Les ateliers de restauration
L’aventure de ce musée a commencé en 1989, lorsque Georges Lucas prête deux pièces de ses films Star Wars pour qu’elles soient restaurées par Dan Ohlmann, le maître du lieu. Aujourd’hui, trente-sept studios et musées font confiance au savoir-faire d’experts et confient leurs pièces pour qu’elles soient restaurées et conservées dans le temps. C’est cet échange qui permet d’exposer temporairement (de un à deux ans) environ 500 objets uniques pour les présenter au public selon une scénographie qui évolue avec le temps et participe ainsi à la sauvegarde de nombreux objets mythiques du patrimoine cinématographique. Les ateliers lyonnais sont, par exemple, les seuls en Europe à pouvoir restaurer des éléments en latex (qui se désagrège au bout de dix ans) par injection de botox.
Cet espace permanent consacré aux arts et techniques des effets spéciaux au cinéma a été créé par le miniaturiste Dan Ohlmann. Il est secondé à ce jour par Laurie Chareyre, miniaturiste, décoratrice, chargée des acquisitions et des prêts des pièces de cinéma et par Alain Bielik, rédacteur en chef du magazine SFX, responsable du contenu pédagogique et iconographique de l’exposition.
Le lieu
Le musée est situé idéalement dans le quartier médiéval et Renaissance du Vieux Lyon, rue St Jean, dans la Maison des avocats, bâtisse Renaissance composée de plusieurs corps de logis (dont le bâtiment oriental du XIVe siècle) et d’une galerie sur cour. Au XVe siècle, le bâtiment devient une auberge. Le XVIe siècle, voit la construction de trois galeries superposées, composées chacune de quatre arcades toscanes reposant sur des colonnes à chapiteaux plats. Au début du XIXe siècle, la maison est transformée en immeuble de location et se dégrade rapidement. En 1968, la démolition est programmée mais la SEMIRELY (société de restauration) en devient propriétaire et la sauve de la destruction. L’ordre des avocats commence une importante campagne de restauration en 1979 et réhabilite tout le bâtiment qui est finalement vendu en 2004 pour laisser place à l’actuel Musée Miniature et Cinéma inauguré le 19 février 2005.
Le concept
Les visiteurs sont invités à parcourir les 1000 m2 des lieux, divisé en douze salles, suivant un parcours thématiques où est présentée la face cachée de 200 films : décors, éléments de décors, objets, accessoires, maquettes, prothèses, robots, mannequins, sculptures, costumes, matte painting, scénarios, storyboards…
Toutes les pièces sont originales et proviennent des plus grands studios américains et européens. Le tout est accompagné de judicieux making of explicatifs fournis par les studios de production, qui révèlent une petite partie des secrets de fabrication d’un film. C’est ainsi, cinquante ans de cinéma qui est mis en lumière au travers des techniques utilisées pour réaliser les effets spéciaux cinématographiques (pré numérique) à travers quatorze thèmes : masques, prothèses, fond bleu/vert, animatroniques, véhicules et décors miniatures, matte-paintings, décors grandeur nature, maquettes, costumes, effets de direct, stop motion, animation 3D, effets numériques.
COLLECTION CINÉMA
Le parcours cinéma commence dans les sous-sols de la Maison des avocats où l’on découvre l’imposant décor reconstitué de plusieurs séquences du film Le parfum, histoire d’un meurtre de Tom Tykwer (2006). Le lieu se prête magnifiquement à l’ambiance cafardeuse et angoissante de l’œuvre. La totalité des décors présentés ont été réalisés par Uli Hanish et proviennent des studios Bavaria de Munich. Ces décors ont demandé six mois de fabrication à une équipe de douze personnes. Les documents de références pour la reproduction du matériel de parfumerie du XVIIIe siècle ont été fournis par le musée du Parfum de Grasse. 1300 flacons ont été fabriqués par des usines de verre polonaises, tous remplis d’huile colorée et bouchés à la cire.
Pré-production
Il s’agit ici des étapes qui se passent avant le tournage. La première étape est un court résumé qu’on appelle « synopsis », puis un « traitement » de quelques dizaines de page. Le scénariste passe ensuite à la rédaction du scénario complet. Il décrit l’action, les lieux, et les dialogues, tout en respectant la structure standard du support : une page de texte = une minute de film.
