influences, j’ai été initié au close-up par Brian Gillis. Il m’a présenté à son mentor, Eddie Fechter, et la magie d’Eddie eu un énorme impact sur moi.
Plus tard, j’ai rencontré Billy McComb qui m’a aidé à bien des égards et est devenu mon ami le plus cher. Il fut le magicien le plus instruit que j’ai jamais rencontré, il avait une mémoire incroyable. J’ai sollicité ses conseils presque tous les jours, jusqu’à sa mort.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je crois en une magie basée sur les personnages, une magie très forte, réalisée avec « un vieux cœur de neuf ans ». Je veux faire appel à l’enfant qui est un chacun de nous et créer un personnage que les gens aient envie de « s’enfuir avec » dans leurs pensées, de « rejoindre le cirque » et de quitter leur ancienne vie, au moins pour un temps.
Pour moi, la magie est devenue morne et réaliste. Le mentalisme, les attractions et autre magie pour magiciens me semblent survoltés, il manque le charme des grands spectacles magiques de l’âge d’or. C’est trop sérieux et sombre à mon goût !
Indiana Jones fut un film qui a su capturer « mon vieil esprit de neuf ans » dans l’aventure et l’amusement. Les adultes ont été emportés comme les enfants. Je veux créer un spectacle de magie dans lequel la magie fonctionne comme elle est censée le faire. Par exemple, vous n’avez pas besoin d’étudier, d’apprendre à utiliser une boule de cristal : vous n’avez qu’à vous regarder dedans. Si vous prenez la baguette du magicien, vous pouvez faire pleins de choses avec. Un enfant pourrait utiliser un dispositif de téléportation, une bobine Tesla pourrait plier la gravité, etc. Ce qui est amusant, c’est d’avoir ces objets « de pouvoir » entre les mains et de ne pas être assez responsable pour gérer de telles choses.
Mon personnage est un charlatan, un bonimenteur de vaudeville de 1910 qui a accidentellement été transporté au 21ème siècle avec sa troupe de médecins, de pickpockets et d’escrocs. Depuis 2005, ils ont étudié Internet et la société, ils ont monté un spectacle pour plaire à un public moderne. Ils ont besoin de vendre des billets et de faire du commerce afin de subvenir à leurs besoins dans un monde dont ils ne font pas vraiment partie. Ils n’ont pas de papiers d’identité, pas de comptes bancaires, aucun certificat de naissance, pas d’histoire. Ils sont des étrangers en situation irrégulière dans leur propre pays. Ils ne peuvent survivre que par leur intelligence et leur talent, par leur capacité à devancer et à déjouer les habitants de ce nouveau monde.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Suivez tout ce qui vous intéresse, et ne limiter pas vos recherches. Tout ce que j’ai appris, des choses que je pensais ne mettre d’aucune utilité, s’est avéré être d’une grande important maintenant, à ce stade de ma carrière. Rappelez-vous ce qui vous a rendu accro à la magie, et essayez de trouver un moyen de le restituer au public, de lui faire comprendre ce qu’est la magie pour vous et pourquoi vous l’aimée. Amusez-vous, c’est la seule justification réelle et le vrai secret de ce que vous faites.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie d’aujourd’hui est trop sérieuse, trop survoltés, prétentieuse et fade. Beaucoup de magiciens se ressemblent et font les mêmes choses. Les agents demandent « trois magiciens de close-up et un de scène », comme s’ils étaient interchangeables ! Les magiciens avec un personnage unique et reconnaissable sont maintenant devenus une exception.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Il faut s’intéresser à la culture et voir comment elle évolue. Nous devons comprendre et nous adapter aux nouvelles technologies. Les gens ont besoin de resté « connecter » lors de nos spectacles. Je pense que nous verrons de plus en plus de lumières dans le public à cause des téléphones portables. Le public passif, sans aucune distraction, proscrit dans l’obscurité n’a plus d’avenir. Les gens ne veulent pas rompre le cordon ombilical de la connexion Internet. Ils veulent partager leurs expériences non seulement avec les gens de la salle, mais aussi avec leurs amis sur Facebook et Twitter. C’est quelque chose qui doit être compris, c’est peut être une bonne chose finalement, un autre rapport à la représentation…
Nous invitons les gens à partager la vidéo de notre spectacle, à rester en ligne, à mettre des commentaires, etc. Nous les envoyons regarder des « trucs » pendant la représentation, commenter sur Twitter, et nous leur vendons des produits en ligne. Nous essayons de prolonger l’expérience du direct avec ces nouvelles technologies de sorte qu’ils peuvent obtenir plus d’informations sur la trame de l’histoire et sur les personnages, dans le but de les inclure dans une expérience globale. On leur donne ainsi envie de revenir, de continuer à regarder en ligne, de devenir des fans et des followers.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Mes passe-temps sont nombreux : l’électricité à haute tension, le radio-magnétisme, la chirurgie cérébrale, la médecine expérimentale, l’herboristerie, la phrénologie, l’invention de loisirs, la biochimie et la cosmologie expérientielle.
– Interview réalisée en décembre 2013.
A visiter :
– Le site de Pop haydn.
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