Comment êtes-vous entré dans la magie ?
En 2010, Je travaillais dans un hôtel dans le sud de la France et chaque week-end, un ami de la serveuse qui était magicien venait passer deux jours avec elle. En attendant que sa copine termine le service du soir, il me faisait des tours avec des cartes, des pièces, des billets, et moi je ne connaissais rien à tout ça et j’étais comme un gamin. Nous avons sympathisé au fil des semaines et comme il a vu que j’étais un grand fan, la fin de l’été, il m’a offert le DVD n°1 de Bernard Bilis avec un paquet de cartes, j’ai étudié religieusement chacun des tours et je me suis beaucoup entraîné.
À quand remonte votre premier déclic ?
J’ai toujours été intrigué par la magie mais je n’avais aucune connaissance. Après avoir travaillé mes effets et quand j’ai commencé à présenter mes premiers tours de cartes à des spectateurs et qu’ils étaient sincèrement impressionnés, j’ai trouvé ça incroyable, l’émotion que ça peut procurer aux gens.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
En parallèle de mon travail de cuisinier, je faisais de la guitare. N’ayant pas trop les moyens à l’époque, j’ai revendu mon instrument pour m’acheter du matériel de magie et proposer des tours variés à mes spectateurs. Je me suis formé seul en assistant à des conférences et en achetant des livres et des DVD.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. À l’inverse, un évènement vous a-t-il freiné ?
Quelques années plus tard, j’ai changé d’établissement, et sur mon CV, j’avais noté que je faisais de la magie. Le patron du restaurant cherchait justement des profils atypiques, il y avait un barman qui faisait du flair (l’art de jongler avec des bouteilles), un serveur qui chantait et jouait de la guitare et moi le cuisinier qui faisait de la magie. Me voilà parti pour travailler à O’byron à Dax pour quatre belles années. Dans cet établissement, J’ai donc eu l’opportunité de rencontrer des gens différents chaque soir et de pouvoir leur présenter mes numéros, cela a été un point décisif pour m’améliorer et me rendre compte qu’il y avait un vrai public fan de magie. Un jour un monsieur assez âgé a aimé ce que je lui ai présenté et m’a proposé de venir animer l’anniversaire de sa petite fille contre une rémunération, un maigre cachet de 50 €, mais à l’époque j’étais tellement heureux de pouvoir présenter un spectacle que je l’aurais fait gratuitement ! Aussitôt mon billet en poche, je fonçais sur Internet pour me commander de nouveaux tours et pouvoir continuer à varier mes numéros. Cet épisode de ma vie a été décisif puisqu’en parallèle de mon métier de cuisinier, j’ai commencé à présenter de plus en plus de spectacles et la demande grossissante m’a poussé à quitter mon premier métier pour devenir magicien à plein temps.
Quels sont vos domaines de compétence ?
Aujourd’hui je présente de la magie de proximité, de l’hypnose de spectacle, et un spectacle de magie comique sur scène façon one man show. J’ai eu un coup de cœur pour la magie avec les Rubik’s cube et j’ai beaucoup de routines basées sur ce petit objet fascinant.
Dans quelles conditions travaillez-vous ? Parlez-nous de vos créations, spectacles et numéros
En général je m’adapte assez facilement aux différents lieux, je peux être sur scène comme dans la rue, avec dix personnes comme trois-cents. Récemment j’ai eu l’occasion de présenter de la magie sur un catamaran pour une croisière privative. De manière générale, j’aime bien mélanger les styles, en détournant la fonctionnalité d’un gimmick pour le combiner à un autre tour de façon à présenter des numéros que les autres n’ont pas.
Quelles sont les prestations de magiciens ou d’artistes qui vous ont marquées ?
Les quelques artistes qui m’ont le plus marqué sont Vincent C. avec son « canon à colombes » et son style trash, David Williamson pour toute sa façon de présenter, Greg Wilson et Appolo Robbins pour les routines de pickpocket, Steven Brundage pour les routines de Rubik’s cube, The Amazing Johnathan pour le côté absurde, et en France, comme beaucoup, je pense à David Stone qui m’a beaucoup inspiré quand j’ai commencé la magie.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Je suis toujours plus inspiré par la magie comique et l’autodérision.
Quelles sont vos influences artistiques ?
J’aime passer du temps sur les réseaux sociaux, voir les nouveautés et découvrir de nouveaux artistes.
Quel conseil et quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Toujours bien s’entraîner avant de présenter un numéro et de ne pas hésiter à aller rencontrer des gens. Le plus dur au début, c’est souvent de vaincre sa timidité.
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
Aujourd’hui avec Internet, l’intelligence artificielle, l’électronique toujours plus petite, nous avons accès à de nombreuses nouveautés, et des mécanismes et subtilités toujours de plus en plus techniques. Cela permet à mon sens de pouvoir proposer des numéros toujours plus spectaculaires, alors c’est une bonne chose.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie (apprentissage culturel, différences sociologiques et ethniques) ?
C’est une très bonne question. En France et en Europe, il y a beaucoup d’émissions et de télé-crochets avec des magiciens et ces dix dernières années, cela a aidé à rendre ce métier populaire et fun. J’ai fait le choix de partir de la métropole pour vivre en Martinique depuis huit mois et je me rends compte que sur le secteur Caraïbes, les gens n’ont pas la même approche. Ici, on passe beaucoup moins de temps devant la télé et le mot « magie » est associé culturellement à de la sorcellerie et du vaudou. Alors il faut présenter les choses sous un angle différent, souvent, je me présente comme illusionniste et je dois expliquer aux locaux que la magie que j’expose est un art au service du divertissement et de l’amusement. Il y a un vrai travail à faire sur les Antilles pour faire connaitre cet art et le rendre populaire comme en France.
Y a-t-il des associations ou des clubs de magiciens à la Martinique (ou dans les autres îles des Caraïbes) ? Par exemple l’association « Lien magique », qui réunit des artistes visuels du spectacle ? Êtes-vous nombreux à pratiquer l’illusionnisme à des fins de divertissement ?
Je ne suis pas en Martinique depuis longtemps et peu adepte des clubs de magiciens mais visiblement celui-ci a été créé dans le but de rassembler les artistes de l’ile, mais au final nous sommes peu. L’illusionnisme est un divertissement mais c’est aussi mon métier principal. En fait, il y a quelques clowns qui présentent quelques tours de magie lors de leurs spectacles, mais sinon à ma connaissance, nous sommes trois magiciens et une magicienne.
Comment est perçue votre activité par rapport aux « sorciers-séanciers » locaux qui pratiquent le « Quimbois » entre magie, médecine et religion ? Y a-t-il une concurrence ou une hostilité particulière ?
Lorsque je me présente comme magicien, les antillais ont souvent une appréhension du fait de leurs culture liée au Quimbois et culture vaudou, certain ont peur de ce que je pourrais faire mais je leurs explique que ce n’est pas de la sorcellerie, que je suis là pour les divertir et les amuser et qu’il n’y a rien à craindre. Il n’y a pas de concurrence ou d’hostilité avec ses sorciers car nous ne faisons pas la même chose et à titre personnel, je n’ai pas baigné dedans depuis mon enfance donc ce sont des coutumes que je ne connais pas et qui ne m’intéressent pas au même titre que la religion ou la voyance. Je crois surtout dans les relations humaines et les émotions que cela provoque chez mes spectateurs.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
La magie prend pas mal de place dans mon quotidien mais j’ai la chance de vivre dans un cadre où je peux profiter pour faire des sorties randonnées, apnée et paddle toute l’année.
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Interview réalisée en février 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : krys photographie martinique et @dkeyphotography. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.