Beaucoup de films sont visualisés sur papier avant d’être tournés avec la confection d’un story-board. Avec le réalisateur, un illustrateur esquisse sur papier les grandes scènes du film, voire le film entier, comme une bande dessinée. Ces dessins permettent à tous de voir le résultat recherché. Le chef décorateur définit avec le réalisateur la qualité de décors ou de bouts de décors à construire. Les décors sont préparés à l’aide d’illustrations qui aident le réalisateur à développer le « look » du film. Souvent, le design est finalisé à l’aide d’une pré-maquette miniature. Les plans sont ensuite tracés, et l’équipe de construction se charge de les édifier, puis les décorateurs de plateau y installent toute la décoration et les accessoires.
Les films fantastiques impliquent toujours un gros travail de design pour concevoir le monstre, l’extra-terrestre, le vaisseau, etc. Le travail est réalisé à l’aide de centaines de dessins réalisés à la main ou sur ordinateur. Ensuite, la créature ou le vaisseau sont concrétisés sous la forme d’une sculpture miniature appelée pré-maquette ou prototype, laquelle va permettre au réalisateur de voir le résultat en 3D. Une fois le design finalisé, la création est réalisée en taille réelle ou dans l’ordinateur.
Sculptures miniatures pour la séquence de métamorphose du couple dans le film Beetlejuice de Tim Burton (1988).
Vient ensuite le plan de tournage qui indique l’ordre dans lequel les scènes vont être tournées, les dates et horaires de prises de vues, l’adresse du tournage, les heures de présence pour chaque équipe, les accessoires spécifiques, les effets spéciaux éventuels. Avec le scénario, ce document constitue la pièce maîtresse du tournage.
Les décors de cinéma
Les films sont tournés dans des sites spécialement préparés à cet usage. Parfois, il s’agit d’un endroit réel qui est loué par la production. D’autres fois, le décor est spécialement construit pour le film, soit en studio, soit en extérieur, et détruit une fois le tournage terminé. Le décor de studio présente de nombreux avantages : il est disponible 24h/24, les parois sont démontables pour placer la caméra où l’on veut, la lumière est contrôlée, etc. Tous les types de décors sont possibles car les techniciens parviennent à simuler n’importe quelle matière (la roche, le métal, etc.) Souvent, l’extérieur et l’intérieur d’un même endroit sont représentés par deux décors différents. Par exemple, on tournera les scènes d’extérieur devant un vrai château mais pour des raisons pratiques, l’intérieur sera construit en studio. A l’écran, les personnages passeront de l’un à l’autre comme s’il s’agissait du même endroit.
Petite histoire des effets spéciaux
Dès les débuts du cinéma, les films ont utilisé la magie visuelle pour produire des illusions et surprendre ainsi le public. Une multitude de mécanismes et de techniques ont vu le jour afin d’émerveiller celui-ci. Le pouvoir photogénique de l’image réside dans cette qualité propre à la photographie de dédoubler le réel. Fixé sur pellicule, le réel acquiert de nouvelles propriétés, il devient « magique », ce qui était banal devient alors unique, fantastique et spécial ! L’utilisation des effets spéciaux permet ainsi aux créateurs de plier le réel à leurs exigences et à leurs besoins, qu’ils soient d’ordre temporel, physique, esthétique, etc. Ils peuvent ainsi modifier des lieux, créer ou recréer des situations, des créatures irréelles ou monstrueuses… Les effets spéciaux sont donc de l’ordre de l’illusion et du faux semblant et sont avant tout des techniques diverses qui ont énormément évolué et continuent d’évoluer avec la technologie. Le but à atteindre reste identique : tromper, sidérer, amuser, bluffer le spectateur, la force d’un effet spécial réside dans son pouvoir de séduction et d’illusion.
Prothèses utilisées dans Terminator 2 de James Cameron (1991) et Terminator 3 de Jonathan Mostow (2003).
