CABARET MAGIQUE
Vendredi 26 septembre à 17h30.
Quand un magicien déjanté rencontre un magicien fou, cela donne un cocktail explosif de grand n’importe quoi. Une sorte de cadavre exquis, terme propre au surréalisme tant on touche ici cet art ludique du collage façon puzzle. D’ailleurs l’une des références d’Otto Wessely est Jean Cocteau lui-même, un surréaliste inspiré par André Breton. Mixant différentes saynètes de leur répertoire, les deux artistes réalisent un patchwork d’une incroyable cohérence. Ils sont complémentaires car à leur propre numéro est venu s’ajouter un vrai travail en duo qui casse les règles de la représentation classique. Tantôt foutraque, tantôt époustouflant, ce cabaret magique est à l’image de ses deux représentants : borderline, aux frontières de la vulgarité et du bon goût.
Introduction
Avant que la représentation ne commence, nous sommes déjà plongés dans le kitch rétro des années 1980 grâce à la bande son qui diffuse en boucle « C’est Guignol » de Chantal Goya. Sur scène, un bric-à-brac d’objets hétéroclites : un mégaphone, une desserte, un seau, une coupe, des anneaux chinois, un chapeau, une baguette, une poubelle pailletée, une banquette rouge avec des coussins en forme de lèvre.
C’est Eric qui rentre en premier sur scène. Il nous dit bonjour et commence à faire la bise aux gens du premier rang.
Eric Antoine, Otto Wessely et Billy Debu.
Amis de la poésie bonsoir
Otto « the Great » annoncé comme le roi de la poésie succède à Eric et installe une estrade à deux niveaux. Une sorte de spider métallique est dressé, sur lequel est posé méticuleusement un plateau carré qui se déplie en plusieurs panneaux qui recouvrent complètement l’armature. Nous sommes à trente centimètres du sol. Un deuxième spider plus petit est installé au milieu de l’estrade. Il est surmonté alors d’une poubelle et d’une planche décorée aux couleurs de Louis Vuitton. Otto dépose un coussin péteur sur le tout. Après cette installation assez longue
Le numéro peut commencer et c’est très bref il ne faut pas cligner des yeux ni des oreilles. Otto s’assoie sur le coussin et produit un Prout tonitruant ! Cette saynète est peut être une allusion au pétomane (Joseph Pujol ce modeste boulanger de Marseille qui a fait les beaux jours du Moulin Rouge, un des rares artistes à ne pas payer de droits d’auteur). Le côté absurde et jubilatoire résume tout le non sens de l’artiste et donne le ton de la représentation à venir. C’est irrésistible.
Otto rend ensuite hommage à Jean Cocteau en déclamant la citation bien connue des magiciens : «Hommes aux mille mains, je vous salue… », entrecoupée des interventions de son assistante essayant de le frapper à coup de journal plié une fois puis deux fois sur la tête. La troisième fois elle revient et jette le journal à terre avant de la frapper. Le bruit est très sourd signifiant une présence métallique conséquente !
Otto demande une minute de silence. Il prend alors un mégaphone et crie dans le public plusieurs fois : « Silence pour Cocteau, Cocteau est mort ». Après une allusion à André Malraux, il s’assoie sur un tabouret dont le pied transperce l’assise le tube est sensé lui être rentré entre les fesses (Perced revisité façon Otto)
Le journal déchiré en trois phases
La partenaire d’Otto, « Miss Crazy 1956 » entre en scène pour lui apporter un journal. Otto déchire le journal pour de vrai, sans restitution. Les morceaux sont jetés à terre. La partenaire (Miss Crazy Horse 1956) ramasse les morceaux et reçoit un sucre en récompense.
« Miss Fism » lui rapporte un second journal qui est à nouveau déchiré sur un texte parlant du monde des industries. Grâce à « une courbure de l’espace temps » le journal est reconstitué et n’a pas disparu « grâce aussi et surtout à la sainte magie ». Regard vers le ciel et main au c…de la partenaire en disant « Ta récompense ».
