En mars dernier, j’ai eu la chance de participer à un événement historique pour le monde de la magie : le premier congrès entièrement conçu et animé par des femmes. À Las Vegas, ville mythique s’il en est, des magiciennes du monde entier se sont réunies pour échanger, transmettre, créer et célébrer la magie. Le programme alternait les conférences, les spectacles, le close-up et des temps d’échange informels. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est l’équilibre entre les approches techniques, artistiques, sociétales et professionnelles. Il ne s’agissait pas seulement de parler de magie, mais de la vivre dans toutes ses dimensions.
L’une des (bonnes) surprises de ce congrès a été la présence de trois conférences consacrées au développement du business magique : comment se vendre, comment créer sa marque, comment positionner son univers artistique. Des sujets rarement abordés dans les congrès européens, alors qu’ils sont essentiels pour tout artiste. Non, parler business n’est pas un gros mot, bien au contraire : c’est une manière de s’autonomiser, de se professionnaliser, et de faire rayonner son art.

Autre point fort : la question des minorités en magie a été abordée avec intelligence et engagement. Magiciennes noires, artistes trans, femmes d’origines diverses… Ces voix trop peu représentées dans nos milieux ont enfin eu une tribune. J’ai pris conscience de l’immense chemin encore à parcourir, mais aussi de la richesse humaine et artistique que ces regards différents apportent à notre art. Le panel intergénérationnel rassemblant notamment Fay Presto, Connie Boyd et d’autres grandes dames de la magie m’a profondément émue. Il y avait là un véritable passage de flambeau, une transmission vibrante et sincère entre générations de femmes magiciennes.

Côté scène, j’ai beaucoup apprécié la performance de Lucy Darling, présentatrice/magicienne aussi excentrique que maligne, au charisme scénique indéniable. Une artiste complète, drôle, et imprévisible – en un mot : brillante. J’ai aussi eu le plaisir d’assister à la conférence de la plus française des magiciennes, Alexandra Duvivier dont le débit de paroles est aussi rapide en anglais qu’en français ! Elle y a présenté de belles routines, dont une avec la musique d’Amélie Poulain (so French !) qui se termine par un envol de papillons… un moment poétique, délicat et maîtrisé, comme elle sait si bien les offrir.

Au-delà de la magie au sens technique, ce congrès proposait des outils concrets pour nourrir sa pratique : des conférences sur la technique, bien sûr, mais aussi sur comment publier un livre, comment structurer une carrière, comment faire évoluer son regard sur son propre art. J’ai été particulièrement marquée par la conférence de Lisa Menna, qui a partagé son expérience d’une magie investie d’un rôle presque ancestral en Inde et ailleurs dans le monde. Fascinant.

Il est vrai, comme dans tous les congrès, que toutes les interventions n’étaient pas de qualité égale – mais l’essentiel est ailleurs. Ce congrès a marqué un tournant : les femmes sont bien là, en magie, et elles sont nombreuses. Cet événement prouve leur présence, leur force, leur inventivité, leur diversité. Bravo à Leah Orleans, l’instigatrice de ce projet audacieux, pour avoir su réunir autant de talents et d’énergies autour de cette idée forte : rendre visibles les femmes dans la magie. Plus on les verra, plus cela deviendra normal. Et vivement le jour où l’on ne posera même plus la question. Où la proportion des femmes magiciennes sera simplement celle des femmes dans la société. Les femmes ont leur place en magie. Les femmes doivent être visibles. Infusons cet art avec tact, intelligence et sensibilité.
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