Les premiers effets ont été produits à l’aide d’appareils photo ou à l’aide de miniatures, de rétroprojections ou de fonds peints. Les effets d’optiques sont venus ensuite, en utilisant des filtres, la lumière, l’ombre, les lentilles et les processus chimiques pour produire les effets du film cinématographique. A la fin du XIXème siècle, le français Georges Méliès a développé l’art des effets spéciaux en utilisant la méthode du trompe-l’œil, des modèles en miniature, des décors miniatures, des matte-paintings et du stop motion. Beaucoup d’artistes suivront, tels que Thomas Edison, Ray Harryhausen et bien autres qui n’ont eu de cesse d’imaginer des effets spéciaux toujours plus audacieux et inventifs. Chaque technique apporte une réponse à la question suivante : comment passer du scénario à l’écran ? La peinture sur verre, les décors virtuels, l’animation 3D ou le maquillage sont autant de techniques utilisées pour captiver le spectateur. Les images en mouvement reposent sur une illusion d’optique, c’est ainsi que les effets spéciaux réussissent à transporter le public dans leur univers. Les expositions du musée font découvrir les diverses facettes des effets spéciaux et donnent un très bon aperçu de l’envers du décor.
Les Matte-paintings
Technique méconnue, le matte-painting consiste à créer un décor ou un paysage à partir d’une simple peinture. Celle-ci est traditionnellement réalisée sur une plaque de verre. Une scène du film est projetée sur cette plaque, puis l’artiste peint à même le verre un décor qui prolonge et transforme le décor réel. Du point de vue de la caméra, la partie réelle et la partie peinte se superposent en une seule image. La production peut ainsi faire d’importantes économies sur le budget. Le matte-painting permet également de créer à peu de frais des villes antiques ou futuristes. Aujourd’hui, le numérique a rendu la technique obsolète. Les effets sur le décor sont désormais réalisés par ordinateur et prennent la forme de photomontages sophistiqués et tridimensionnels. Les matte painters ont longtemps entretenu un savant secret sur leur art, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Ces professionnels de l’ombre sont maintenus au silence par contrat comme le sont les magiciens avec les spectateurs.
Matte-painting dans Robocop de Paul Verhoeven (1987).
Le fond bleu/vert
Beaucoup d’effets visuels reposent sur la combinaison de plusieurs prises de vues en une seule image. On filme, par exemple, indépendamment l’acteur et le décor. Cela permet de simuler une situation de danger ou d’intégrer le personnage dans un paysage imaginaire créé séparément. Pour que ces images puissent être superposées, il est préférable que l’acteur soit filmé sur un fond particulier bleu ou vert (couleurs les plus éloignées de la peau humaine). Ainsi, lorsque ces couleurs sont effacées par filtrage sur ordinateur, l’image de l’acteur reste inchangée. Le fond qui entoure le comédien est alors effacé, comme si le contour du personnage avait été découpé au millimètre près. Une fois « détouré, il peut être intégré dans n’importe quel décor ou situation.
Les costumes et accessoires
Avec les décors, les costumes constituent la signature visuelle d’un film. Certains sont entrés dans la légende, comme le fourreau rose de Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes ou le smoking de James Bond. D’autres sont immédiatement reconnaissables, comme les tenues de superhéros (Batman, Spider-Man). Leur créateur est le chef costumier, responsable de tout ce que portent les acteurs devant la caméra. Les costumes des personnages principaux sont créés sur mesure ; leurs couleurs et design doivent se fondre dans le style visuel et historique du film. Plusieurs croquis sont alors proposés et les costumes sont fabriqués par des ateliers spécialisés. Pour les personnages secondaires, l’équipe utilise souvent des costumes existants dénichés dans les archives des studios, ou bien loués par des sociétés spécialisées. Le costume est ensuite complété par des accessoires dont certains sont emblématiques du personnage.
Le skateboard de Retour vers le futur 2 de Robert Zemeckis (1989). La canne de Charlie Chaplin dans ses courts-métrages (1914).
