Précédé d’un tapage médiatique télévisuel sans précédent, nous avions hâte de découvrir l’hypnotiseur canadien en live et juger son spectacle qui tourne dans toute l’Europe. Messmer, l’homme qui a hypnotisé 60 000 personnes en 25 ans de carrière.
Dès notre entrée, une énorme scène nous fait face. Elle est accessoirisée d’écrans géants, de chaises et d’une structure futuriste surmontée d’une boule sur laquelle sont projetés des effets visuels. Le tout est baigné d’une lumière bleue spectrale.
Le show commence par la diffusion d’extraits d’émissions dans lesquelles Messmer est passé lors de sa campagne médiatique en France, mais aussi au Canada. Il a notamment réunit plus de 250 000 spectateurs avec une série dont il est le « héros », diffusée sur la chaine québécoise TVA.
Fin des extraits vidéo et apparition de Messmer sur scène dans un délicat nuage de fumigènes. Une voix off introduit le spectacle : « Votre subconscient va être transporté dans le rêve et l’imaginaire. » sur une musique intitulée « Irresistible Force ».
Plein feu dans la salle ; Messmer scrute attentivement le public tel un prédateur ! Il énonce d’amblée les expériences qu’il va réaliser avec le public. « Le subconscient est éternel et intemporel. Je n’ai pas de dons particuliers. J’utilise simplement la science, le transfert d’énergie, la force du magnétisme et le pouvoir de suggestion pour arriver à des résultats ».
L’hypnose est donc une modification de l’état de conscience qui permet d’avoir accès à nos ressources personnelles pour nous permettre de modifier certains de nos comportements.
Messmer dit avoir été initié à l’hypnose à l’âge de 7 ans par son grand-père, qui lui a donné un livre de Jean Filiatre sur le sujet datant des années 1930 (Hypnotisme et Magnétisme). Il étudie alors les différentes techniques d’hypnose, le magnétisme, le transfert d’énergie, le somnambulisme, la suggestion et la télépathie. Parallèlement à ses performances scéniques, Messmer a pratiqué l’hypnose thérapeutique en cabinet dans les années 1990 jusqu’en 2000. Depuis, il utilise son savoir à des fins de divertissement pour amuser et « fasciner » les gens. Il adopte alors le nom de Messmer (en y ajoutant un S), en l’honneur de l’un des pionniers du magnétisme, l’illustre médecin autrichien du 19e siècle, Franz-Anton Mesmer.
« Certains d’entre vous seront hypnotisés et seront envahis par un sentiment de bien-être, de nirvana, d’euphorie, de béatitude. Quinze minutes d’hypnose est l’équivalent de 3 heures de sommeil profond. Bienvenue dans un spectacle dont vous êtes le héros ! »
Le test
Arrive sur scène Sinclair, l’apprenti de Messmer depuis 25 ans, pour le premier test de « réceptivité » dans la salle. Messmer demande au public de mettre leurs mains au-dessus de leur tête. Au compte de trois, il ordonne que les paumes restent collées et soudées sur la tête.
Il fait constater alors qu’il existe 3 types de personnes : ceux dont les mains se sont décollées facilement, ceux qui ont réussi à séparer leurs mains avec un effort et ceux qui ne sont pas arrivés à décoller leurs paumes. Ce dernier type de personne est le plus intéressant et le plus réceptif pour continuer l’expérience sur scène. Au total, seul une quarantaine de spectateurs participeront de manière active à la représentation de ce soir.
Une quinzaine de personnes montent alors sur scène. Certains ont encore leurs mains collées ! Messmer procède alors à une deuxième série de tests. Les « sujets » sont priés de fermer leurs yeux, de coller leurs deux pieds et de mettre leurs deux mains sur la tête. Au compte de trois leurs mains sont censées se coller entre elles : « vos mains sont coincées, collées, soudées ». Mots répétés par Messmer sans cesse. « 1, 2, 3, Séparez vos mains maintenant ! ». Ce test marche sur la majorité des « sujets » ; certaines personnes non réceptives, sont priées de regagner la salle.
Catalepsie
Messmer isole un spectateur et lui soumet un troisième test. « Collez vos pieds et tendez un bras devant vous. Votre bras devient maintenant de plus en plus raide, on ne peut pas le bouger. »
« Maintenant, j’influence votre subconscient et je vous programme comme un ordinateur. C’est maintenant votre corps entier qui se raidit, vos jambes se coincent, votre colonne, votre cou. Il vous est impossible de bouger ! »
Deux assistants placent le spectateur, raide comme un piquet, sur deux tréteaux et Sinclair s’assoie sur lui. « Cette catalepsie est possible grâce à un déplacement de l’adrénaline ».
