Introduction
Sur la scène est disposé un porte manteaux avec dessus divers habits. Au centre, un écran est relié à une caméra sur pied qui filme le vide. Arrive alors un élégant jeune homme tenant un bloc note géant. Il y écrit au feutre « Ceci est une boule » (clin d’oeil à René Magritte), et immédiatement une boule de bowling apparaît entre deux feuilles puis tombe à terre (Kevin James). Noir dans la salle.
Plein feu. Romain Lalire se présente à la salle comme magicien, mime, aimant la sculpture, le jazz, les performances et le chocolat, entre autre. Son spectacle s’intitule Parcours libre, et reflète ses goûts en matière de création. Laissant de côté les lignes droites trop balisées, l’artiste nous propose des détours guidés par ses envies du moment. Romain Lalire nous présente son « laboratoire à image » par la présence d’une caméra qui filmera en directe certaines saynètes à venir. Il cite ensuite Marcel Marceau : « Le mime c’est rendre visible l’invisible et l’invisible visible ».
La magie est selon lui un moyen de tordre la réalité. Mais pourquoi les magiciens fabriquent-ils de drôle de boîtes avec des paillettes dessus ? Quel sens à tout ça ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la magie relève de l’inconscient collectif et convoque des rêves comme la faculté de voler ou de passer à travers la matière. Ceci étant dit, la transition est parfaite pour introduire un des tours les plus connus du répertoire magique.
Les anneaux chinois
Romain Lalire installe son premier décor, projeté sur l’écran, à base de papier découpé représentant intertitre façon cinéma muet avec marqué à l’intérieur « Le magicien ».
Il est prêt à nous présenter les anneaux chinois. Qui dit tour classique, dit costume classique à queue de pie et musique adhoc. Le magicien enchaîne alors une plaisante routine pour quatre anneaux et salut son public à la manière d’un courtisan.
Mentalisme
Le magicien propose de lire dans les pensées d’une spectatrice qui monte sur scène. Il lui demande de visualiser un écran blanc sur lequel est imprimé un jeu de carte. Un jeu de carte jumbo est alors confié à une personne du public.
Après différente opération d’élimination, la spectatrice ne retient qu’une seule carte secrètement. Le magicien écrit alors une prédiction sur un bloc note : « C’est ma carte » (blague). Il demande alors le jeu de carte jumbo et éventaille les cartes face au public. Une seule carte est face en bas ; il s’agit de la carte pensée par la spectatrice.
La lecture de pensée avec un jeu Brainwave. Tour vu et revu qui a un fort impact sur le profane et que Romain Lalire présente parfaitement en se servant d’une gestuelle précise de visualisation. A chaque étape, il mime les choix de la spectatrice ce qui facilite la compréhension globale et participe à créer une vraie tension dramatique jusqu’au climax final.
Chasse aux pièces
Le magicien invite un enfant à venir sur scène. Il le familiarise avec un seau métallique qu’il tient dans sa main. Le magicien produit ensuite une série de pièces qui apparaîssent du néant. Ces pièces sont jetées dans le seau une à une. L’enfant participe malgré lui à ces apparitions, surpris de posséder autant d’argent. Un tour classique bien exécuté.
Le foulard en oeuf
Romain Lalire propose au public de lui apprendre un tour : le foulard transformé en oeuf. Il explique le truc de l’oeuf creux mais finit par vraiment faire disparaître le foulard de manière incompréhensible avec au final l’apparition d’un vrai oeuf qu’il casse dans un verre.
Parenthèse magique n°1
Voici maintenant une parenthèse poétique, un instant magique, une publicité en live retransmise sur écran. Nous voyons les mains du magicien effectuer une sorte de gymnastique des doigts. Un échauffement avant la manipulation à venir. Apparaît alors une balle transparente qui semble léviter dans l’air tant sa manipulation est fluide (balle contact). L’artiste manipule cet objet avec grâce et nous transporte hors du temps, en apesanteur l’espace d’un instant.
Le bonneteau
Chaussant l’habit et l’attitude du titi parisien, Romain Lalire, nous livre une séance de bonneteau géant rythmée et participative. Le décor en papier sur le vidéo projecteur change pour laisser la place à la butte Montmartre.
Le bonneteur installe trois cagettes surmontées d’une bouteille qui serviront de socle à trois cartes géantes représentant deux rois de trèfle et une dame de coeur. Après quelque mélange cartes retournées, le but est de retrouver la dame de coeur. A tous les coups le public se trompe et le bonneteur empoche des billets de plus en plus gros qu’il fait apparaître entre chaque manipulation. Au final, le bonneteur révèle trois rois de trèfles, la dame de coeur a disparu ! Il remballe alors son matériel et disparaît comme un voleur de la scène.