Les effets de direct
Les effets de directe englobent toutes les techniques d’effets spéciaux qui sont mises en œuvre directement pendant le tournage. A l’inverse, les effets visuels ou trucage concernent les effets qui sont créés après le tournage. L’équipe peut aussi bien simuler des effets atmosphériques (vent, brouillard, puis, neige) que des destructions à grande échelle (incendie, explosion, tremblement de terre). Elle dispose pour cela d’outils sophistiqués : ventilateurs géants, machines à brouillard, pompes puissantes, matériaux inoffensifs qui imitent le béton ou le métal, système hydraulique pour faire tanguer un décor de bateau, voir une pièce entière. Ces effets sont parfaitement sécurisés et préservent les acteurs.
Les masques et prothèses
Pour modifier l’apparence d’un comédien, on utilise les effets spéciaux de maquillage. Il s’agit de coller sur le corps ou le visage de l’interprète des « prothèses » en mousse de latex ou en silicone qui vont le transformer : effet de grossissement ou de vieillissement, blessure, apparence monstrueuse, etc. Les prothèses sont sculptées sur une copie d’après moulage du visage ou du corps de l’interprète de manière à épouser parfaitement sa morphologie. Lorsqu’il s’agit d’une créature fantastique, l’anatomie est parfois trop différente de celle d’un homme pour utiliser cette technique. Dans ce cas, le maquillage repose sur un masque mécanique télécommandé qui peut recouvrir la tête entière de l’interprète. De nos jours, les maquillages sont souvent complétés par des effets numériques : une partie du visage est « effacée » par ordinateur pour être remplacé par un maquillage 100% numérique.
Les mondes miniatures
Pour les destructions à grande échelle, les effets miniatures avec l’utilisation de maquettes de très grandes tailles ont longtemps été la seule solution. Ces constructions très élaborés sont conçues pour exploser et s’effondrer d’une certaine manière, ce qui demande un grand savoir-faire. Les miniatures servent aussi à créer des décors ou des paysages urbains qu’il serait trop coûteux de fabriquer en taille réelle. Le numérique tend aujourd’hui à remplacer les effets miniatures.
Décor miniature de Batman : le défi de Tim Burton (1992).
Les véhicules miniatures
Les maquettes ont longtemps été un outil essentiel des effets spéciaux. Il n’y avait pas d’autre solutions économiques pour faire exploser un avion, dérailler un train, lancer un navire en pleine tempête, ou s’envoler en vaisseau spatial. Ces créations n’ont rien à voir avec les maquettes du commerce ; il s’agit de pièces uniques fabriquées à la main, et qui peuvent coûter des dizaines de milliers d’euros et mesurer plusieurs mètres de long. Suivant l’action, elles sont filmées devant un fond bleu puis intégrées dans un décor réel, ou bien filmée dans un décor lui aussi miniature. Pour les scènes d’explosion, les maquettes sont prédécoupées puis « recollées » provisoirement de manière à ce que les morceaux éclatent en débris réalistes sous l’effet des explosifs. De nos jours, ce type d’effet miniature est remplacé, lui aussi, par des animations numériques.
Maquette de la navette Orion 3 de 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968).
L’animation image par image
Cette technique très ancienne repose sur la manière dont fonctionnent les caméras, à savoir l’enregistrement de 24 images successives pour chaque seconde filmée. Ces images sont fixes, mais projetées l’une après l’autre, elles créent l’illusion d’un mouvement. Dans l’animation image par image, le personnage est représenté par une figure articulée de 30 à 40 centimètres de haut. La figurine est placée dans la position souhaitée, puis photographiée. L’animateur modifie la position de quelques millimètres, puis prend une nouvelle photo, et ainsi de suite. Lorsque les images sont projetées l’une après l’autre, la figure semble bouger toute seule. Pour être intégrée dans l’action, elle est le plus souvent filmée devant un écran de projection miniature sur lequel est projetée une scène du film. Depuis l’avènement de l’animation par ordinateur, cette technique est exclusivement utilisée pour des films d’animation.
Figurine Beetlejuice transformée en serpent et animé image par image dans Beetlejuice de Tim Burton (1988).
Les animatroniques
Lorsque la morphologie d’une créature ne permet pas de faire appel à un acteur, on utilise l’animatronique (animation électronique). Le personnage est représenté par une marionnette recouverte d’une peau en mousse de latex. Elle est animée par une multitude de câbles, de vérins et de mécanismes internes créés sur mesure et actionnés à distance par télécommande. Cette technique est aussi idéale pour récréer des animaux. Aujourd’hui, l’animatronique a quasiment disparu au profit de l’animation 3D assisté par ordinateur.
