Ancienne danseuse chez Philippe Decouflé, avant de devenir codirectrice de la compagnie du chorégraphe, Pascale Henrot a côtoyé pendant dix-sept ans la scène et ses coulisses et coordonnée les cérémonies d’ouverture et de clôture des JO d’Albertville en 1992. Elle codirige ensuite pendant huit ans le festival Paris Quartier d’été. Depuis avril 2009, Pascale Henrot est la directrice et la programmatrice du Théâtre de la cité internationale à Paris. Elle a organisé l’évènement Des-Illusions du 5 au 16 avril 2011 qui a mit en avant l’art de l’illusion dans des spectacles pluridisciplinaires. Au programme : Thierry Collet, Pierrick Sorin, Joris Lacoste, Claudio Stellato, Annie Dorsen et Anne Juren.
Prestidigitation, mentalisme, hypnose, cirque, danse, théâtre, performance et art vidéo ; votre programmation est hétéroclite, populaire et exigeante à la fois. Comment vous est-il venu l’idée de monter un tel évènement qui s’aventure hors des sentiers battus et des idées reçues ?
Pour avoir travaillé avec Philippe Decouflé et approché la notion d’illusions, cela m’intéressait d’y réfléchir, de voir où en était la création aujourd’hui. Est ce que ce monde de magiciens, qui peut nous paraître désuet, avait évolué en terme de pensée et d’esthétisme.
Le vidéaste Pierrick Sorin multipliant les miches de pain dans son théâtre optique Sorino le magicien (1999).
Votre ambition, n’est-elle pas de proposer un nouveau regard sur l’illusion à travers l’expérience sensorielle et physique du spectacle vivant, tout en proposant une nouvelle forme d’approche qui se voudrait anti-spectaculaire ?
Non, je ne cherche pas « l’anti spectaculaire ». Je cherche d’abord des artistes, des artistes qui réfléchissent à ce qu’ils font, au pourquoi ils le font, ce que leur art peut recouvrir. Qu’en est il en 2011, comment se rattachent-ils à leur, à notre histoire.
Votre politique d’ouverture aux différents champs artistiques est une aubaine pour des arts dit « mineurs » et sous considérés comme la prestidigitation. Ce domaine souffre d’une vraie reconnaissance artistique. Ce festival me semble être une proposition intéressante pour réhabiliter quelques vérités « sur la reine des arts » tout en déjouant les attentes des spectateurs. On peut montrer que l’art de l’illusionniste peut-être autre chose que de faire sortir un lapin d’un chapeau, loin des idées préconçus. Qu’en pensez-vous ?
Oui, bien sûr, la notion de manipulation, de pouvoir, la question du féminisme est sous tendue dans tout ce qui relève de la magie. La question artistique elle, ne dépend pas d’une discipline ou d’une autre. Choisir la magie, la danse ou la poésie reste un moyen de parler, de s’exprimer. Reste que la magie peut paraître plus contrainte pour que l’acte artistique puisse s’exprimer.
Thierry Collet dans son spectacle Influences (Photo : Nathaniel Baruch).
Nous voyons de plus en plus de formes hybrides et de mélange des genres dans le spectacle vivant. Quelle importance portez-vous à cette pluridisciplinarité artistique ?
Encore une fois, l’important est de dire notre société aujourd’hui, aider à la faire comprendre, quelque soit le genre choisi.
Longtemps considérée comme ringarde et stéréotypée, la magie est aujourd’hui mise sur le devant de la scène et commence à investir le théâtre et ses institutions. Nous voyons que l’illusionnisme est au centre de véritables enjeux artistiques, une sorte de forme transdisciplinaire qui attire de plus en plus d’artistes de tout horizon. Quel regard portez-vous sur cette « magie nouvelle » ? Considérez-vous qu’elle ait un vrai rôle à jouer dans le spectacle vivant contemporain ?
La naissance de la vidéo, l’expansion des images, ont permis, à d’autres que des magiciens, de travailler l’illusion sans l’apprentissage de la technique. A des chorégraphes pour la plupart, et ceci il y a une dizaine d’années. Ce qui a permis, je crois, une nouvelle appréhension de ces techniques et une possibilité de se les accaparer en les sortant du cercle restreint des magiciens. Et ce qui a permis aussi, sans doute, aux magiciens, dans leur collaboration avec d’autres disciplines, de s’ouvrir à d’autres esthétismes.
Hypnose et théâtre dans Restitution de Joris Lacoste (Photo : Joris Lacoste).
L’illusionnisme intervient également dans un champ particulier, que vous mettez en avant dans votre collaboration avec le théâtre de la Marionnette à Paris, en accueillant la prochaine Biennale internationale des arts de la marionnette. Cette discipline exigeante est basée sur les principes même de l’illusion et de l’artefact. Elle utilise un nombre incalculable d’artifices qui s’apparente à un vrai tour de magie. Quelle est pour vous, l’importance de cette forme de théâtre d’objets ?
Je pense que l’illusion peut être présente partout, en théâtre, en danse, dans les arts de la marionnette. Les artistes qui s’intéressent à l’illusion utilisent tous les moyens à leur portée. Mais les moyens sont au service de la fin !
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