Retour vers le passé
Dernier test en ligne sur les personnes qui sont montées sur scène. Messmer prévient qu’il ne tentera pas le test sur les femmes enceintes. Il va tenter de faire atteindre, à la chaine, un état de sommeil en moins de 10 secondes, à chaque personne. Il est impressionnant de voir les « sujets » tomber comme des mouches un à un (un caméraman film les réactions sur scène, diffusées sur les écrans de part et d’autre de la scène). Messmer prenant bien soin d’accompagner au sol chaque personne dans un mouvement de mimétisme. D’autres s’endorment sur leur chaise… Messmer prévient les spectateurs de la salle que « ces volontaires » sont tout à fait conscients et qu’ils entendent ce qui se passe autour d’eux. Ils ne peuvent simplement plus bouger. « Dans cette hallucination visuelle et auditive, leurs corps va bouger à l’aide d’un rêve. »
Messmer prend le contrôle des « hypnotisés » et leur demande de prendre place dans leur lit, de replacer leur oreiller et de remonter leur couette. Ce qu’exécutent réellement les « sujets ».
« Le temps n’existe plus dans le subconscient. » Les personnes sont alors invitées à revenir à une forme embryonnaire, de reprendre place dans le ventre de leur mère, en position fœtale.
« Maintenant, vous tirez sur votre cordon ombilical et vous faites un lasso avec, comme dans un western ! Vous sentez alors une contraction et vous vous faites le plus mince possible. Vous plongez maintenant du ventre de votre mère et pleurez. Vous tétez le sein de maman. »
Le caméraman film les différentes « transformations » et on voit précisément les gens pleurer et téter.
Dans une logique de progression, le nouveau-né grandit par étapes jusqu’à ses 1 an.
« Vous avez maintenant 6 mois et vous touchez vos dents avec vos doigts, vous gazouillez. Vous avez 9 mois et vous vous asseyez. Maintenant, vous vous déplacez à quatre pattes. Vous dites votre premier mot à maman. C’est vos 1 an, le jour de votre anniversaire ; vous soufflez votre bougie et dansez pour fêter l’occasion. Il est l’heure de se coucher. Des éclairs et un orage retentissent ; vous avez peur. Vous retrouvez vos amis et vous vous collez à eux. Maintenant, au compte de 3 vous vous réveillerez. Réveillez-vous maintenant ! »
Messmer demande alors aux personnes de s’asseoir. Celles-ci sont encore sous l’emprise de l’hypnotiseur, dans le monde du subconscient.
La préhistoire
« Restez droits dans vos chaises et fermez les yeux. 1, 2, 3, Vous dormez maintenant ! Vous êtes dans un monde de rêve. Bougez dans votre chaise et ressentez le monde autour de vous. »
« En 1966, La série Star Trek mettait en scène des effets de transportations. Le niveau somnambulique dans lequel se trouvent mes sujets d’un soir est une distorsion entre le rêve et la réalité. Ils peuvent donc vivre n’importe quelle situation et se retrouver, par exemple, en pleine ère préhistorique ! »
Les gens sur scène commencent à scruter les spectateurs dans la salle. Ils les touchent, étudient leur comportement, cherchent des mouches dans leur cheveux. Messmer les avertit de l’arrivée d’un mammouth et le groupe remonte immédiatement sur scène en criant. Les « sujets » piétinent ensuite le mastodonte et dansent autour de lui. Ils font ensuite un vêtement avec la peau de l’animal et se pavanent devant la salle comme pour un défilé de mode, collection automne-hiver…
Messmer ordonne un arrêt dans le temps et tout le monde s’immobilise. Il fait jouer le rôle de Monsieur et Madame Cro-Magnon à deux hommes en leur demandant de « repeupler » leur tribu et de consommer leur amour devant tout le monde ! Une situation comique et cocasse qui se termine par les contractions et l’accouchement de madame. L’enfant est de couleur noir. « Vous êtes cocu ! » demande Messmer. « Qui a pu faire ça ? », l’autre tribu bien sûr ! (en éclairant la salle).
Messmer compte alors jusqu’à trois et réveille le groupe. Les souvenirs du subconscient remontent jusqu’au conscient. Les gens hypnotisés se souviennent alors très bien de l’expérience et de tous les détails !
Le casque électromagnétique
Un « sujet » se place sous un pseudo casque électromagnétique ayant appartenu à Einstein. Il se nomme et dit où il habite. Messmer lui demande de dormir et, sous l’effet du prétendu casque, il accélère le phénomène pour connecter son cerveau au sien. Par un bel effet de lumières et de sons, la machine disjoncte et le patient a l’air cuit.