Après une année complète de restauration, l’« Alien Queen », un des monstres robotisés les plus surprenants de l’histoire du cinéma est la pièce maitresse du musée. Cette renaissance a été rendue possible grâce au travail de Dan Ohlmann et Patrick Clody, expert en mécanique.
H.R. Giger est le père et designer de la créature fantastique Alien, emblème de la saga éponyme dont le premier volet a été réalisé par Ridley Scott en 1979. Pour le deuxième opus Aliens (1986), la « Reine Alien » a été inventée et dessinée par James Cameron en collaboration avec un maître des effets spéciaux Stan Winston. Cette même Reine apparaît à une autre reprise dans le quatrième volet de la saga : Alien Résurrection (1997) de Jean-Pierre Jeunet. On aperçoit furtivement sa tête lors de la scène mythique où Sigourney Weaver est dans son nid. Une nouvelle « Reine Alien » encore plus monumentale est créée par le studio A.D.I. pour le tournage de Alien vs. Predator (2004) de Paul W.S. Anderson. L’animatronique géant était contrôlé et programmé par ordinateur et animé par un réseau de vérins hydrauliques, câblages et servomoteurs. Le rendu à l’image pouvait rivaliser avec celui de l’animation numérique de plus en plus utilisée dans les studios. C’est cet animatronique star qui est aujourd’hui présentée à Lyon.
L’animation par ordinateur
Avec l’animation 3D, il est possible d’imaginer les créatures les plus extravagantes. Les cinéastes ne sont plus limités par des contraintes physiques ou mécaniques car tout se passe derrière un écran. Le corps est modélisé en trois dimensions comme une sculpture, puis équipé d’un squelette et d’une musculature, et enfin recouvert d’une « peau ». Pour donner vie à ce personnage, l’animateur place le corps dans la position souhaitée, puis dans la position qu’il occupera un peu plus tard dans la scène, et ainsi de suite. Lorsque ces positions « clés » ont été déterminées, le logiciel crée tout seul le reste du mouvement. Une autre solution consiste à utiliser la capture de mouvements. La scène est alors interprétée par de vrais acteurs, mais leurs mouvements sont analysés en direct par un ordinateur et transposés sur le corps d’un personnage en 3D. Pour cela, ils portent un costume recouvert de capteurs. Chaque mouvement de l’acteur est imité par sa doublure numérique, comme s’il était relié par des fils invisibles. Ainsi animé, le personnage peut être intégré dans l’action du film.
La révolution numérique
Le numérique a constitué la plus grande révolution du cinéma depuis l’invention de la couleur. Les images filmées sont scannées sur ordinateur et manipulées grâce à des logiciels spécialisés. On peut ainsi effacer des éléments indésirables de l’image, ce qui permet de gagner du temps sur les tournages, l’image étant « nettoyée » plus tard. Le numérique permet aussi de modifier les couleurs de la scène, de changer le ciel ou de remplacer un panneau publicitaire par un autre. La vraie révolution, c’est que tous ces changements peuvent être décidés après le tournage : on peut « effacer » et ou « remplacer » des éléments, ou carrément intégrer un personnage dans une autre scène !
COLLECTION MINIATURES
Le dernier étage du musée regroupe plus de 100 décors en miniatures, véritable immersion dans des mondes familiers et étranges à la fois composé de mille objets miniaturisés. La mission est de collectionner, exposer et promouvoir le travail des miniaturistes du monde entier. La totalité de l’œuvre de Dan Ohlmann est présentée aux côtés d’autres artistes tels que Ronan-Jim Sevellec, Julien Martinez, Françoise Andres, Yves Chouard, Michel Perez ou Charles Matton. Différentes techniques et recherches artistiques sont également proposées au travers du papier découpé, de la dinanderie, de l’orfèvrerie, de la verrerie, de l’origami…
Bar-Tabac PMU de Françoise Andres.
La chambre de bonne de Michel Perez (1/12ème).
Time square shuttle de Alan Wolfson.