Pour le troisième passage final sur ce thème, un autre journal est déchiré trois fois puis en mille morceaux. « Violence du geste, guerre, perversion ». Les morceaux sont placés dans la poche droite de la veste. Petit geste magique de passage d’une poche à l’autre et Otto ressort un journal entier de sa poche gauche, premier effet. Il nous fait noter que celui-ci a changé de couleur (il est jaune) et il sépare deux feuilles pour nous expliquer qu’il s’est dupliqué.
Il dit aux spectateurs qu’il peut prouver qu’il n’y a aucun passage entre les deux poches.
Le chariot humoristique
Eric arrive sur scène avec un livre et récite un texte soporifique sur l’humour et le comique. Otto regarde sa montre, soupire et pour finir l’interrompt et lui propose de passer aux travaux pratiques avec un jeu de devinettes sur l’origine historique de quelques gags sortis du chariot humoristique.
Celui qui répond correctement aux questions à la chance de gagner une journée avec Otto. « Plus tu gagnes, plus tu passes du temps avec Otto ».
– La canne sciée n°1. Otto scie un bout et c’est l’extrémité opposée qui tombe (inventé par Davenport en 1971)
– La canne sciée n°2. Ce n’est pas la canne qui est scié mais le pied du micro (inventé par Otto en 1975)
– La canne sciée n°3. C’est la main qui est sciée et tombe par terre (inventé par Otto en 1975).
– La canne sciée n°4. Otto scie le bout et se tient ensuite les parties. Fin et mort du gag.
– Bullet Catch où la balle rattrapée entre les dents. Otto se tire une balle dans le ventre avec un pistolet en plastique et recrache une balle de sa bouche qui tombe dans une assiette (re-inventé par Klingsor, vieux gag de clown très ancien).
– La flamme sauteuse. Un briquet est éteint et c’est une lampe torche qui prend le relais façon D’light (inventé par Mac Ronay).
– La canne magique diabolique qui s’casse.
– La baguette méchante qui tape fort sur les doigts du magicien. (Otto)
– La canne dans le journal. Un gag en trois temps. La disparition ratée, la vraie disparition et la démarche du magicien en boitant (inventé par Bobby Baxter en 1975).
– La coupe. Otto prend la coupe et les anses s’enlèvent. Ils sont mis dans celle-ci qui sert de poubelle occasionnelle (inventé par Frenzy en 1973 et inspirée de la publicité de l’époque sur TF1).
– La corde hindoue qui tient en suspension par le bas (inventé par Ramsès II).
– L’articulation paysanne. Production de boules dans la bouche en parlant. Une ultime finesse pour spectateur magicien avec un changement de couleur au départ.
– Le gag de l’horreur. L’assistante d’Otto vient interrompre par deux fois celui-ci en portant un masque se squelette, puis de monstre horrible. La troisième fois elle se présente telle qu’elle est avec le visage découvert et les cheveux un peu dépeignés. Otto a la trouille de sa vie (à pisser de rire !)
– Un truc pour commencer un spectacle : Un foulard est déplié avec marqué dessus « The End ».
La féerie des animaux
Otto Amène sur scène un tigre blanc en peluche avec un lapin qui s’excite dessus. Il enlève le lapin et met un cerceau devant le fauve. Le tigre passe à travers le cerceau. L’assistante tire sur une grande corde depuis les coulisses !
Un lapin en peluche est produit d’un chapeau haut de forme. Celui-ci pisse et gicle les spectateurs du premier rang avant d’être jeté par terre. Otto pisse sur le lapin.
Vient ensuite la lévitation du lapin en peluche au niveau de la ceinture grâce à une tige. Celui-ci bouge les oreilles.
Une deuxième lévitation de lapin s’enchaîne façon Kellar.
Pour finir la séance, Otto fait disparaître le lapin en peluche dans le chapeau. En rageant la table au fond de la scène le truc nous est révélé : un conduit en plastique en dessous de la table.
