Nous avions découvert cette créatrice il y a dix ans, avec Signaux, au festival mondial de la marionnette de Charleville-Mézières et apprécié l’originalité de son écriture et de son esthétique. Ancienne élève de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette et de l’Ecole Internationale de Théâtre Jacques Lecoq, elle associe comédiens et marionnettes à taille humaine. « Avec sept acteurs, dit-elle, une cinquantaine de marionnettes, des projections-vidéo, un orchestre englouti et une baleine grandeur nature, j’aimerais mettre en scène ce magnifique monstre de la littérature. »
Pari réussi, même si les marionnettes semblent avoir plus de vie que le personnage d’Ismaël, joué lui par un comédien et très en retrait dans cette épopée. Les autres protagonistes du roman sont représentés par des marionnettes d’échelle différente, en particulier le Capitaine Achad, obsédé par son unique folie, retrouver la baleine Moby Dick responsable de son amputation. Certaines scènes sont marquantes comme le délire vengeur du Capitaine, joué par trois marionnettes identiques et autant de plans superposés. Ou le dépeçage quasi-chirurgical d’un cachalot, ce qui en accentue la cruauté. Peut-être un peu trop visibles dans la lumière froide et bleutée, les artistes sont accompagnés de trois musiciens sur scène dont les chants nous emportent dans cette tragédie de la vengeance digne d’une pièce shakespearienne. Yngvild Aspeli réussit durablement à imprimer son esthétique sur les plateaux du monde entier. Un engagement admirable dans un monde du spectacle en pleine reconstruction.
Malgré les conditions chaotiques dues à la situation sanitaire et à des annulations successives – la pièce était programmée au festival d’Avignon l’an passé – le spectacle soutenu par le Groupe des vingt théâtres en Île-de-France, pourra être joué le reste de la saison.
A lire :
Article de Jean Couturier. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Christophe Raynaud de Lage. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.