Ce numéro est plaisant et très bien présenté. Romain Lalire campe un titi crédible, la clope au bord des lèvres.
Lola
Pour ce numéro, tout est parti d’une rencontre dans le métro parisien. Romain Lalire nous raconte cette rencontre en prenant les traits d’un SDF. Demandant l’aumône avec son chapeau et devant l’indifférence générale, le clochard se grille une allumette pour se réchauffer et se couvre d’un drap rouge. D’un coup une idée lui passe par la tête : pourquoi ne pas avoir de la compagnie et de s’inventer un personnage imaginaire pour se sentir moins seul ? Ni une ni deux, il se confectionne une silhouette féminine avec ce qu’il a sous la main. Cintre, boule de papier, drap et chapeau sont agencés de manière à constituer une amie de fortune éphémère.
Sur la musique de la javanaise de Gainsbourg, la figure s’anime et entame un pas de danse avec le SDF. Celui-ci transforme une allumette en rose qu’il offre à sa partenaire occasionnelle. Le temps d’une brève rencontre, la silhouette disparaît et laisse le clochard seul devant la triste réalité de sa vie. Qu’importe, il aura partagé un petit moment de bonheur dans son quotidien morose.
Lola est un des numéros les plus aboutis de son auteur. Avec une belle idée de départ et sur un sujet banal, Romain Lalire maîtrise la tension dramatique de son sujet et donne vie à de la matière inanimée dans le style de la grande Tina Lenert.
Parenthèse magique n°2
Gros plan sur une bobine de fil. Une longueur de fil est cassée en plusieurs morceaux. Après avoir réuni ces fragments, le fil se reconstitue. C’est la version classique du fil hindou, bien exécuté et toujours plaisante à regarder.
Guéridon volant
Le magicien reste sur la thématique du fil pour nous présenter un magnifique numéro de guéridon volant façon Dirk Losander.
Sur un guéridon se trouve une bobine de fil invisible. Le magicien en prend un bout et mime différents instruments de musique en se servant de ce fil imaginaire. Sur une bande son défile une contrebasse, une guitare basse, un bandjo puis une guitare électrique. En parfaite concordance, Romain Lalire mime la musique qui se joue et annonce à la fin qu’il a 10 ans de conservatoire de fil invisible derrière lui ! Hilarant.
Il tend ensuite un fil imaginaire dans le public et va « pêcher » une spectatrice qu’il fait monter sur scène. Il accroche son fil à la bobine qui se trouve sur le guéridon et demande à la partenaire occasionnelle de tirer dessus. D’un coup, le guéridon se met à léviter dans les airs. La spectatrice est invitée à manipuler elle aussi le tissu de la nappe pour faire voler l’ensemble. Une fois le guéridon redescendu au sol, le magicien éteint le projecteur de lumière qui se trouve au dessus de lui grâce à son fil invisible.
Ce numéro réunit tous les talents de Romain Lalire qui joue avec l’inconscient collectif, la participation du public, et la puissance évocatrice du mime. L’idée du « fil conducteur » est d’une grande poésie et d’une délicatesse singulière. Un magnifique numéro.
La feuille de papier
Avant de quitter la salle, le magicien nous propose un dernier tour à nous expliquer. Une feuille de papier est déchirée puis raccommodée sous nos yeux au son de Its Oh So Quiet interprété par Bjork. Le truc consiste à avoir une deuxième feuille duplicata en main et d’échanger la boulette déchirée contre la boulette intacte. Sauf qu’à la fin, la boulette déchirée est, elle aussi, entière ! Des coups de ciseaux sont alors portés autour du poing fermé et la boulette se transforme en une nuée de confettis (neige japonaise) qui volent autour du magicien grâce à un éventail.
Au final, Parcours libre est un agréable spectacle axé sur des tours classiques de la prestidigitation, laissant également la place à des expériences plus radicales et personnelles instaurées par les instants magiques. C’est dans ce genre de registre que l’on sent l’univers singulier de Romain Lalire qui mêle le mime à la magie en passant par des installations-sculptures qui rappellent l’univers surréaliste de Magritte et du plasticien Philippe Ramette.
A lire :
– L’interview de Romain Lalire.
A visiter :
– Le site de Romain Lalire.
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