Chorégraphie de Cécile MEDOUR et Lumières de Thierry MANCIET.
L’illusionnisme est en train de subir d’importantes métamorphoses. Nous assistons à une remise en causes du sens même de la magie.
Les spectacles visuels actuels utilisent le merveilleux comme structure dramatique. Longtemps cantonné dans le simple divertissement et le spectaculaire, l’illusionnisme s’immisce dans les Arts majeurs, le théâtre, la danse, la musique, le cinéma. Utilisé par d’authentiques auteurs tels que le génial Philippe Genty, il rayonne de plein feu ! A l’inverse, quelques magiciens intègrent d’autres formes d’arts dans leurs spectacles scéniques, c’est le cas de Laurent Beretta avec la danse dans sa nouvelle création Paradoxes. Laurent Beretta, manipulateur reconnu possède une personnalité attachante et les thèmes abordés dans sa création sont alléchants.
PARADOXES 1
« Paradoxes » est construit sur plusieurs tableaux qui mettent en lumière différentes citations du grand écrivain irlandais Oscar Wilde. Le sens du spectacle est aussi la recherche de la beauté. Beauté retrouvée dans l’éphémère des situations : Un couple se croise et se sépare. Beauté dans la gestuelle et la chorégraphie des corps. Beauté enfin dans l’évocation des sentiments. Le décor ainsi que les costumes sont sobres avec une prédominance du noir et du blanc, possible référence à la littérature et au livre. Le magicien manipulateur et danseur Beretta est accompagné par Cécile Medour, danseuse et chorégraphe du spectacle.
Côté illusions :
– Apparition d’une femme dans un tableau
– Le journal déchiré et raccommodé (classique)
– Une feuille de journal est transformée en parapluie (très bel
effet)
– Le passage à travers un miroir
– Une transposition avec un journal géant (belle idée)
– Une séquence de manipulation avec un chapeau et un foulard ainsi
qu’avec plusieurs cartes à jouer (numéro connu de Beretta).
Malgré tous ces éléments, et les bonnes intentions, une sorte d’ennui nous envahi dès les premières minutes. Les tableaux se suivent sans autre lien que les citations d’Oscar Wilde. La représentation qui ne dure que 45 minutes (dont 15 minutes par un invité), est séparée en trois parties. La tension dramatique s’effondre et l’attention du spectateur baisse aussi à chaque tomber de rideau. Le temps mort tue le spectacle, nous en avons une preuve supplémentaire ici. Les chorégraphies sont approximatives malgré le charisme et la belle attitude corporelle de Laurent Beretta. Certaines grandes illusions proposées ont de grandes
faiblesses. Le public accepte bien de se laisser illusionner, mais quand les trucages sont visibles, « le rêve » en prend un coup ! Paradoxe ultime. L’invité « surprise » est proposé en plein milieu du show. Il arrive comme un cheveu sur la soupe, renvoyant du coup l’image d’un spectacle peu structuré. L »impact de l’excellent mime Jérôme Murat, invité des représentations de mars, est plus important que celui de la vedette. Ainsi Laurent Beretta sert de faire valoir à Jérôme Murat et pas l’inverse.
Bardé de bonnes attentions, le spectacle « Paradoxes » s’est égaré en cours de route, laissant au final les spectateurs un peu déçus.
Un spectacle en rodage moins esthétique et achevé que le laisserait supposer sa belle affiche. Attendons de voir la suite de ces promesses avortées…
PARADOXES 2
C’est tout à l’honneur des vrais artistes que d’accepter les critiques et de se remettre en question. Laurent Beretta est devenu un véritable artiste et son spectacle (1 an après), dont il a gardé le nom sans doute par défi, est maintenant à la hauteur des ambitions artistiques qu’il s’est fixées.
PARADOXES, car tel est le nom de son « prestige », associe la magie et la danse dans un cocktail qui fonctionne admirablement. D’une part parce que Beretta lui-même se défend plus qu’honorablement en danse. Il faut le voir avec son chapeau dans une chorégraphie qui est sans doute un clin d’œil à Bob Fosse. Il ne « jongle » pas, il DANSE AVEC. Et d’autre part parce qu’il a une partenaire qui, elle, est une vraie danseuse. Il n’y a qu’à voir comment Cécile Médour s’en sort dans le tableau où elle « joue » une poupée de chiffon pour se rendre compte de son talent qui ne demande qu’à s’épanouir. Et enfin, parce qu’il a pris un metteur en scène, et pas n’importe qui puisqu’il s’agit de Raza Hammadi.
Grâce à ces éléments qui, sont le minimum pour prétendre à une prestation artistique, Beretta nous offre une suite de tableaux avec beaucoup d’innovations quant à la façon de présenter des effets magiques. Contrairement à notre habitude qui est de décrire et disséquer les numéros de magie. Le résultat global est satisfaisant, même s’il y a encore des détails à revoir au niveau du matériel, de la lumière, ainsi que quelques ajustements de mise en place, cadrage scénique et mise en scène à reconsidérer, mais ça c’est le boulot du metteur en scène et des techniciens.
Pour la petite histoire, après la représentation, un couple est venu féliciter Laurent Beretta et la femme lui a dit : « Il y a des passages où j’ai vraiment été touchée ! » Et ça, c’est beaucoup plus agréable et encourageant à entendre que cette phrase dont usent et abusent les artistes invités au PGCDM, et qui est : « Ca m’énerve, je ne comprends pas comment il fait ! » Après cela, on peut se demander : « Et l’Art, dans tout ça ? » Cette dame a été touchée ! On peut donc dire que Beretta l’a enchantée. Et l’enchantement ne fait-il pas partie du monde magique ? Donc, pari gagné. Attendons la suite car Laurent Beretta a un bel avenir devant lui et devrait encore nous surprendre.
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