Mise en scène d’Yngvild Aspeli et Paola Rizza, (en anglais, surtitré en français).
Nous avions beaucoup apprécié le travail d’Yngvild Aspeli à sa sortie de l’École nationale supérieure des Arts de la marionnette de Charleville-Mézières, puis cet été au festival d’Avignon avec son étonnant Cendres. Nous la retrouvons ici, comédienne et marionnettiste, accompagnée de la percussionniste Ane Marthe Sorlien Holen.
Chambre noire s’inspire de La Faculté des rêves, une biographie par l’écrivaine suédoise Sara Stridsberg de Valerie Solanas. Cette féministe radicale américaine (1936-1988) autrice du célèbre pamphlet SCUM Manifesto où elle appelait à l’éradication du genre masculin, est surtout connue pour une tentative de meurtre sur Andy Warhol qu’elle fréquentait assidûment, quand elle était membre de sa Factory. Andy Wharhol qui avait perdu un des manuscrits, refusa de l’indemniser mais ne porta pas plainte contre elle… Lequel manuscrit fut retrouvé bien plus tard dans une boîte de matériel électrique.
La marionnette de taille humaine représentant l’héroïne du récit a été réalisée par Pascal Blaison, Polina Borisova et Yngvild Aspeli : une véritable œuvre d’art… Le personnage de Valerie Solanas se situe à l’interface entre la mort et le vivant, et la marionnette porte les stigmates d’un corps traumatisé par les épreuves douloureuses qu’elle connut, entre autres drogue et prostitution. Justesse du jeu et de la manipulation de la marionnette : Yngvild Aspeli nous donne à voir une enfant, fragile poupée victime des attouchements de son père et de la maltraitance de sa mère Dorothy. Une mère vivant dans l’ombre d’un mythe, celui de Marilyn Monroe, et qui néglige son enfant, tout en lui ordonnant de « ne jamais oublier jamais de briller ».
Paola Rizza, professeur à l’école Jacques Lecoq, avoue qu’en découvrant ce récit, elle a eu envie de « redevenir féministe ». Les traumatismes physiques du personnage, qualifiée de « première pute intellectuelle », sont remarquablement représentés. Une poupée nue, le corps coupé en deux, se livre à toutes les outrances pour survivre. Avec des projections et une musique originale style années 1970, cette œuvre d’une heure, très actuelle, bouscule l’ordre masculin dominant, et ces artistes nous embarquent dans une histoire douloureuse qui retentira longuement dans nos mémoires.
– Article de Jean Couturier. Source : Le Théâtre du Blog.
A lire :
– La Faculté des rêves de Sara Stridsberg. Traduit du suédois par Jean-Baptiste Coursaud et publié chez Stock (2006).
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