Pour réaliser des scènes miniatures, il y a différentes phases techniques à respecter : la prise d’un millier de photographies sur le lieu réel à reproduire, le relevé de plusieurs centaines de mesures sur place, le tracé de plans précis à l’échelle sur une table d’architecture, une micro-sculpture de tous les éléments des pièces, la teinte et l’imitation de la vétusté de la scène et la mise en lumière. Ce travail colossal met entre 6 à 15 mois pour être finalisé et demande une précision protocolaire d’horloger.
Charles Matton
Charles Matton (1931-2008) est un artiste pluridisciplinaire : peintre, sculpteur, illustrateur, écrivain, photographe, vidéaste, scénariste et réalisateur. Le travail de miniature qu’il développe depuis la fin des années 1980 le fait passer pour un moraliste du détail. Pour mieux faire apparaître les objets, et pour les faire « surgir », il choisit de les réduire, de les miniaturiser. Changez d’échelle et vous changez ainsi de monde. Matton fabrique d’hallucinantes « reconstitutions de lieux », des « maquettes-sculptures » des lieux qui lui sont familiers et qui le fascinent : un grand loft new-yorkais, les locaux abandonnés de la compagnie Remington, un entrepôt, une salle de bains, les ateliers de Bacon et de Giacometti… Matton ne semble attiré que par les lieux en voie d’installation ou désaffectés ; des lieux figés dans un troublant provisoire. Entre un avant et un après énigmatiques. Matton est un réducteur de lieux. Un réducteur d’objets. Les lieux minuscules de Matton sont de fabuleux réservoirs de fictions potentielles qui deviennent de merveilleux décors de cinéma.
« Au départ, j’ai construit ces lieux dans le but de les photographier. Puis, à partir des tirages, de produire des images peintes. Mais, après les reconstitutions des ateliers de Bacon et de Giacometti, ces maquettes sont devenues des fins en soi. C’est formidable, une maquette, car on peut modifier à tout moment les objets et la lumière. A la différence d’un tableau, aucune décision picturale n’est irréversible. Grâce à toutes ces techniques, je peux décliner un sujet à volonté. J’ai fait il y a quelque temps des essais vidéo d’incrustation de personnages réels à l’intérieur de mes maquettes. Le résultat est incroyable. » Charles Matton.
« Pour créer ces boîtes, je travaille tout d’abord sur du papier millimétrique, c’est un travail d’architecte et d’illusionniste. Je trouve sur plan des jeux de miroirs et de faux miroirs, alors qu’il n’a pas de miroir, j’utilise aussi des vrais miroirs et des miroirs sans tain… Comme je sens que nos regards sont incompétents pour bien décoder ce qui nous entoure, je crois qu’en créant des petits séismes mentaux grâce à ces tromperies, à ces leurres, à ces simulacres, à ces illusions d’espace, je bouscule un peu le regard du spectateur. Et, à la faveur de cette bousculade, j’espère faire voir mieux la chose qu’elle n’est vue habituellement. Cela le ramène à la réalité, à un oubli de lui-même pour concevoir ce qu’il a sous les yeux plus fortement. » Charles Matton, interview sur Europe 1, novembre 2007.
« J’aime chez Charles Matton cette familiarité obsessionnelle qu’il entretient avec les objets, le sentiment de leur évidence, qui est plus qu’un sentiment esthétique et qui tient de l’exorcisme et de la magie. Faire surgir l’objet, voilà qui est plus important que de le faire signifier. » Jean Baudrillard, exposition Antipodes, Palais de Tokyo, Paris, 1987
« Les boîtes magiques et les boîtes métaphysiques. Je voudrais que l’on entre dans mes boîtes comme dans une exposition […] Les boîtes ont pour propos majeur
d’éterniser des morceaux de vie, d’en suspendre le temps. Je considère que mon travail est achevé lorsque les pendules s’arrêtent dans ces lieux que je souhaite aussi peu exotiques que possible, tout à fait réalistes, tout à fait vraisemblables. » Charles Matton, notes personnelles, juin 2002 et décembre 2009.