« Marchez vers moi et dites-moi votre nom et ou vous habitez. » L’homme invente un prénom et un nom qui ne sont pas les siens : Franck Einstein et dit habiter Clermont-Ferrand au lieu de Dijon. « Vous êtes venu avec votre femme ? » Réponse affirmative de l’homme qui se contredit avec elle sur son identité. « Au compte de trois vous vous réveillerez et serez fier de vous comme le public ».
French cancan
Pour finir la première partie en beauté, Messmer hypnotise à nouveau son groupe et les « téléporte » en 1913 à Paris au Moulin Rouge pour une séance de cancan. Tout le monde danse frénétiquement sur scène. Avant de faire regagner leur place dans le public, Messmer ancre dans le subconscient des « sujets » de danser à chaque fois qu’ils entendront la musique du cancan au cours de la soirée. A peine revenu dans la salle, la musique joue et ces personnes dansent au milieu des spectateurs ! La musique s’arrête, c’est l’entracte.
Réceptivité
Début de la 2ème partie du spectacle.
« Il y a différents niveaux de réceptivité. L’énergie varie selon les sujets et il faut trouver le bon cobaye. Il y a quatre niveaux de conscience : le BETA qui est l’intellect, l’ALPHA qui correspond au subconscient et au somnambulique, le THETA qui correspond au sommeil profond et le DELTA qui correspond au sommeil très très profond. »
Messmer parle de ses premières expériences d’hypnose quand il avait 16 ans, quand tout à coup retentit la musique du french cancan : les gens dansent sans se poser de questions.
L’hypnotiseur va maintenant choisir un dernier groupe de personnes en réalisant un nouveau teste de réceptivité dans la salle. Il demande à tout le monde de croiser les mains et de déplier les index. « Petit à petit vous sentez que vos index se collent entre eux, vous ne pouvez plus les décoller. Maintenant vous dormez et vous levez votre bras droit. Vous vous levez et restez debout en équilibre. »
Messmer se balade dans la salle et va choisir ses derniers « sujets ». Il ancre le mot rhododendron dans le subconscient de quelques personnes sur scène et leur ordonne de crier quand ils entendront ce mot.
Messmer ordonne à une personne d’aller aux toilettes, ce qui provoque un gag.
Phobie
Messmer endort ses « sujets » sur scène (dans la salle quelques personnes dorment également !) « Bougez, prenez contact avec vos voisins. »
Il se produit alors un incident imprévu dans la salle. Une femme est prise de panique. Messmer court vers elle, débranche son micro et la rassure.
« Les gens se créent des peurs tout seul. Certains ont même des phobies… Je vous présente mon rat domestiqué ! »
L’hypnotiseur choisit la personne ayant peur des rats, la met sous hypnose et lui retire sa phobie pour un moment. Messmer fait passer le rat pour un écureuil et la spectatrice va jusqu’à le caresser et lui faire un bisou ! Une fois réveillée, la femme se souvient de tout, horrifiée.
« Vous voyez que l’on peut libérer certaines phobies par l’hypnose, l’hypnothérapie, la sophrologie ou la PNL. »
Messmer prononce alors le mot rhododendron et le groupe de gens se met à crier.
Comme au Cinéma
Après une introduction vidéo sur les débuts du cinéma et de l’illusion que ce nouveau média provoqua (L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, Méliès, Chaplin), Messmer décrit le cinématographe comme un art de masse qui a façonné durablement la façon de voir les choses et qui est intimement lié à l’hypnose. C’est le seul média qui arrive à entrer aussi bien dans l’inconscient collectif.
C’est parti pour une expérience de cinéma « mimé ». Bienvenue dans les films dont vous êtes le héros !
On commence par Top Gun. Les « sujets » prennent place à bord du jet, vérifient le tableau de bord, mettent leurs casques, attachent leurs ceintures, mettent le moteur et décollent (l’écran du fond diffusant des extraits du film). Le metteur en scène Messmer « commande » une attaque ; l’avion est touché et s’écrase au sol. Sur terre c’est la guerre, il y a un jeune homme blessé qui a perdu sa jambe ! Il faut lui faire du bouche à bouche (Messmer arrête la scène avant qu’elle ne dégénère). « 1, 2, 3 réveillez-vous ! Mesdames et messieurs, ils ont vécu Top Gun. »
Messmer demande à l’homme qui s’est fait amputer dans le film de se lever et celui-ci boite. Il a l’impression d’avoir une jambe plus courte que l’autre après sa greffe ! L’hypnotiseur contrôle maintenant sa jambe à distance et la fait bouger dans tous les sens.
Dans Top Gun, les deux personnages principaux s’appellent Iceman et Maverick. Ils sont amoureux de la même femme. Et bien ce soir, ils vont s’aimer sur scène en dansant ensemble un slow. « A chaque fois que cette musique jouera, vous danserez ». Les deux hommes restent coincés sur scène collés entre eux, les mains sur les fesses, puis se « réveillent ».