Le lapin du tout début est toujours à terre devant les spectateurs et bouge sans arrêt grâce à un petit moteur caché dedans, comme à l’agonie. La partenaire vient le ramasser avec une pelle et une balayette.
Réalité ou illusion ?
Eric se transperce la langue avec une aiguille, deux fois de suite. Après l’illusion, il donne la solution tout en posant la question : réalité ou illusion ? Il baisse ensuite sa braguette et sort un sexe en plastique qu’il transperce avec l’aiguille.
Il essuie ses lunettes. Elles n’ont pas de verre et le petit mouchoir passe à travers. Il produit deux verres de jus d’orange qu’il boit dans la foulée.
Un ballon est gonflé et imagé par le magicien qui en produit ensuite une bouteille de champagne avec sa baguette magique du 93…un couteau !
Une assistante habillée en noir de la tête au pied façon théâtre noir vient sur scène remporter la bouteille en coulisse ; « Elle s’habille comme ça car elle est persuadée qu’on ne la voit pas ».
Eric produit ensuite un ruban en bouche et offre le paquet plein de salive à une spectatrice du premier rang.
Otto intervient avec une colombe en caoutchouc à qui il dit : « Vole, vole » et la fait s’écraser au plafond puis à terre. Il la plie et la place précautionneusement dans sa poche après quelques secondes de son majeur resté coincé dans son derrière.
Eric reprend la main et essaye de faire disparaître une colombe factice avec une baguette, mais c’est l’inverse qui se produit. A un, deux et trois, la baguette est dans le col de chemise.
Puis une vraie colombe est produite d’un foulard. Elle fait sous elle, Eric demande la veste du spectateur du premier rang pour l’essuyer. Il torche la colombe avec des kleenex et s’essuie le front car il a chaud. Il offre les kleenex ainsi souillé à la spectatrice.
La colombe réapparaît au milieu de plusieurs kleenex. Un œuf est produit du postérieur de l’oiseau : réalité ou illusion ? Ah ! Oui, l’oeuf est en mousse très molle. Ou est la cage Eric shoote la colombe dans les coulisses.
A noté que pendant toute la prestation d’Eric, Otto est assis sur la banquette du fond en train de lire le magazine Têtu, de se vernir les ongles puis fini par s’endormir.
Cordini et partenaire première partie
Une parodie du fameux sketch de Guy Bedos et Sophie Daumier.
Otto Arrive sur scène, accompagné de son assistante. On suit alors le monologue intérieur de celle-ci en voix off qui accompagne une routine de corde classique (cordes coupées et raccommodées et les trois cordes).
La voix off féminine dit : « Nous voilà parti pour 43mn de merde », « Les cordes ça doit l’exciter », « Il est peut être PD, il a un foulard à l’effigie de Léonardo Di Caprio et il est pote avec Delanoë » etc.
Cordini et partenaire deuxième partie
Otto Arrive sur scène, accompagné de son assistante. Cette fois ci les rôles sont inversés et c’est le monologue intérieur d’Otto en voix off qui se fait entendre en réalisant les mêmes passes de cordes qui sont commentées narcissiquement. « Elle prend sont pied sur scène », « Les cordes c’est la classe », « C’est le plus beau métier du monde », « Sexuellement je suis une bête, elle me préfère à Brad Bite ».
Otto continu avec les anneaux chinois, la surprise qui vient plomber l’ambiance.
Top 10 des tours les plus nuls
Il n’y a pas de mauvais tours, il y a seulement des mauvais magiciens. A moins que ça ne soit l’inverse ? Otto et Eric font défiler la liste :
– La perceuse de la mort
– Le porte feuille en feu
– La culotte aux foulards
– La lévitation d’une vache
– La bougie excelsior
– Le translucube
– Le tube Raymond
– Les pompons miraculeux (number 1)
La surprise
C’est la venue annoncée de Copperfield. Une fille (la femme d’Eric dans la vraie vie) entre en scène habillée de noir style matrix et entame une chorégraphie endiablé façon parodie ultra brite des grandes illusions américaines ou Hollandaises popularisées par Hans Klok, Sittah et autre Magic Unlimited.