Dan Ohlmann
Tour à tour ébéniste, sculpteur, architecte d’intérieur et décorateur de théâtre, Dan Ohlmann, originaire de Montélimar, est depuis vingt-cinq ans un miniaturiste passionné. Son long parcours professionnel et les dures exigences de la vie d’artisan lui ont apporté de solides compétences techniques. Celles-ci additionnées à sa passion des scènes réduites ont fait de lui cet artiste qui pratique cet étrange métier de « reporter miniaturiste ». De son passé d’ébéniste, il garde cette remarquable rigueur d’exécution qu’impliquent les métiers d’art. Cette rectitude, ce besoin d’authenticité qui même en minuscule respectent les échelles, les styles académiques ou populaires, les assemblages traditionnels ainsi que la maîtrise de tous les matériaux d’origine.
« En France, on lie la miniature à la maison de poupée, à l’enfance, on le confond avec un passe-temps domestique. Mais au Japon par exemple, c’est un art très respecté : les gens faisaient la queue pour voir mes maquettes » Dan Ohlmann.
Sculpteur, il modèle et taille : volutes, feuilles d’acanthes, rosaces, frises ou fresques souvent nécessaires à la fidélité de reproduction d’un lieu ouvragé. Architecte, il maîtrise les traçages complexes des indispensables plans de ses futures miniatures, faisant des centaines de relevés de côtes, de croquis et de photographies. De cette manière il analyse minutieusement les lieux grandeur nature à reproduire. Pour la confection de ses espaces miniaturisés, il réalise les mêmes dessins et calculs que ceux qu’il employait autrefois lors de réhabilitations, aménagements et constructions d’espaces à l’échelle. Décorateur et passionné de mises en scènes, son attirance pour les ambiances habitées et les atmosphères riches de présences humaines lui permettent aujourd’hui de réaliser avec beaucoup de sensibilité ces étonnants mirages visuels qu’il nomme « réels ».
Le Bouchon Lyonnais de Dan Ohlmann.
Les savons jaunes de Dan Ohlmann.
Le travail de Dan Ohlmann est l’apothéose de la collection de miniature. Sur le modèle du maître en la matière Charles Matton, Ohlmann construit des intérieurs (au 1/12ème) à la présence fantomatique sans figurines pour que le regardeur puisse se projeter dans cet espace reconstituer et fabriquer sa propre fiction. Comme il le dit lui-même : « Je ne fais jamais de personnages car je veux que l’individu rentre dans le lieu pour s’y sentir vivant. En regardant une maquette, je veux qu’on puisse se faire un film, se demander : qu’a-t-il pu se passer là-dedans ? Je mets beaucoup de détails, c’est ce qui donne vie à la maquette ».
Le Théâtre de Cupidon de Dan Ohlmann.
Le souci du détail, du réalisme et le soin apporté à « l’ambiance » font du travail d’Ohlmann de formidables boîtes à illusions fictionnelles poétiques et étranges. C’est aussi, pour l’artiste, l’opportunité de remettre cet art singulier et très rare au centre d’un questionnement esthétique aux frontières du Diorama, du cinéma et de la maquette.
Conclusion
Durant deux heures de visite, nous sommes plongés dans l’univers fantastique et la féérie du cinéma au travers d’un parcours thématique pertinent. Même si c’est essentiellement le cinéma commercial via les blockbusters américains1 qui est représenté, nous ne boudons pas notre plaisir de découvrir les coulisses de la fabrique cinématographique en admirant des pièces mythiques comme la canne de Charlie Chaplin, les maquettes de Beetlejuice, le masque de Freddy Kruger, la navette de 2001, l’odyssée de l’espace et les animatroniques d’Alien. Avec 250 000 visiteurs par an, ce musée unique et hors norme mérite amplement sa réputation ! Une vraie découverte.
Notes :
1 Le maître des lieux, Dan Ohlmann, le dit lui-même : « Je préfère les films d’auteurs et le cinéma intellectuel au cinéma de spectacle et d’action. » Ce n’est pas pour autant qu’il fait l’impasse sur le cinéma à effets spéciaux, plus grand pourvoyeur d’objets illusionnistes pour remplir son musée de pièces uniques et fascinantes.
A visiter :
– Le site du Musée Miniature et Cinéma.
Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Dan Ohlmann – Musée Miniature et Cinéma, S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.