Messmer prononce alors le mot rhododendron pour la troisième fois et le groupe de gens se met à crier.
Deuxième séance avec un film de James Bond. Cette fois ci c’est Messmer qui mime la prise d’un pistolet pour endormir un à un les « sujets » à distance. Il confie ensuite l’arme invisible à un « cobaye » qui le place dans sa bouche ! Les gens sont prêts à faire n’importe quoi sous l’emprise de quelqu’un…
Troisième séance avec le film E.T. « Vous avez un long doigt et un long cou, les joues gonflées. Vous prenez contact avec Elliot. Vous êtes maintenant dans la peau d’Elliot et vous faites du vélo, vous pédalez et vous vous envolez dans le ciel. C’est la fin du film, vous faites vos adieux à E.T (« les sujets » pleurs). Au compte de trois vous vous réveillerez. Vous vous souvenez de tout et vous pouvez êtes fiers de vous car nous, nous sommes fiers de vous ! »
Quatrième séance avec le film Rocky. Messmer prend un « sujet » qu’il va « transformer » en boxeur mythique. « Nous sommes en 1976, vous êtes Rocky Balboa, vous faites de la corde à sauter, vous faites des pompes. C’est l’heure du grand match. » Messmer joue le rôle de l’arbitre et le caméraman joue le rôle de l’adversaire Apollo Creed dans un jeu de caméra subjective avec la salle. « Le sujet » se bat dans le vent face à la caméra. C’est un échange de coups et de K.O à distance. Les autres « sujets » fêtent leur nouveau héros en le portant.
Une fois « réveillé », le héros d’un soir explique les sensations qu’il a vécu, légères comme dans un rêve. Pour finir, Messmer le fait parler en japonais.
Music collection
Messmer propose aux spectateurs dans la salle une dernière expérience, sans quitter leur siège. « Les meilleurs sujets en hypnose sont ceux qui se laissent aller, qui s’abandonnent, qui ne réfléchissent plus. Fermez les yeux, abandonnez-vous, dormez maintenant ! Au compte de trois vous danserez le twist puis le rock psychédélique de Woodstock., On continue avec le disco des Y.M.C.A pour finir par du hard rock avec Métallica. Maintenant vous vous réveillez ! »
La musique de Top Gun retentit et les deux « sujets » se lèvent de leur siège pour se rejoindre et danser ensemble. Iceman et Maverick se sont retrouvés.
Conclusion
2H30 de show et pas un seul temps mort dans ce spectacle extrêmement bien rôdé. Messmer est sûr de lui, maître de la situation en toutes circonstances. Il est véritablement un maître dans son domaine. Il s’exprime clairement et ne laisse aucune place à l’improvisation. Son discours est direct et percutant. Chaque mot participe à la mise en condition des spectateurs. Un système efficace qui laisse une trace indélébile dans la mémoire des gens.
Intelligemment construit, Intemporel parle au plus grand nombre dans une forme de « propagande » de spectacle où le « sujet » n’est jamais ridiculisé par l’hypnotiseur, mais mis en valeur : « un spectacle dont vous êtes le héros ». Messmer est respectueux des gens qui montent sur scène. Il ne les met pas en danger et conserve une certaine éthique. Il garde constamment le contrôle et surveille ses « volontaires » d’un soir. Même si on sourit et on rigole énormément, ce n’est pas pour se moquer des gens, mais bien parce que les situations sont cocasses et jamais vulgaires.
L’hypnose de spectacle fonctionne grâce à une combinaison de facteurs psychologiques, à la sélection des participants grâce à des tests de réceptivité, à la fixation de l’attention, à la suggestibilité, à l’ancrage, à la scénographie, mais aussi à l’aide de compères occasionnels. Nous avons légitimement des doutes sur certaines interventions de personnes qui, pour renforcer la ligne dramatique du spectacle, exagèrent leurs comportements. Les compères sont nécessaires à un spectacle d’hypnose, ces « entraineurs » amplifient judicieusement certains effets et conditionnent le public pour donner du rythme. Il faut simplement savoir les utiliser avec parcimonie et intelligence. Dans le cas de Messmer, seul quelques personnes suffisent…
Messmer arrive à « fasciner » un spectateur, entre autres, grâce au désir de celui-ci d’être le centre d’attention. La grande force du spectacle est d’être une expérience collective et non une démonstration d’un certain savoir-faire. Messmer utilise finement les différentes « ressources » des participants, leur capacité à se transcender sur scène, à oublier leur peur, leur inhibition pour servir au reste du public un moment drôle et cocasse. Un spectacle à voir absolument.
A lire :
- Messmer, Comment l’hypnose à changé ma vie (Éditions Michel Lafon, 2019).
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