Alors apparaît dans un monstrueux nuage de fumée réalisé grâce à un pétard, une poupée gonflable sensée représenter Ahmed Copperfield qui est évacuée en coulisse par une infirmière.
Les six cartes
Otto Nous fait l’éternel tour des six cartes après en avoir enlevé deux après chaque comptage. Cela n’en finit pas. Il recommence avec un jeu entier après avoir battu les cartes en tournant le dos si bien qu’on croyait qu’il pratiquait un sport individuel un peu comme dans la pub pour « Cuisinella » mais avec des cartes à la place du fouet.
Il commence à vérifier les 52 cartes une à une, « il ne faut pas être méfiant ».
Puis recommence le tour avec le paquet entier en enlevant deux cartes, « il me reste… ». Il s’interrompt grâce au ciel !
La mort
Eric prend le relais. Il n’y a qu’une réalité dans la vie, c’est la mort. « Croyez-vous aux fantômes, aux esprits, à la réincarnation ? » « Mangez sur l’herbe, dépêchez-vous, un jour l’herbe mangera sur vous ! » Sur ces paroles encourageantes Eric nous raconte l’histoire tragi-comique de son pote Matthias, il est décédé dans un accident de voiture, la faute à un platane. Le magicien-fossoyeur apporte les cendres du défunt. Les cendres sont offertes à la spectatrice du premier rang puis posées sur un guéridon décoré d’un tissu pourpre.
Le guéridon se met à voler avec la boite contenant les cendres de la victime.
Après cette lévitation, Otto revient en catimini sur scène ouvre la boite et disperse quelques cendres par terre. Il se baisse et sniffe une ligne devant le public.
Le top 10 des phrases dites par les magiciens
Otto et Eric font défiler la liste. Extraits :
– Moi je travaille pour le vrai public
– Ca c’est de Marlo
– Moi je fais différemment
– A la base je suis comédien
– Je vais plus à la FFAP, ce sont tous des cons
– C’est facile de faire ça avec du fric
– Si je fais de la magie c’est pour faire rêver les gens
– Si je fais de la magie c’est pour que le public garde ses yeux d’enfant (number 1)
Le lapin, le lapin
Otto produit de la neige japonaise, un fabuleux effet totalement original et jamais vu sur scène !
Eric tient un lapin qu’il câline pendant qu’Otto apporte sur scène un mixeur géant.
Sur un air de Chantal Goya, le lapin est inséré dans le mixeur dont l’intérieur rougit de plus en plus à force de broyer la pauvre petite bête. La mixture est alors servie au public.
Eric énumère ses futurs projets façon magicien narcissique (nous en connaissons tous plusieurs : Bientôt je vais faire ça et présentez aussi ça et j’ai tel contrat merveilleux…) et s’interrompant, Eric interroge ensuite Otto en lui disant d’un ton suffisant et toi quels sont tes projets ? Otto répond un puissant « je t’emmerde » à la place de ce que nous pensons tout haut. Combien se reconnaîtront dans toutes ces parodies ? Honnêtement beaucoup parmi nous à commencer par moi tellement tout est bien vu.
Ainsi se finit le spectacle comme il a débuté, sur la musique cul-cul la praline du « lapin qui a tué un chasseur ». Au passage les deux acolytes auront tordu le cou à pas mal de stéréotypes et replacé les magiciens face à leur égo surdimensionné, renvoyant un portrait au vitriol du monde magique déguisé en farce bon enfant.
Chapeau messieurs et mesdames car on n’oublie pas les deux excellentes partenaires (Christa et Calista), pour ce délire extrêmement ludique et jouissif qui nous interroge sérieusement sur notre capacité à produire du merveilleux.
A lire :
– L’interview d’Otto Wessely.
– L’interview d’Eric Antoine.
– Le compte-rendu du spectacle d’Eric Antoine « Satisfait ou remboursé ».
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